LA CITÉ ANTIQUE
   
ÉTUDE SUR LE CULTE, LE DROIT, LES INSTITUTIONS DE LA GRÈCE ET DE ROME
 
Livre I
      
Antiques croyances
 

 
Texte établi à partir de la deuxième édition, Paris, 1866 ).
 

 

 
Chapitre I. – Croyances sur l'âme et sur la mort.
 

 
     Jusqu'aux derniers temps de l'histoire de la Grèce et de Rome, on voit persister chez le vulgaire un ensemble de pensées et d'usages qui dataient assurément d'une époque très éloignée et par lesquels nous pouvons apprendre quelles opinions l'homme se fit d'abord sur sa propre nature, sur son âme, sur le mystère de la mort.
     Si haut qu'on remonte dans l'histoire de la race indo-européenne, dont les populations grecques et italiennes sont des branches, on ne voit pas que cette race ait jamais pensé qu'après cette courte vie tout fût fini pour l'homme Les plus anciennes générations, bien avant qu'il y eût des philosophes, ont cru à une seconde existence après celle-ci. Elles ont envisagé la mort, non comme une dissolution de l'être, mais comme un simple changement de vie.
     Mais en quel lieu et de quelle manière se passait cette seconde existence ? Croyait-on que l'esprit immortel, une fois échappé d'un corps, allait en animer un autre ? Non ; la croyance à la métempsycose n'a jamais pu s'enraciner dans les esprits des populations gréco-italiennes ; et elle n'est pas non plus la plus ancienne opinion des Aryas de l'Orient, puisque les hymnes des Védas sont en opposition avec elle. Croyait-on que l'esprit montait vers le ciel, vers la région de la lumière ? Pas davantage ; la pensée que les âmes entraient dans une demeure céleste, est d'une époque relativement assez récente en Occident, puisqu'on la voit exprimée pour la première fois par le poète Phocylide ; le séjour céleste ne fut jamais regardé que comme la récompense de quelques grands hommes et des bienfaiteurs de l'humanité. D'après les plus vieilles croyances des Italiens et des Grecs, ce n'était pas dans un monde étranger à celui-ci que l'âme allait passer sa seconde existence ; elle restait tout près des hommes et continuait à vivre sous la terre (1).
     On a même cru pendant fort longtemps que dans cette seconde existence l'âme restait associée au corps. Née avec lui, la mort ne l'en séparait pas ; elle s'enfermait avec lui dans le tombeau.
Si vieilles que soient ces croyances, il nous en est resté des témoins authentiques. Ces témoins sont les rites de la sépulture, qui ont survécu de beaucoup à ces croyances primitives, mais qui certainement sont nés avec elles et peuvent nous les faire comprendre.
     Les rites de la sépulture montrent clairement que lorsqu'on mettait un corps au sépulcre on croyait en même temps y mettre quelque chose de vivant. Virgile, qui décrit toujours avec tant de précision et de scrupule les cérémonies religieuses, termine le récit des funérailles de Polydore par ces mots : nous enfermons l'âme dans le tombeau. La même expression se trouve dans Ovide et dans Pline le Jeune ; ce n'est pas qu'elle répondît aux idées que ces écrivains se faisaient de l'âme, mais c'est que depuis un temps immémorial elle s'était perpétuée dans le langage, attestant d'antiques et vulgaires croyances (2).
     C'était une coutume, à la fin de la cérémonie funèbre, d'appeler trois fois l'âme du mort par le nom qu'il avait porté. On lui souhaitait de vivre heureuse sous la terre. Trois fois on lui disait : porte-toi bien. On ajoutait : que la terre te soit légère (3). Tant on croyait que l'être allait continuer à vivre sous cette terre et qu'il y conserverait le sentiment du bien-être et de la souffrance ! On écrivait sur le tombeau que l'homme reposait là ; expression qui a survécu à ces croyances et qui de siècle en siècle est arrivée jusqu'à nous. Nous l'employons encore, bien qu'assurément personne aujourd'hui ne pense qu'un être immortel repose dans un tombeau. Mais dans l'antiquité on croyait si fermement qu'un homme vivait là, qu'on ne manquait jamais d'enterrer avec lui les objets dont on supposait qu'il avait besoin, des vêtements, des vases, des armes. On répandait du vin sur sa tombe pour étancher sa soif ; on y plaçait des aliments pour apaiser sa faim. On égorgeait des chevaux et des esclaves, dans la pensée que ces êtres enfermés avec le mort le serviraient dans le tombeau, comme ils avaient fait pendant sa vie. Après la prise de Troie, les Grecs vont retourner dans leur pays ; chacun d'eux emmène sa belle captive ; mais Achille, qui est sous la terre, réclame sa captive aussi, et on lui donne Polyxène (4).
     Un vers de Pindare nous a conservé un curieux vestige de ces pensées des anciennes générations. Phryxos avait été contraint de quitter la Grèce et avait fui jusqu'en Colchide. Il était mort dans ce pays ; mais tout mort qu'il était, il voulait revenir en Grèce. Il apparut donc à Pélias et lui prescrivit d'aller en Colchide pour en rapporter son âme. Sans doute cette âme avait le regret du sol de la patrie, du tombeau de la famille ; mais attachée aux restes corporels elle ne pouvait pas quitter sans eux la Colchide (5).
     De cette croyance primitive dériva la nécessité de la sépulture. Pour que l'âme fût fixée dans cette demeure souterraine qui lui convenait pour sa seconde vie, il fallait que le corps, auquel elle restait attachée, fût recouvert de terre. L'âme qui n'avait pas son tombeau, n'avait pas de demeure. Elle était errante. En vain aspirait-elle au repos, qu'elle devait aimer après les agitations et le travail de cette vie ; il lui fallait errer toujours, sous forme de larve ou de fantôme, sans jamais s'arrêter, sans jamais recevoir les offrandes et les aliments dont elle avait besoin. Malheureuse, elle devenait bientôt malfaisante. Elle tourmentait les vivants, leur envoyait des maladies, ravageait leurs moissons, les effrayait par des apparitions lugubres, pour les avertir de donner la sépulture à son corps et à elle-même. De là est venue la croyance aux revenants. Toute l'antiquité a été persuadée que sans la sépulture l'âme était misérable, et que par la sépulture elle devenait à jamais heureuse. Ce n'était pas pour l'étalage de la douleur qu'on accomplissait la cérémonie funèbre, c'était pour le repos et le bonheur du mort (6).
     Remarquons bien qu'il ne suffisait pas que le corps fût mis en terre. Il fallait encore observer des rites traditionnels et prononcer des formules déterminées. On trouve dans Plaute l'histoire d'un revenant (7) ; c'est une âme qui est forcément errante, parce que son corps a été mis en terre sans que les rites aient été observés. Suétone raconte que le corps de Caligula ayant été mis en terre sans que la cérémonie funèbre fût accomplie, il en résulta que son âme fut errante et qu'elle apparut aux vivants, jusqu'au jour où l'on se décida à déterrer le corps et à lui donner une sépulture suivant les règles. Ces deux exemples montrent clairement quel effet on attribuait aux rites et aux formules de la cérémonie funèbre. Puisque sans eux les âmes étaient errantes et se montraient aux vivants, c'est donc que par eux elles étaient fixées et enfermées dans leurs tombeaux. Et de même qu'il y avait des formules qui avaient cette vertu, les anciens en possédaient d'autres qui avaient la vertu contraire, celle d'évoquer les âmes et de les faire sortir momentanément du sépulcre.
     On peut voir dans les écrivains anciens combien l'homme était tourmenté par la crainte qu'après sa mort les rites ne fussent pas observés à son égard. C'était une source de poignantes inquiétudes. On craignait moins la mort que la privation de sépulture. C'est qu'il y allait du repos et du bonheur éternel. Nous ne devons pas être trop surpris de voir les Athéniens faire périr des généraux qui, après une victoire sur mer, avaient négligé d'enterrer les morts. Ces généraux, élèves des philosophes, distinguaient nettement l'âme du corps, et comme ils ne croyaient pas que le sort de l'une fût attaché au sort de l'autre, il leur semblait qu'il importait assez peu à un cadavre de se décomposer dans la terre ou dans l'eau. Ils n'avaient donc pas bravé la tempête pour la vaine formalité de recueillir et d'ensevelir leurs morts. Mais la foule qui, même à Athènes, restait attachée aux vieilles croyances, accusa ses généraux d'impiété et les fit mourir. Par leur victoire ils avaient sauvé Athènes; mais par leur négligence ils avaient perdu des milliers d'âmes. Les parents des morts, pensant au long supplice que ces âmes allaient souffrir, étaient venus au tribunal en vêtements de deuil et avaient réclamé vengeance.
     Dans les cités anciennes la loi frappait les grands coupables d'un châtiment réputé terrible, la privation de sépulture. On punissait ainsi l’âme elle-même, et on lui infligeait un supplice presque éternel.
     Il faut observer qu'il s'est établi chez les anciens une autre opinion sur le séjour des morts. Ils se sont figuré une région, souterraine aussi, mais infiniment plus vaste que le tombeau, où toutes les âmes, loin de leur corps, vivaient rassemblées, et où des peines et des récompenses étaient distribuées suivant la conduite que l'homme avait menée pendant la vie. Mais les rites de la sépulture, tels que nous venons de les décrire, sont manifestement en désaccord avec ces croyances-là : preuve certaine qu'à l'époque où ces rites s'établirent, on ne croyait pas encore au Tartare et aux Champs-Élysées. L'opinion première de ces antiques générations fut que l'être humain vivait dans le tombeau, que l'âme ne se séparait pas du corps et qu'elle restait fixée à cette partie du sol où les ossements étaient enterrés. L'homme n'avait d'ailleurs aucun compte à rendre de sa vie antérieure. Une fois mis au tombeau, il n'avait à attendre ni récompenses ni supplices. Opinion grossière assurément, mais qui est l'enfance de la notion de la vie future.
     L'être qui vivait sous la terre n'était pas assez dégagé de l'humanité pour n'avoir pas besoin de nourriture. Aussi à certains jours de l'année portait-on un repas à chaque tombeau. Ovide et Virgile nous ont donné la description de cette cérémonie dont l'usage s'était conservé intact jusqu'à leur époque, quoique les croyances se fussent déjà transformées. Ils nous montrent qu'on entourait le tombeau de vastes guirlandes d'herbes et de fleurs, qu'on y plaçait des gâteaux, des fruits, du sel, et qu'on y versait du lait, du vin, quelquefois le sang d'une victime (8).
     On se tromperait beaucoup si l'on croyait que ce repas funèbre n'était qu'une sorte de commémoration. La nourriture que la famille apportait, était réellement pour le mort, exclusivement pour lui. Ce qui le prouve, c'est que le lait et le vin étaient répandus sur la terre du tombeau ; qu'un trou était creusé pour faire parvenir les aliments solides jusqu'au mort ; que, si l'on immolait une victime, toutes les chairs en étaient brûlées pour qu'aucun vivant n'en eût sa part ; que l'on prononçait certaines formules consacrées pour convier le mort à manger et à boire ; que, si la famille entière assistait à ce repas, encore ne touchait-elle pas aux mets ; qu'enfin, en se retirant, on avait grand soin de laisser un peu de lait et quelques gâteaux dans des vases, et qu'il y avait grande impiété à ce qu'un vivant touchât à cette petite provision destinée aux besoins du mort (9).
     Ces usages sont attestés de la manière la plus formelle. « Je verse sur la terre du tombeau, dit Iphigénie dans Euripide, le lait, le miel, le vin ; car c'est avec cela qu'on réjouit les morts (10). » Chez les Grecs, en avant de chaque tombeau il y avait un emplacement qu'ils appelaient « pura » et qui était destiné à l'immolation de la victime et à la cuisson de sa chair (11). Le tombeau romain avait de même sa culina, espèce de cuisine d'un genre particulier et uniquement à l'usage du mort (12). Plutarque raconte qu'après la bataille de Platée les guerriers morts ayant été enterrés sur le lieu du combat, les Platéens s'étaient engagés à leur offrir chaque année le repas funèbre. En conséquence, au jour anniversaire, ils se rendaient en grande procession, conduits par leurs premiers magistrats, vers le tertre sous lequel reposaient les morts. Ils leur offraient du lait, du vin, de l'huile, des parfums, et ils immolaient une victime. Quand les aliments avaient été placés sur le tombeau, les Platéens prononçaient une formule par laquelle ils appelaient les morts à venir prendre ce repas. Cette cérémonie s'accomplissait encore au temps de Plutarque, qui put en voir le six centième anniversaire (13).
     Un peu plus tard, Lucien, en se moquant de ces opinions et de ces usages, faisait voir combien ils étaient fortement enracinés chez le vulgaire. « Les morts, dit-il, se nourrissent des mets que nous plaçons sur leur tombeau et boivent le vin que nous y versons ; en sorte qu'un mort à qui l'on n'offre rien, est condamné à une faim perpétuelle (14). »
     Voilà des croyances bien vieilles et qui nous paraissent bien fausses et ridicules. Elles ont pourtant exercé l'empire sur l'homme pendant un grand nombre de générations. Elles ont gouverné les âmes ; nous verrons même bientôt qu'elles ont régi les sociétés, et que la plupart des institutions domestiques et sociales des anciens sont venues de cette source.

 
Chapitre II. – Le culte des morts.
 

 
     Ces croyances donnèrent lieu de très bonne heure à des règles de conduite. Puisque le mort avait besoin de nourriture et de breuvage, on conçut que c'était un devoir pour les vivants de satisfaire à ce besoin. Le soin de porter aux morts les aliments ne fut pas abandonné au caprice ou aux sentiments variables des hommes ; il fut obligatoire. Ainsi s'établit toute une religion de la mort, dont les dogmes ont pu s'effacer de bonne heure, mais dont les rites ont duré jusqu'au triomphe du christianisme.
     Les morts passaient pour des êtres sacrés. Les anciens leur donnaient les épithètes les plus respectueuses qu'ils pussent trouver ; ils les appelaient bons, saints, bienheureux. Ils avaient pour eux toute la vénération que l'homme peut avoir pour la divinité qu'il aime ou qu'il redoute. Dans leur pensée chaque mort était un dieu (15).
     Cette sorte d'apothéose n'était pas le privilège des grands hommes ; on ne faisait pas de distinction entre les morts. Cicéron dit : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie, fusent comptés au nombre des dieux. » Il n'était même pas nécessaire d'avoir été un homme vertueux ; le méchant devenait un dieu tout autant que l'homme de bien ; seulement il gardait dans cette seconde existence tous les mauvais penchants qu'il avait eus dans la première (16).
     Les Grecs donnaient volontiers aux morts le nom de dieux souterrains. Dans Eschyle, un fils invoque ainsi son père mort : « O toi qui es un dieu sous la terre. » Euripide dit en parlant d'Alceste. « Près de son tombeau le passant s'arrêtera et dira : celle-ci est maintenant une divinité bienheureuse (17). » Les Romains donnaient aux morts le nom de dieux Mânes. « Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû, dit Cicéron ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie ; tenez-les pour des êtres divins (18). »
      Les tombeaux étaient les temples de ces divinités. Aussi portaient-ils l'inscription sacramentelle Dis Manibus, et en grec theois chthoniois. C'était là que le dieu vivait enseveli, manesque sepulti, dit Virgile. Devant le tombeau il y avait un autel pour les sacrifices, comme devant les temples des dieux (19).
     On trouve ce culte des morts chez les Hellènes, chez les Latins, chez les Sabins (20), chez les Étrusques ; on le trouve aussi chez les Aryas de l'Inde. Les hymnes du Rig-Véda en font mention. Le livre des lois de Manou parle de ce culte comme du plus ancien que les hommes aient eu. Déjà, l'on voit dans ce livre que l'idée de la métempsycose a passé par-dessus cette vieille croyance ; déjà même auparavant, la religion de Brahma s'était établie. Et pourtant, sous le culte de Brahma, sous la doctrine de la métempsycose, la religion des âmes des ancêtres subsiste encore, vivante et indestructible, et elle force le rédacteur des Lois de Manou à tenir compte d'elle et à admettre encore ses prescriptions dans le livre sacré. Ce n'est pas la moindre singularité de ce livre si bizarre, que d'avoir conservé les règles relatives à ces antiques croyances, tandis qu'il est évidemment rédigé à une époque où des croyances tout opposées avaient pris le dessus. Cela prouve que s'il faut beaucoup de temps pour que les croyances humaines se transforment, il en faut encore bien davantage pour que les pratiques extérieures et les lois se modifient. Aujourd'hui même, après tant de siècles et de révolutions, les Hindous continuent à faire aux ancêtres leurs offrandes. Cette croyance et ces rites sont ce qu'il y a de plus vieux dans la race indo-européenne, et sont aussi ce qu'il y a eu de plus persistant.
     Ce culte était le même dans l'Inde qu'en Grèce et en Italie. Le Hindou devait procurer aux mânes le repas qu'on appelait sraddha. « Que le maître de maison fasse le sraddha avec du riz, du lait, des racines, des fruits, afin d'attirer sur lui la bienveillance des mânes. » Le Hindou croyait qu'au moment où il offrait ce repas funèbre, les mânes des ancêtres venaient s'asseoir près de lui et prenaient la nourriture qui leur était offerte. Il croyait encore que ce repas procurait aux morts une grande jouissance : « Lorsque le sraddha est fait suivant les rites, les ancêtres de celui qui offre le repas éprouvent une satisfaction inaltérable (21). »
     Ainsi les Aryas de l'Orient, à l'origine, ont pensé comme ceux de l'Occident relativement au mystère de la destinée après la mort. Avant de croire à la métempsycose, ce qui supposait une distinction absolue de l'âme et du corps, ils ont cru à l'existence vague et indécise de l'être humain, invisible mais non immatériel, et réclamant des mortels une nourriture et des offrandes.
     Le Hindou comme le Grec regardait les morts comme des êtres divins qui jouissaient d'une existence bienheureuse. Mais il y avait une condition à leur bonheur ; il fallait que les offrandes leur fussent régulièrement portées par les vivants. Si l'on cessait d'accomplir le sraddha pour un mort, l'âme de ce mort sortait de sa demeure paisible et devenait une âme errante qui tourmentait les vivants ; en sorte que si les mânes étaient vraiment des dieux, ce n'était qu'autant que les vivants les honoraient d'un culte.
     Les Grecs et les Romains avaient exactement les mêmes croyances. Si l'on cessait d'offrir aux morts le repas funèbre, aussitôt les morts sortaient de leurs tombeaux ; ombres errantes, on les entendait gémir dans la nuit silencieuse. Ils reprochaient aux vivants leur négligence impie ; ils cherchaient à les punir, ils leur envoyaient des maladies ou frappaient le sol de stérilité. Ils ne laissaient enfin aux vivants aucun repos jusqu'au jour où les repas funèbres étaient rétablis. Le sacrifice, l'offrande de la nourriture et la libation les faisaient rentrer dans le tombeau et leur rendaient le repos et les attributs divins. L'homme était alors en paix avec eux (22).
     Si le mort qu'on négligeait était un être malfaisant, celui qu'on honorait était un dieu tutélaire. Il aimait ceux qui lui apportaient la nourriture. Pour les protéger, il continuait à prendre part aux affaires humaines ; il y jouait fréquemment son rôle. Tout mort qu'il était, il savait être fort et actif. On le priait ; on lui demandait son appui et ses faveurs. Lorsqu'on rencontrait un tombeau, on s'arrêtait, et l'on disait : « Dieu souterrain, sois-moi propice (23). »
     On peut juger de la puissance que les anciens attribuaient aux morts par cette prière qu'Électre adresse mânes de son père : « Prends pitié de moi et de mon frère Oreste ; fais-le revenir en cette contrée ; entends ma prière, ô mon père ; exauce mes vœux en recevant mes libations. » Ces dieux puissants ne donnent pas seulement les biens matériels ; car Électre ajoute : « donne-moi un cœur plus chaste que celui de ma mère et des mains plus pures (24). » Ainsi le Hindou demande aux mânes « que dans sa famille le nombre des hommes de bien s'accroisse, et qu'il ait beaucoup à donner. »
     Ces âmes humaines divinisées par la mort étaient ce que les Grecs appelaient des démons ou des héros (25). Les Latins leur donnaient le nom de Lares, Mânes, Génies. « Nos ancêtres ont cru, dit Apulée, que les Mânes, lorsqu'ils étaient malfaisants, devaient être appelés Larves, et ils les appelaient Lares lors qu'ils étaient bienveillants et propices (26). » On lit ailleurs : « Génie et Lare, c'est le même être, ainsi l'ont cru nos ancêtres (27). » Et dans Cicéron : « Ceux que les Grecs nomment démons, nous les appelons Lares (28). »
     Cette religion des morts paraît être la plus ancienne qu'il y ait eu dans cette race d'hommes. Avant de concevoir et d'adorer Indra ou Zeus, l'homme adora les morts ; il eut peur d'eux, il leur adressa des prières. Il semble que le sentiment religieux ait commencé par là.
     C'est peut-être à la vue de la mort que l'homme a eu pour la première fois l'idée du surnaturel et qu'il a voulu espérer au delà de ce qu'il voyait. La mort fut le premier mystère ; elle mit l'homme sur la voie des autres mystères. Elle éleva sa pensée du visible à l'invisible, du passager à l'éternel, de l'humain au divin.

 
Chapitre III. – Le feu sacré.
 

 
     La maison d'un Grec ou d'un Romain renfermait un autel ; sur cet autel il devait y avoir toujours un peu de cendre et des charbons allumés (29). C'était une obligation sacrée pour le maître de chaque maison d'entretenir le feu jour et nuit. Malheur à la maison où il venait à s'éteindre ! Chaque soir on couvrait les charbons de cendre pour les empêcher de se consumer entièrement ; au réveil le premier soin était de raviver ce feu et de l'alimenter avec quelques branchages. Le feu ne cessait de briller sur l'autel que lorsque la famille avait péri tout entière ; foyer éteint, famille éteinte, étaient des expressions synonymes chez les anciens (30).
     Il est manifeste que cet usage d'entretenir toujours du feu sur un autel se rapportait à une antique croyance. Les règles et les rites que l'on observait à cet égard, montrent que ce n'était pas là une coutume insignifiante.
     Il n'était pas permis d'alimenter ce feu avec toute sorte de bois, la religion distinguait, parmi les arbres, les espèces qui pouvaient être employées à cet usage et celles dont il y avait impiété à se servir (31). La religion disait encore que ce feu devait rester toujours pur (32) ; ce qui signifiait, au sens littéral, qu'aucun objet sale ne devait être jeté dans ce feu, et au sens figuré, qu'aucune action coupable ne devait être commise en sa présence. Il y avait un jour de l'année, qui était chez les Romains le 1er mars, où chaque famille devait éteindre son feu sacré et en rallumer un autre aussitôt. Mais pour se procurer le feu nouveau, il y avait des rites qu'il fallait scrupuleusement observer. On devait surtout se garder de se servir d'un caillou et de le frapper avec le fer. Les seuls procédés qui fussent permis, étaient de concentrer sur un point la chaleur des rayons solaires ou de frotter rapidement deux morceaux de bois d'une espèce déterminée et d'en faire sortir l'étincelle (33). Ces différentes règles prouvent assez que, dans l'opinion des anciens, il ne s'agissait pas seulement de produire ou de conserver un élément utile et agréable ; ces hommes voyaient autre chose dans le feu qui brûlait sur leurs autels.
     Ce feu était quelque chose de divin ; on l'adorait, on lui rendait un véritable culte. On lui donnait en offrande tout ce qu'on croyait pouvoir être agréable à un dieu, des fleurs, des fruits, de l'encens, du vin, des victimes. On réclamait sa protection ; on le croyait puissant. On lui adressait de ferventes prières pour obtenir de lui ces éternels objets des désirs humains, santé, richesse, bonheur. Une de ces prières qui nous a été conservée dans le recueil des hymnes orphiques, est conque ainsi : « Rends-nous toujours florissants, toujours heureux, ô foyer ; ô toi qui es éternel, beau, toujours jeune, toi qui nourris, toi qui es riche, reçois de bon cœur nos offrandes, et donne-nous en retour le bonheur et la santé qui est si douce (34). » Ainsi on voyait dans le foyer un dieu bienfaisant qui entretenait la vie de l'homme, un dieu riche qui le nourrissait de ses dons, un dieu fort qui protégeait la maison et la famille. En présence d'un danger on cherchait un refuge auprès de lui. Quand le palais de Priam est envahi, Hécube entraîne le vieux roi près du foyer ; « tes armes ne sauraient te défendre, lui dit-elle ; mais cet autel nous protégera tous (35). »
     Voyez Alceste qui va mourir, donnant sa vie pour sauver son époux. Elle s'approche de son foyer et l'invoque en ces termes : « O divinité, maîtresse de cette maison, c'est la dernière fois que je m'incline devant toi, et que je t'adresse mes prières ; var je vais descendre où sont les morts. Veille sur mes enfants qui n'auront plus de mère ; donne à mon fils une tendre épouse, à ma fille un noble époux. Fais qu'ils ne meurent pas comme moi avant l'âge, mais qu'au sein du bonheur ils remplissent une longue existence (36). » Dans l'infortune l'homme s'en prenait à son foyer et lui adressait des reproches ; dans le bonheur il lui rendait grâces. Le soldat qui revenait de la guerre le remerciait de l'avoir fait échapper aux périls. Eschyle nous représente Agamemnon revenant de Troie, heureux, couvert de gloire ; ce n'est pas Jupiter qu'il va remercier ; ce n'est pas dans un temple qu'il va porter sa joie et sa reconnaissance ; il offre le sacrifice d'actions de grâces au foyer qui est dans sa maison (37). L'homme ne sortait jamais de sa demeure sans adresser une prière au foyer ; à son retour, avant de revoir sa femme et d'embrasser ses enfants, il devait s'incliner devant le foyer et l'invoquer (38).
     Le feu du foyer était donc la Providence de la famille. Son culte était fort simple. La première règle était qu'il y eût toujours sur l'autel quelques charbons ardents ; car si le feu s'éteignait, c'était un dieu qui cessait d'être. A certains moments de la journée, on posait sur le foyer des herbes sèches et du bois ; alors le dieu se manifestait en flamme éclatante. On lui offrait des sacrifices ; or l'essence de tout sacrifice était d'entretenir et de ranimer ce feu sacré, de nourrir et de développer le corps du dieu. C'est pour cela qu'on lui donnait avant toutes choses le bois ; c'est pour cela qu'ensuite on versait sur l'autel le vin brûlant de la Grèce, l'huile, l'encens, la graisse des victimes. Le dieu recevait ces offrandes, les dévorait ; satisfait et radieux, il se dressait sur l'autel et il illuminait son adorateur de ses rayons. C'était le moment de l'invoquer ; l'hymne de la prière sortait du cœur de l'homme.
     Le repas était l'acte religieux par excellence. Le dieu y présidait. C'était lui qui avait cuit le pain et préparé les aliments (39) ; aussi lui devait-on une prière au commencement et à la fin du repas. Avant de manger, on déposait sur l'autel les prémices de la nourriture ; avant de boire, on répandait la libation de vin. C'était la part du dieu. Nul ne doutait qu'il ne fût présent, qu'il ne mangeât et ne bût ; et, de fait, ne voyait-on pas la flamme grandir comme si elle se fût nourrie des mets offerts ? Ainsi le repas était partagé entre l'homme et le dieu : c'était une cérémonie sainte, par laquelle ils entraient en communion ensemble (40). Vieilles croyances, qui à la longue disparurent des esprits, mais qui laissèrent longtemps après elles des usages, des rites, des formes de langage, dont l'incrédule même ne pouvait pas s'affranchir. Horace, Ovide, Pétrone soupaient encore devant leur foyer et faisaient la libation et la prière (41).
     Ce culte du feu sacré n'appartenait pas exclusivement aux populations de la Grèce et de l'Italie. On le retrouve en Orient. Les lois de Manou, dans la rédaction qui nous en est parvenue, nous montrent la religion de Brahma complètement établie et penchant même vers son déclin ; mais elles ont gardé des vestiges et des restes d'une religion plus ancienne, celle du foyer, que le culte de Brahma avait reléguée au second rang, mais n'avait pas pu détruire. Le brahmane a son foyer qu'il doit entretenir jour et nuit ; chaque matin et chaque soir il lui donne pour aliment le bois ; mais, comme chez les Grecs, ce ne peut être que le bois de certains arbres indiqués par la religion. Comme les Grecs et les Italiens lui offrent le vin, le Hindou lui verse la liqueur fermentée qu'il appelle soma. Le repas est aussi un acte religieux, et les rites en sont décrits scrupuleusement dans les lois de Manou. On adresse des prières au foyer, comme en Grèce ; on lui offre les prémices du repas, le riz, le beurre, le miel. Il est. dit : « Le brahmane ne doit pas manger du riz de la nouvelle récolte avant d'en avoir offert les prémices au foyer. Car le feu sacré est avide de grain, et quand il n'est pas honoré, il dévore l'existence du brahmane négligent. » Les Hindous comme les Grecs et les Romains se figuraient les dieux avides non seulement d'honneurs et de respect, mais même de breuvage et d'aliment. L'homme se croyait forcé d'assouvir leur faim et leur soif, s'il voulait éviter leur colère.
     Chez les Hindous cette divinité du feu est souvent appelée Agni. Le Rig Véda contient un grand nombre d'hymnes qui lui sont adressées. Il est dit dans l'un d'eux :
     « O Agni, tu es la vie, tu es le protecteur de l'homme... Pour prix de nos louanges, donne au père de famille qui t'implore, la gloire et la richesse... Agni, tu es un défenseur prudent et un père ; à toi nous devons la vie, nous sommes ta famille, » Ainsi le feu du foyer est, comme en Grèce, une puissance tutélaire. L'homme lui demande l'abondance : « Fais que la terre soit toujours libérale pour nous. » Il lui demande la santé : « Que je jouisse longtemps de la lumière, et que j'arrive à la vieillesse comme le soleil à son couchant. » Il lui demande même la sagesse : « O Agni, tu places-dans la bonne voie l'homme qui s'égarait dans la mauvaise... Si nous avons commis une faute, si nous avons marché loin de toi, pardonne-nous. » Ce feu du foyer était, comme en Grèce, essentiellement pur ; il était sévèrement interdit au brahmane d'y rien jeter de sale, et même de s'y chauffer les pieds. Comme en Grèce, l'homme coupable ne pouvait plus approcher de son foyer, avant de s'être purifié de sa souillure.
     C'est une grande preuve de l'antiquité de ces croyances et de ces pratiques que de les trouver à la fois chez les hommes des bords de la Méditerranée et chez ceux de la presqu'île indienne. Assurément les Grecs n'ont pas emprunté cette religion aux Hindous, ni les Hindous aux Grecs, Mais les Grecs, les Italiens, les Hindous appartenaient à une même race ; leurs ancêtres, à une époque fort reculée, avaient vécu ensemble dans l'Asie centrale. C'est là qu'ils avaient conçu d'abord ces croyances et établi ces rites. La religion du feu sacré date donc de l'époque lointaine et mystérieuse où il n'y avait encore ni Grecs, ni Italiens, ni Hindous, et où il n'y avait que des Aryas. Quand les tribus s'étaient séparées les unes des autres, elles avaient transporté ce culte avec elles, les unes sur les rives du Gange, les autres sur les bords de la Méditerranée. Plus tard, parmi ces tribus séparées et qui n'avaient plus de relations entre elles, les unes ont adoré Brahma, les autres Zeus, les autres Janus ; chaque groupe s'est fait ses dieux. Mais tous ont conservé comme un legs antique la religion première qu'ils avaient conçue et pratiquée au berceau commun de leur race.
     Si l'existence de ce culte chez tous les peuples indo-européens n'en démontrait pas suffisamment la haute antiquité, on en trouverait d'autres preuves dans les rites religieux des Grecs et des Romains. Dans tous les sacrifices, même dans ceux qu'on faisait en l'honneur de Zeus ou d'Athéné, c'était toujours au foyer qu'on adressait la première invocation. Toute prière à un dieu, quel qu'il fût, devait commencer et finir par une prière au foyer (42). A Olympie, le premier sacrifice qu'offrait la Grèce assemblée était pour le foyer, le second pour Zeus (43). De même à Rome la première adoration et ait toujours pour Vesta, qui n'était autre que le foyer (44) ; Ovide dit de cette divinité qu'elle occupe la première place dans les pratiques religieuses des hommes (45). C'est ainsi que nous lisons dans les hymnes du Rig Véda : « Avant tous les autres dieux il faut invoquer Agni. Nous prononcerons son nom vénérable avant celui de tous les autres immortels. O Agni, quel que soit le dieu que nous honorons par notre sacrifice, toujours à toi s'adresse l'holocauste. » Il est donc certain qu'à Rome au temps d'Ovide, dans l'Inde au temps des brahmanes, le feu du foyer passait encore avant tous les, autres dieux ; non que Jupiter et Brahma n'eussent acquis une bien plus grande importance dans la religion des hommes ; mais on se souvenait que le feu du foyer était de beaucoup antérieur à ces dieux-là. Il avait pris, depuis nombre de siècles, la première place dans le culte, et les dieux plus nouveaux et plus grands n'avaient pas pu l'en déposséder.
     Les symboles de cette religion se modifièrent suivant les âges. Quand les populations de la Grèce et de l'Italie prirent l'habitude de se représenter leurs dieux comme des personnes et de donner à chacun d'eux un nom propre et une forme humaine, le vieux culte du foyer subit la loi commune que l'intelligence humaine, dans cette période, imposait à toute religion. L'autel du feu sacré fut personnifié ; on l'appela hestia, Vesta ; le nom fut le même en latin et en grec, et ne fut pas d'ailleurs autre chose que le mot qui dans la langue commune et primitive désignait un autel. Par un procédé assez ordinaire, du nom commun on avait fait un nom propre. Une légende se forma peu à peu. On se figura cette divinité sous les traits d'une femme, parce que le mot qui désignait l'autel était du genre féminin. On alla même jusqu'à représenter cette déesse par des statues. Mais on ne put jamais effacer la trace de la croyance primitive d'après laquelle cette divinité était simplement le feu de l'autel ; et Ovide lui-même était forcé de convenir que Vesta n'était pas autre chose qu'une « flamme vivante (46). »
     Si nous rapprochons ce culte du feu sacré du culte des morts, dont nous parlions tout à l'heure, une relation étroite nous apparaît entre eux.
     Remarquons d'abord que ce feu qui était entretenu sur le foyer n'est pas, dans la pensée des hommes, le feu de la nature matérielle. Ce qu'on voit en lui, ce n'est pas l'élément purement physique qui échauffe ou qui brûle, qui transforme les corps, fond les métaux et se fait le puissant instrument de l'industrie humaine. Le feu du foyer est d'une tout autre nature. C'est un feu pur, qui ne peut être produit qu'à l'aide de certains rites et n'est entretenu qu'avec certaines espèces de bois. C'est un feu chaste ; l'union des sexes doit être écartée loin de sa présence (47). On ne lui demande pas seulement la richesse et la santé ; on le prie aussi pour en obtenir la pureté du cœur, la tempérance, la sagesse. « Rends-nous riches et florissants, dit un hymne orphique ; rends-nous aussi sages et chastes. » Le feu du foyer est donc une sorte d'être moral. Il est vrai qu'il brille, qu'il réchauffe, qu'il cuit l'aliment sacré ; mais en même temps il a une pensée, une conscience ; il conçoit des devoirs et veille à ce qu'ils soient accomplis. On le dirait homme, car il a de l'homme la double nature : physiquement, il resplendit, il se meut, il vit, il procure l'abondance, il prépare le repas, il nourrit le corps ; moralement, il a des sentiments et des affections, il donne à l'homme la pureté, il commande le beau et le bien, il nourrit l'âme. On peut dire qu'il entretient la vie humaine dans la double série de ses manifestations. Il est à la fois la source de la richesse, de la santé, de la vertu. C'est vraiment le Dieu de la nature humaine. – Plus tard, lorsque ce culte a été relégué au second plan par Brahma ou par Zeus, le feu du foyer est resté ce qu'il y avait dans le divin de plus accessible à l'homme ; il a été son intermédiaire auprès des dieux de la nature physique ; il s'est chargé de porter au ciel la prière et l'offrande de l'homme et d'apporter à l'homme les faveurs divines. Plus tard encore, quand on fit de ce mythe du feu sacré la grande Vesta, Vesta fut la déesse vierge ; elle ne représenta dans le monde ni la fécondité ni la puissance ; elle fut l'ordre ; mais non pas l'ordre rigoureux, abstrait, mathématique, la loi impérieuse et fatale, ananchae, que l'on aperçut de bonne heure entre les phénomènes de la nature physique. Elle fut l'ordre moral. On se la figura comme une sorte d'âme universelle qui réglait les mouvements divers des mondes, comme l'âme humaine mettait la règle parmi nos organes.
     Ainsi la pensée des générations primitives se laisse entrevoir. Le principe de ce culte est en dehors de la nature physique et se trouve dans ce petit monde mystérieux qui est l'homme.
     Ceci nous ramène au culte des morts. Tous les deux sont de la même antiquité. Ils étaient associés si étroitement que la croyance des anciens n'en faisait qu'une religion. Foyer, Démons, Héros, dieux Lares, tout cela était confondu (48). On voit par deux passages de Plaute et de Columele que dans le langage ordinaire on disait indifféremment foyer ou Lare domestique, et l'on voit encore par Cicéron que l'on ne distinguait pas le foyer des Pénates, ni les Pénates des dieux Lares (49). Nous lisons dans Servius : « Par foyers les anciens entendaient les dieux Lares ; ainsi Virgile a-t-il pu mettre indifféremment, tantôt foyer pour Pénates, tantôt Pénates pour foyers (50). » Dans un passage fameux de l'Énéide, Hector dit à Énée qu'il va lui remettre les Pénates troyens, et c'est le feu du foyer qu'il lui remet. Dans un autre passage, Énée invoquant ces mêmes dieux les appelle à la fois Pénates, Lares et Vesta (51).
     Nous avons vu d'ailleurs que ceux que les anciens appelaient Lares ou Héros, n'étaient autres que les âmes des morts auxquelles l'homme attribuait une puissance surhumaine et divine. Le souvenir d'un de ces morts sacrés était toujours attaché au foyer. En adorant l'un, on ne pouvait pas oublier l'autre. Ils étaient associés dans le respect des hommes et dans leurs prières. Les descendants, quand ils parlaient du foyer, rappelaient volontiers le nom de l'ancêtre : « Quitte cette place, dit Oreste à sa sœur, et avance vers l'antique foyer de Pélops pour entendre mes paroles (52). » De même, Énée, parlant du foyer qu'il transporte à travers les mers, le désigne par le nom de Lare d'Assaracus, comme s'il voyait dans ce foyer l'âme de son ancêtre.
     Le grammairien Servius, qui était fort instruit des antiquités grecques et romaines (on les étudiait de son temps beaucoup plus qu'au temps de Cicéron), dit que c'était un usage très ancien d'ensevelir les morts dans les maisons, et il ajoute : « Par suite de cet usage, c'est aussi dans les maisons qu'on honore les Lares et les Pénates (53). » Cette phrase établit nettement une antique relation entre le culte des morts et le foyer. On peut donc penser que le foyer domestique n'a été à l'origine que le symbole du culte des morts, que sous cette pierre du foyer un ancêtre reposait, que le feu y était allumé pour l'honorer, et que ce feu semblait entretenir la vie en lui ou représentait son âme toujours vigilante.
     Ce n'est là qu'une conjecture, et les preuves nous manquent. Mais ce qui est certain, c'est que les plus anciennes générations, dans la race d'où sont sortis les Grecs et les Romains, ont eu le culte des morts et du foyer, antique religion qui ne prenait pas ses dieux dans la nature physique, mais dans l'homme lui-même et qui avait pour objet d'adoration l'être invisible qui est en, nous, la force morale et pensante qui anime et qui gouverne notre corps.
     Cette religion ne fut pas toujours également puissante sur l'âme ; elle s'affaiblit peu à peu, mais elle ne disparut pas. Contemporaine des premiers âges de la race aryenne, elle s'enfonça si profondément dans les entrailles de cette race, que la brillante religion de l'Olympe grec ne suffit pas à la déraciner et qu'il fallut le christianisme.
     Nous verrons bientôt quelle action puissante cette religion a exercée sur les institutions domestiques et sociales des anciens. Elle a été conçue et établie dans cette époque lointaine où cette race cherchait ses institutions, et elle a déterminé la voie dans laquelle les peuples ont marché depuis.

 
Chapitre IV. – La religion domestique.
 

 
     Il ne faut pas se représenter cette antique religion comme celles qui ont été fondées plus tard dans l'humanité plus avancée. Depuis un assez grand nombre de siècles, le genre humain n'admet plus une doctrine religieuse qu'à deux conditions : l'une est qu'elle lui annonce un dieu unique ; l'autre est qu'elle s'adresse à tous les hommes et soit accessible à tous, sans repousser systématiquement aucune classe ni aucune race. Mais cette religion des premiers temps ne remplissait aucune de ces deux conditions. Non seulement elle n'offrait pas à l'adoration des hommes un dieu unique ; mais encore ses dieux n'acceptaient pas l'adoration de tous les hommes. Ils ne se présentaient pas comme étant les dieux du genre humain. Ils ne ressemblaient même pas à Brahma qui était au moins le dieu de toute une grande caste, ni à, Zeus Panhellénien qui était celui de toute une nation. Dans cette religion primitive chaque dieu ne pouvait être adoré que par une famille. La religion était purement domestique.
     Il faut éclaircir ce point important ; car on ne comprendrait pas sans cela la relation très étroite qu'il y a entre ces vieilles croyances et la constitution de la famille grecque et romaine.
     Le culte des morts ne ressemblait en aucune manière à celui que les chrétiens ont pour les saints. Une des premières règles de ce culte était qu'il ne pouvait être rendu par chaque famille qu'aux morts qui lui appartenaient par le sang. Les funérailles ne pouvaient être religieusement accomplies que par le parent le plus proche. Quant au repas funèbre qui se renouvelait ensuite à des époques déterminées, la famille seule avait le droit d'y assister, et tout étranger en était sévèrement exclu (54). On croyait que le mort n'acceptait l'offrande que de la main des siens ; il ne voulait de culte que de ses descendants. La présence d'un homme qui n'était pas de la famille troublait le repos des mânes. Aussi la loi interdisait-elle à l'étranger d'approcher d'un tombeau (55). Toucher du pied, même par mégarde, une sépulture, était un acte impie, pour lequel il fallait apaiser le mort et se purifier soi-même. Le mot par lequel les anciens désignaient le culte des morts est significatif ; les Grecs disaient patriazein, les Latins disaient parentare. C'est que la prière et l'offrande n'étaient adressées par chacun qu'à ses pères. Le culte des morts était uniquement le culte des ancêtres (56). Lucien, tout en se moquant des opinions du vulgaire, nous les explique nettement quand il dit : « Le mort qui n'a pas laissé de fils ne reçoit pas d'offrandes, et il est exposé à une faim perpétuelle (57). »
     Dans l'Inde comme en Grèce, l'offrande ne pouvait être faite à un mort que par ceux qui descendaient de lui. La loi des Hindous, comme la loi athénienne, défendaient d'admettre un étranger, fût-ce un ami, au repas funèbre. Il était si nécessaire que ces repas fussent offerts par les descendants du mort, et non par d'autres, que l'on supposait que les mânes, dans leur séjour, prononçaient souvent ce vœu : « Puisse-t-il naître successivement de notre lignée des fils qui nous offrent dans toute la suite des temps le riz bouilli dans du lait, le miel, et le beurre clarifié (58). »
     Il suivait de là qu'en Grèce et à Rome comme dans l'Inde, le fils avait le devoir de faire les libations et les sacrifices aux mânes de son père et de tous ses aïeux. Manquer à ce devoir était l'impiété la plus brave qu'on pût commettre, puisque l'interruption de ce culte faisait déchoir les morts et anéantissait leur bonheur. Cette négligence n'était pas moins qu'un véritable parricide multiplié autant de fois qu'il y avait d'ancêtres dans la famille.
     Si, au contraire, les sacrifices étaient toujours accomplis suivant les rites, si les aliments étaient portés sur le tombeau aux jours fixés, alors l'ancêtre devenait un dieu protecteur. Hostile à tous ceux qui ne descendaient pas de lui, les repoussant de son tombeau, les frappant de maladie s'ils approchaient, pour les siens il était bon et secourable.
Il y avait un échange perpétuel de bons offices entre les vivants et les morts de chaque famille. L'ancêtre recevait de ses descendants la série des repas funèbres, c'est-à-dire les seules jouissances qu'il pût avoir dans sa seconde vie. Le descendant recevait de l'ancêtre l'aide et la force dont il avait besoin dans celle-ci. Le vivant ne pouvait se passer du mort, ni le mort du vivant. Par là un lien puissant s'établissait entre toutes les générations d'une même famille et en faisait un corps éternellement inséparable.
     Chaque famille avait son tombeau, où ses morts venaient reposer l'un après l'autre, toujours ensemble. Ce tombeau était ordinairement voisin de la maison, non loin de la porte, « afin, dit un ancien, que les fils, en entrant ou en sortant de leur demeure, rencontrassent chaque fois leurs pères, et chaque fois leur adressassent une invocation (59). » Ainsi l'ancêtre restait au milieu des siens ; invisible, mais toujours présent, il continuait à faire partie de la famille et à en être le père. Lui immortel, lui heureux, lui divin, il s'intéressait à ce qu'il avait laissé de mortel sur la terre ; il en savait les besoins, il en soutenait la faiblesse. Et celui qui vivait encore, qui travaillait, qui, selon l'expression antique, ne s'était pas encore acquitté de l'existence, celui-là avait près de lui ses guides et ses appuis ; c'étaient ses pères. Au milieu des difficultés, il invoquait leur antique sagesse ; dans le chagrin il leur demandait une consolation, dans le danger un soutien, après une faute son pardon.
     Assurément nous avons beaucoup de peine aujourd'hui à comprendre que l’homme pût adorer son père ou son ancêtre. Faire de l'homme un dieu nous semble le contre-pied de la religion. Il nous est presque aussi difficile de comprendre les vieilles croyances de ces hommes qu'il l'eût été à eux d'imaginer les nôtres. Mais songeons que les anciens n'avaient pas l'idée de la création ; dès lors le mystère de la génération était pour eux ce que le mystère de la création peut être pour nous. Le générateur leur paraissait un être divin, et ils adoraient leur ancêtre. Il faut que ce sentiment ait été bien naturel et bien puissant, car il apparaît comme principe d'une religion à l'origine de presque toutes les sociétés humaines ; on le trouve chez les Chinois comme chez les anciens Gètes et les Scythes, chez les peuplades de l'Afrique comme chez celles du Nouveau-Monde (60).
     Le feu sacré, qui était associé si étroitement au culte des morts, avait aussi pour caractère essentiel d'appartenir en propre à chaque famille. Il représentait les ancêtres (61) ; il était la providence d'une famille, et n'avait rien de commun avec le feu de la famille voisine qui était une autre providence. Chaque foyer protégeait les siens et repoussait l'étranger.
     Toute cette religion était renfermée dans l'enceinte de chaque maison. Le culte n'en était pas public. Toutes les cérémonies au contraire en étaient tenues fort secrètes. Accomplies au milieu de la famille seule, elles étaient cachées à l'étranger (62). Le foyer n'était jamais placé ni hors de la maison ni même près de la porte extérieure, où on l'aurait trop bien vu. Les Grecs le plaçaient toujours dans une enceinte, herkos, qui le protégeait contre le contact et même le regard des profanes. Les Romains le cachaient au milieu de leur maison. Tous ces dieux, foyer, Lares, Mânes, on les appelait les dieux cachés, theoi muchioi, ou les dieux de l'intérieur, dii Penates (63). Pour tous les actes de cette religion il fallait le secret ; sacrificia occulta, dit Cicéron (64) ; qu'une cérémonie fut aperçue par un étranger, elle était troublée, souillée, funestée par ce seul regard.
     Pour cette religion domestique, il n'y avait ni règles uniformes, ni rituel commun. Chaque famille avait l'indépendance la plus complète. Nulle puissance extérieure n'avait le droit de régler son culte ou sa croyance. Il n'y avait pas d'autre prêtre que le père ; comme prêtre, il ne connaissait aucune hiérarchie. Le pontife de Rome ou l'archonte d'Athènes pouvait bien s'assurer que le père de famille accomplissait tous ses rites religieux, mais il n'avait pas le droit de lui commander la moindre modification. Suo quisque rite sacrificia faciat, telle était la règle absolue (65). Chaque famille avait ses cérémonies qui lui étaient propres, ses fêtes particulières, ses formules de prière et ses hymnes (66). Le père, seul interprète et seul pontife de sa religion, avait seul le pouvoir de l'enseigner, et ne pouvait l'enseigner qu'à son fils. Les rites, les termes de la prière, les chants, qui faisaient partie essentielle de cette religion domestique, étaient un patrimoine, une propriété sacrée, que la famille ne partageait avec personne et qu'il était même interdit de révéler aux étrangers. II en était ainsi dans l'Inde : « Je suis fort contre mes ennemis, dit le brahmane, des chants que je tiens de ma famille et que mon père m'a transmis (67). »
     Ainsi la religion ne résidait pas dans les temples, mais dans la maison, chacun avait ses dieux ; chaque dieu ne protégeait qu'une famille et n'était dieu que dans une maison. On ne peut pas raisonnablement supposer qu'une religion de ce caractère ait été révélée aux hommes par l’imagination puissante de l'un d'entre eux ou qu'elle leur ait été enseignée par une caste de prêtres. Elle est née spontanément dans l'esprit humain ; son berceau a été la famille ; chaque famille s'est fait ses dieux.
     Cette religion ne pouvait se propager que par la génération. Le père, en donnant la vie à son fils, lui donnait en même temps sa croyance, son culte, le droit d'entretenir le foyer d'offrir le repas funèbre, de prononcer les formules de prière. La génération établissait un lien mystérieux entre l'enfant qui naissait à la vie et tous les dieux de la famille. Ces dieux étaient sa famille même, theoi engeneis ; c'était son sang, theoi suvaimoi (68). L'enfant apportait donc en naissant le droit de les adorer et de leur offrir les sacrifices ; comme aussi, plus tard, quand la mort l'aurait divinisé lui-même, il devait être compté à son tour parmi ces dieux de la famille.
     Mais il faut remarquer cette particularité que la religion domestique ne se propageait que de mâle en mâle. Cela tenait sans nul doute à l'idée que les hommes se faisaient de la génération (69). La croyance des âges primitifs, telle qu'on la trouve dans les Védas et qu'on en voit des vestiges dans tout le droit grec et romain, fut que le pouvoir reproducteur résidait exclusivement dans le père. Le père seul possédait le principe mystérieux de l'être et transmettait l'étincelle de vie. Il est résulté de cette vieille opinion qu'il fut de règle que le culte domestique passât toujours de mâle en mâle, que la femme n'y participât que par l'intermédiaire de son père ou de son mari, et enfin qu'après la mort la femme n'eût pas la même part que l'homme au culte et aux cérémonies du repas funèbre. Il en est résulté encore d'autres conséquences très graves dans le droit privé et dans la constitution de la famille ; nous les verrons plus loin.

 
Notes.
 

 

1. Sub terra censebant reliquam, vitam agi mortuorum. Cicéron, Tuscul., I, 16. Euripide, Alceste, 163 ; Hécube, 114.
2. Ovide, Fastes, V, 451. Pline, lettres, VII, 27. Virgile, En., III, 67. La description de Virgile se rapporte à l'usage des cénotaphes ; il était admis que lorsqu'on ne pouvait pas retrouver le corps d'un parent, on lui faisait une cérémonie qui reproduisait exactement tous les rites de la sépulture, et l'on croyait par là enfermer, à défaut du corps, l'âme dans le tombeau. Euripide, Hélène, 1061, 1240. Scholiast. ad Pindar. Pyth., IV, 284. Virgile, VI, 505 ; XII, 214.
3. Iliade, XXIII, 221. Pausanias, II, 7, 2. Euripide, Alceste, 463. Virgile, En., III, 68. Catulle, 98, 10. Ovide, Trist., III, 3, 43 ; Fast., IV, 852 ; Métam., X, 62. Juvénal, VII, 207. Martial, I, 89 ; V, 35 ; IV, 30. Servius, ad Aen., II, 644 ; III, 68; XI, 97. Tacite, Agric., 46.
4. Euripide, Hécube, passim ; Alceste, 618 ; Iphigén., 162. Iliade, XXIII, 166. Virgile, En., V, 71 ; VI, 221 ; XI, 81. Pline, Hist. nat., VIII, 40. Suétone, Caesar, 84. Lucien, De luctu, 14.
5. Pindare, Pythiq., IV, 284, édit. Heyne ; voir le Scholiaste.
6. Odyssée, XI, 12. Euripide, Troad., 1085. Hérodote, V, 92. Virgile, VI, 371, 379. Horace, Odes, I, 23. Ovide, Fast., V, 483. Pline, Epist., VII, 27. Suétone, Calig., 59. Servius, ad Aeneid., III, 68.
7. Plaute, Mostellaria.
8. Virgile, En., III, 300 et seq. ; V, 77. Ovide, Fast., II, 540.
9. Hérodote, II, 40. Euripide, Hécube, 536. Pausanias, II, 10. Virgile, V, 98. Ovide, Fast., II, 566. Lucien, Charon.
10. Eschyle, Choéph., 476. Euripide, Iphigénie, 162 ; Oreste, 115-125. Virgile, VI, 883.
11. Euripide, Électre, 513.
12. Festus, v. Culina.
13. Plutarque, Aristide, 21.
14. Lucien, De luctu. Cicéron, Pro Flacco, 38.
15. Eschyle, Choéph., 469. Sophocle, Antig., 451. Plutarque, Solon, 21 ; Quest. rom., 52 ; Quest. gr., 5. Virgile, V, 47 ; V, 80.
16. Cic., De legib., II, 22. Saint Augustin, Cité de Dieu, IX, 11; VIII, 26.
17. Euripide, Alceste, 1003.
18. Cic., De legib., II, 9. Varron, dans saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, 26.
19. Virgile, En., IV, 34. Aulu-Gelle, X, 18. Plutarque, Quest. rom., 14. Euripide, Troy., 96 ; Electre, 513. Suétone, Néron, 50.
20. Varron, De ling. lat., V, 74.
21. Lois de Manou, I, 95; III, 82, 122, 127, 146, 189, 274.
22. Ovide, Fast., II, 549-556. Ainsi, dans Eschyle, Clytemnestre avertie par songe que les mânes d'Agamemnon sont irrités contre elle, se hâte d'envoyer des aliments et des libations sur son tombeau.
23. Euripide, Alceste, 1004. « On croit que si nous n'avons aucune attention pour ces morts et si nous négligeons leur culte, ils nous font du mal, et qu'au contraire ils nous font du bien si nous nous les rendons propices à nos offrandes. » Porphyre, De abstin., II, 37. Voy. Horace, Ode., II, 23 ; Platon, Lois, IX, p. 926, 927.
24. Eschyle, Choeph., 122-135.
25. Le sens primitif de ce dernier mot paraît avoir été celui d'homme mort. La langue des inscriptions qui est celle du vulgaire chez les Grecs, l'emploie souvent avec cette signification. Boeckh, Corp. inscript., 1629, 1723, 1781, 1784, 1786, 1789, 3398. – Ph. Lebas, Monum. de Morée, p. 205. Voy. Théognis, édit. Welcker, v. 513. Les grecs donnaient aussi au mort le nom de daimou, Eurip., Alcest., 1140 et Schol. ; Eschyle, Pers., 620. Pausanias, VI, 6.
26. Servius, ad Aeneid., III, 63.
27. Censorinus, 3.
28. Cicéron, Timée, 11. Denys d'Halic. traduit Lar familiaris par o chat oichian haeroz (Antiq. rom., IV, 2).
29. Les Grecs appelaient cet autel de noms divers, bomos, eschara, hestia ; ce dernier finit par prévaloir dans l'usage et fut le mot dont on désigna ensuite la déesse Vesta. Les Latins appelaient le même autel ara ou focus.
30. Hymnes homér., 29. Hymnes orph., 84. Hésiode, Opera, 732. Eschyle, Agam., 1056. Euripide, Hercul. fur., 503, 599. Thucydide, I, 136. Aristophane, Plut., 795. Caton, De re rust., 143. Cicéron, Pro domo, 40. Tibulle, I, 1, 4. Horace, Epod., II, 43. Ovide, A. A., I, 637. Virgile, II, 512.
31. Virgile, VII, 71. Festus, v. Felicis. Plutarque, Numa, 9.
32. Euripide, Hercul. fur., 715. Caton, De re rust., 143. Ovide, Fast., III, 698.
33. Ovide, Fast., III, 143. Macrohe, Sat., I, 12. Festus, v. Felicis. Julien, Oraison à la louange du soleil.
34Hymnes  orph., 84.  Plaute,  Captiv., II, 2. Tibulle, I, 9, 74. Ovide, A A., I, 637. Pline, Hist. nat., XVIII, 8.
35. Virgile, En., II, 523. Horace, Epit., I, 5. Ovide, Trist.. IV, 8, 21. Perse, Sat., V , 31.
36. Euripide, Alceste, 162-168.
37. Eschyle, Agam., 1015.
38. Caton, De re rust., 2. Euripide, Hercul. fur., 523.
39. Ovide, Fastes, VI, 315.
40. Plutarque, Quest. rom., 64 ; Comm. sur Hésiode, 44. Hymnes homér., 29.
41. Horace, Sat., II, 6, 66. Ovide, Fastes, II, 631. Pétrone, 60.
42. Hymnes homér., 29; Ibid., 3, v. 33. Platon, Cratyle, 18. Hesychius, hestias. Diodore, VI, 2. Aristophane, Oiseaux, 865.
43. Pausanias, V, 14.
44. Cicéron, De nat. Deor., II, 27.
45. Ovide, Fastes, VI, 304.
46. Ovide, Fastes, VI, 291.
47. Hésiode, opera, 731. Plutarque, Comm. sur Hés., frag. 43, édit. Didot.
48. Tibulle, II, 2. Horace, Odes, IV, 11. Ovide, Tristes, III, 13 ; V, 5. Les Grecs donnaient à leurs dieux domestiques ou héros l'épithète de ephestioi ou hestioeuchoi. Eustathe, in Odyss., p. 1756, 20; 1814, 10.
49. Plaute, Aulul., II, 7, 16 : In foco nostro Lari. Columele, XI, I, 19 : Larem focumque familiarem. Cicéron, Pro domo, 41 ; Pro Quintio, 27, 28.
50. Servius, in Aeneid, III, 134.
51. Virgile, IX, 259 ; V, 744.
52. Euripide, Oreste, 1140-1142.
53. Servius, in Aeneid, V , 84 ; VI, 152. Voy. Platon, Minos, p. 315.
54. Cicéron, De legib., II, 26. Varron, De ling. lat., VI, 13 : Ferunt epulas ad sepulcrum quibus jus ibi parentare. Gaius, II, 5, 6 : Si modo mortui funus ad nos pertineat. Plutarque, Solon.
55. Pittacus omnino accedere quemquam velat in funus aliorum. Cicéron, De legib., II, 26. Plutarque, Solon, 21. Démosthènes, in Timocr. Isée, 1.
56. Du moins à l'origine; car ensuite les cités ont eu leurs héros topiques et nationaux, comme nous le verrons plus loin.
57. Lucien, De luctu.
58. Lois de Manou, III, 138 ; III , 274.
59. Euripide, Hélène, 1168.
60. Chez les étrusques et les Romains il était d'usage que chaque famille religieuse gardât les images de ses ancêtres rangées autour de l'atrium. Ces images étaient-elles de simples portraits de famille ou des idoles ?
61. hestia patroa, focus patrius. De même dans les Védas Agni est encore invoqué quelquefois comme dieu domestique.
62. Isée, VIII, 17, 18.
63. Cicéron, De nat. deor., II, 27.
64. Cicéron, De arusp. resp., 17.
65. Varron, De ling. lat., VII, 88.
66. Hésiode, Opera, 153. Macrobe, Sat., I, 10. Cic., De legib., II, 11.
67. Rig-Véda, tr. Langlois, t. I, p. 113. Les lois de Manou mentionnent souvent les rites particuliers à chaque famille : VIII, 3; IX. 7.
68. Sophocle, Antig., 199 ; Ibid., 659. Rappr. patrooi theoi dans Aristophane, Guêpes, 388 ; Eschyle, Pers., 404 ; Sophocle, Électre, 411 ; theoi genethlioi, Platon, Lois, V, p. 729 ; dii generis, Ovide, Fastes, II.
69. Les Védas appellent le feu sacré la cause de la postérité masculine. Voy. le Mitakchana, trad. Orianne, p. 139.