LOI MANILIA
  
CONFIRMANT POMPÉE DANS SON « IMPERIUM »
  
ET LUI ATTRIBUANT LA CONDUITE DE LA GUERRE CONTRE MITHRIDATE ET TIGRANE
  
( 66 av. J.-C. )


     
Cicero, Mur., 16, 34 ( Nisard, Paris, 1840 ).
  

 
Je soutiens seulement que si cette guerre, si cet ennemi, si ce roi avaient été à mépriser, le sénat et le peuple romain n'auraient pas attaché tant d'importance à entreprendre cette expédition, et mis une telle persévérance à la continuer pendant tant d'années ; Lucullus n'y aurait pas acquis tant de gloire, et le peuple romain ne se serait pas si fort empressé de confier le soin de la terminer à Pompée, qui, de tous les combats qu'il a livrés, n'en a jamais soutenu un plus terrible et où la victoire ait été plus disputée que celui où il eut pour adversaire Mithridate en personne. ...
 

     
Cicero, Dom., 8, 19 ( Nisard, Paris, 1840 ).
  

 
Non, ce n'est pas avec vous que je raisonne ainsi ; je tiendrais ce langage à ceux qui déclarent que, s'il était à propos de confier à un seul homme quelque partie du gouvernement, ils la confieraient à Pompée, mais qu'ils blâment ces commissions extraordinaires ; que toutefois, Pompée en ayant été chargé, ils respectent et sont prêts à appuyer ce pouvoir dans les mains d'un si grand homme. J'approuverais leur opinion, si je n'en étais empêché par ces triomphes qui ont ajouté à la grandeur de notre nom, et illustré notre empire, dans ces occasions mêmes où Pompée avait été appelé extraordinairement à la défense de la patrie. Je loue du moins ces citoyens respectables, d'être conséquents à leurs principes ; mais je devais être conséquent aussi bien qu'eux, moi qui provoquai la commission extraordinaire en vertu de laquelle il a fait la guerre à Mithridate et à Tigrane.
 

     
Dion Cassius, XXXVI, 40 ( Gros, Paris, 1845-70 ).
  

 
... Le lendemain, le Sénat, instruit de cette proposition (*), la rejeta sur-le-champ : l'indignation de la multitude était montée à son comble. Manilius, qui en fut effrayé, attribua d'abord à Crassus et à quelques autres la pensée de cette loi ; mais comme personne ne le crut, il chercha, malgré une vive répugnance, à flatter Pompée et prit surtout ce parti, parce qu'il savait que Gabinius avait beaucoup de crédit auprès de lui. Il lui fit donc confier la guerre contre Tigrane et contre Mithridate, avec le gouvernement de la Bithynie et de la Cilicie.
——
(*)  Proposition prescrivant de répartir les affranchis dans toutes les tribus.
 

     
Eutropius, VI ( Dubois, Paris, 1865 ).
  

 
10. Tandis que ces événements avaient lieu, les pirates infestaient toutes les mers, en sorte que les Romains, vainqueurs du monde entier, n’étaient plus entravés que dans leur navigation. Un décret confia la conduite de cette guerre à Cn. Pompée, qui la termina en peu de mois avec un bonheur et une célérité sans exemple. Bientôt on lui remit aussi le soin de combattre Mithridate et Tigrane ...
 

     
Livius, Per., C ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
Le tribun du peuple, C. Manilius, soulève une vive indignation dans l'aristocratie en proposant une loi qui défère à Pompée la conduite de la guerre contre Mithridate. ...
 

     
Plutarch, Luc., 35 ( Ricard, Paris, 1883 ).
  

 
... Les commissaires de la grande assemblée étaient déjà là pour régler la situation du Pont, que l'on croyait pacifié. Hélas ! en arrivant ils ne le virent (Lucullus) même pas maître de sa personne, tant ses soldats l'insultaient et l'outrageaient bassement ! Les rebelles en étaient venus à un tel excès d'insolence envers le général qu'à la fin de l'été, revêtant leurs armes et tirant l'épée, ils provoquaient les ennemis qui ne se montraient nulle part et avaient renoncé désormais à la lutte. Ils poussaient des cris de guerre et s'escrimaient dans le vide ; à la fin, ils se retirèrent du retranchement, jurant leurs grands dieux qu'aux termes de la convention conclue avec Lucullus ils avaient fait leur temps. Quant aux autres, Pompée les appelait à lui par lettres ; car il était déjà désigné pour commander la campagne contre Mithridate et Tigrane. Il devait cet honneur à sa popularité et aux intrigues des démagogues, alors qu'aux yeux, du moins, du Sénat et de l'aristocratie, Lucullus paraissait victime d'un traitement indigne ; car il laissait en héritage à ses successeurs non pas la guerre, mais le triomphe ; et ce n'était pas un commandement, mais le fruit de ce commandement, qu'on le forçait d'abandonner et de céder à d'autres.
 

     
Plutarch, Pomp., 30 ( Ricard, Paris, 1883 ).
  

 
Quand on apprit à Rome que la guerre des pirates était terminée, et que Pompée profitait de son loisir pour visiter les villes de son gouvernement, un tribun du peuple, nommé Manilius, proposa un décret qui, donnant à Pompée le commandement de toutes les provinces et de toutes les troupes que Lucullus avait sous ses ordres, y joignait la Bithynie, occupée par Glabrion, le chargeait d'aller faire la guerre aux rois Mithridate et Tigrane, l'autorisait à conserver toutes les forces maritimes et à commander avec la même puissance qu'on lui avait conférée pour la guerre précédente. C'était soumettre à un seul homme tout l'empire romain ; car les provinces que le premier décret ne lui donnait pas à gouverner, telles que la Phrygie, la Lycaonie, la Galatie, la Cappadoce, la Cilicie, la Haute-Colchide et l'Arménie, lui étaient attribuées par le second, avec toutes les forces, toutes les armées que Lucullus avait employées à vaincre Mithridate et Tigrane. Le tort que ce décret faisait à Lucullus, en le privant de la gloire de ses exploits, en lui donnant un successeur aux honneurs du triomphe plutôt qu'aux travaux de la guerre, affligea les nobles, qui ne pouvaient se cacher l'injustice et l'ingratitude dont on payait ses services ; mais ce n'était pas ce qui les touchait le plus : rien ne leur paraissait plus intolérable que de voir élever Pompée à un degré de puissance qu'ils regardaient comme une tyrannie véritable et déjà tout établie. Ils s'encourageaient donc les uns les autres à faire rejeter cette loi et à ne pas trahir la cause de la liberté. Mais quand le jour fut venu, la crainte qu'ils eurent du peuple leur ôta le courage, et ils gardèrent tous le silence, à l'exception de Catulus, qui, après avoir longtemps combattu la loi, voyant qu'il ne gagnait personne du peuple, adressa la parole aux sénateurs et leur cria plusieurs fois, du haut de la tribune, de chercher, comme leurs ancêtres, une montagne ou une roche, où ils pussent se retirer et se conserver libres. Mais tout fut inutile ; la loi passa au suffrage unanime des tribus ; et Pompée, absent, fut déclaré maître absolu de presque tout ce que Sylla avait usurpé par les armes, en faisant la guerre à sa patrie. Quand il reçut les lettres qui lui apprenaient ce que le peuple venait de décréter pour lui, et que ceux de ses amis qui étaient présents l'en félicitèrent, il fronça les sourcils, se frappa la cuisse et s'écria, comme affligé et surchargé même de ce nouveau commandement : "Ah ! mes travaux ne finiront donc pas ! Quel bonheur pour moi si je n'avais été qu'un particulier inconnu ! Passerai-je sans cesse d'un commandement à un autre ! Ne pourrai-je jamais me dérober à l'envie et mener à la campagne, avec ma femme, une vie douce et paisible !". Cette dissimulation déplut à ses meilleurs amis, qui savaient très-bien que son ambition naturelle et sa passion pour le commandement, enflammées encore par ses différends avec Lucullus, lui rendaient très agréable ce nouvel emploi.
 

 
Quintilianus, Inst., II, 4 ( Nisard, Paris, 1875 ).
 

 
40. Je sais enfin qu'il y a des lois qui ne sont portées que pour un temps, comme celles qui confèrent des honneurs ou des commandements : telle était la loi Manilia, sur laquelle nous avons un discours de Cicéron.
 

 
C. Velleius Paterculus, II, 33 ( Hainsselin & Watelet, Paris, 1932 ).
 

 
La guerre des pirates était terminée. Lucius Lucullus qui, à l'issue de son consulat, avait obtenu du sort la province d'Asie, y luttait depuis sept ans contre Mithridate. Il y avait accompli de grands et mémorables exploits et il avait infligé à ce roi de nombreuses défaites en bien des endroits ; il avait délivré Cyzique par une remarquable victoire. En Arménie, il avait vaincu Tigrane, le plus grand des rois. Mais il n'avait pas pu ou plutôt il n'avait pas voulu achever cette guerre. Digne par ailleurs de tous les éloges et presque invincible dans les combats, il s'était laissé séduire par l'amour de l'argent. Il dirigeait donc encore les opérations de cette guerre, quand le tribun du peuple Manilius, homme qui fut toujours vénal et qui toujours servit d'agent à la puissance d'autrui, proposa une loi qui donnait à Cneius Pompée le commandement de la guerre contre Mithridate. Cette loi fut votée et il s'éleva entre les deux généraux un grave conflit.