LEX RHODIA DE IACTU (1) |
Loi rhodienne concernant le jet des marchandises en mer |
( R. Dareste, NRHD, 1905, pp. 429-448 = RPh, 29, 1905, pp. 1-29 ). |
I. |
HISTOIRE DE LA LOI RHODIENNE. |
|
Le
plus ancien recueil des lois et usages maritimes de la Grèce
portait le nom de loi rhodienne. Lorsque la puissance d’Athènes
fut abattue par la conquête macédonienne, l’empire
de la mer hellénique passa des successeurs d’Alexandre
aux Rhodiens, qui le conservèrent longtemps sous le protectorat
de Rome. Cicéron en fait l’éloge. (2)
Strabon, sous le règne d’Auguste, a été témoin
de la prospérité de Rhodes. Il vante les règlements
qu’elle avait faits pour la police de la mer et qui furent adoptés
par tous les grands ports de commerce. (3)
Rome elle-même ne dédaigna pas de les appliquer. Fidèle
à ses habitudes politiques, elle laissait aux Grecs leurs lois,
sauf à les corriger au besoin, et s’appropriait ce qu’elle
y trouvait de bon pour elle-même. La loi rhodienne était
devenue l’usage général du commerce. Auguste l’approuva
expressément dans un rescrit. |
Plus
d’un siècle après, la loi rhodienne reçut
de nouveau l’approbation impériale. |
Sous
le règne de l’empereur Antonin le Pieux (138-161), un navire
grec, venant de Nicomédie sur la Propontide, fit naufrage à
l’entrée des Cyclades, à l’île d’Icaria.
Les gens du fisc, inquisitores algae, comme les appelle Juvénal,
saisirent les débris jetés à la côte, prétendant
que ces objets appartenaient à l’empereur comme biens vacants
et sans maître. Eudémon, qui était le patron du
navire, adressa à l’empereur un mémoire en réclamation.
Antonin répondit par un rescrit ainsi conçu : « Je
suis le maître du monde, mais c’est la loi qui règne
sur la mer. C’est par la loi maritime des Rhodiens que le litige
doit être jugé, en tant qu’elle n’est contraire
à aucune loi rendue par nous. Ainsi a déjà jugé
le divin Auguste ». |
Ces
faits sont rapportés par le jurisconsulte Volusius Maecianus,
auteur d’un livre sur la loi rhodienne, dont nous ne possédons
pas d’autre fragment. Celui que nous venons de citer a passé
dans le Digeste où il forme la loi 9 du titre de lege rhodia
de jactu (XIV, 2). Volusius Maecianus était un jurisconsulte
considérable qui avait enseigné le droit à Marc-Aurèle.
Le fait s’était passé presque sous ses yeux, et
il avait qualité pour en perpétuer le souvenir. |
Près
d’un siècle après Volusius Maecianus, un autre jurisconsulte,
d’une grande autorité, le célèbre Julius
Paulus, qui fut préfet du prétoire sous Alexandre Sévère
(222-235), a parlé aussi de la lex Rhodia, au livre
II, chap. 7 de ses Sentences, sous la rubrique ad legem
rhodiam. La principale disposition de cette loi consiste en ce
qu’elle impose à tous les chargeurs l’obligation
de contribuer à la perte des marchandises jetées à
la mer, ou des mâts abattus pour le salut du navire menacé
par la tempête. Mais pour que la contribution ait lieu, il faut
que le navire et ce qui est resté de marchandises sur le navire
aient été sauvés. Si le navire et le chargement
ont péri, la contribution peut toutefois être fournie par
les objets qui, jetés à la mer pour le salut commun, ont
été retrouvés par des plongeurs. |
Les
trois premières lignes de ce texte ont été insérées
dans le Digeste de Justinien, sous la même rubrique que le texte
de Volusius Maecianus : de lege rhodia de jactu ;
en voici les termes : « Paulus libro secundo sententiarum.
Lege rhodia cavetur ut, si levandae navis gratia jactus mercium factus
est, omnium contributione sarciatur quod pro omnibus datum est ». |
Vers
le milieu du VIIIe siècle, la loi rhodienne reparaît dans
l’histoire. Cette fois, c’est sous la forme d’un livre,
d’un recueil qui aurait été composé sous
le règne de l’empereur Léon l’Isaurien (717-741)
et comprendrait environ cinquante articles dont quelques-uns textuellement
empruntés au Digeste et au Code de Justinien. Était-ce
un recueil privé, un simple livre de pratique ? ou avait-il
un caractère officiel ? On ne peut rien dire de précis
à cet égard, on sait seulement que le livre eut, en fait,
une grande autorité, si l’on en juge par le nombre des
copies qui en furent faites et sont aujourd’hui répandues
dans toutes les grandes bibliothèques de l’Europe. Malheureusement
ces manuscrits sont loin de s’accorder entre eux. Le texte qu’ils
contiennent est très corrompu et souvent interpolé, défiguré
par des gloses inutiles ou même ineptes. Les premiers éditeurs
ont vainement essayé de donner un texte intelligible, et le dernier,
M. Pardessus (Lois maritimes, tome I, 1817) n’a pas mieux
réussi que ses prédécesseurs. |
A
défaut d’un texte critique qu’il serait extrêmement
difficile d’établir dans l’état des manuscrits,
il n’y a évidemment qu’un moyen d’obtenir un
résultat à peu près satisfaisant c’est de
s’attacher au manuscrit qui paraît le plus ancien et le
meilleur. Ce manuscrit a été trouvé dans la bibliothèque
Ambrosienne à Milan, où il porte le n° 68. Il
paraît être du XIe siècle. |
M. Mercati,
bibliothécaire de l’Ambrosienne, qui a reconnu et déchiffré
le codex rescriptus du livre 53 des Basiliques, a donné
dans le volume publié à Leipzig en 1897 les variantes
du Ms. n° 68. On peut ainsi facilement reconstituer ce texte,
et on reconnaît sans peine que, s’il n’est pas complètement
exempt de fautes, il est au moins intelligible et ne présente
ni doubles emplois ni interpolations. |
C’est
donc sur ce texte qu’a été faite la traduction ci-jointe
de la loi rhodienne. Ce monument du droit maritime du Moyen âge
est très important et offre un grand intérêt historique,
en ce qu’il a substitué au droit romain un système
nouveau et complet. Le principe romain de la gestion d’affaires
et de l’actio exercitoria a fait place à un régime
d’association et d’assurance mutuelle, entre toutes les
personnes intéressées dans un voyage de mer. |
A
la loi rhodienne proprement dite nous rattachons un groupe de 49 articles
donnés comme provenant de la même source, et trouvés
par M. Mercati dans le même codex rescriptus que
le 3e livre des Basiliques. Ces articles ne sont pas dépourvus
d’intérêt, car ils complètent la loi en fixant
le coefficient qui exprime la part revenant dans la perte comme dans
le gain à chacune des personnes employées sur un navire.
Il y a aussi des dispositions de date récente, par exemple celle
qui porte qu’en cas de vol commis sur le navire le patron et les
passagers se justifieront en prêtant serment sur les évangiles.
Ces dispositions ne faisaient pas partie du groupe principal, mais on
peut les considérer comme des gloses ou notes à part. |
Un
certain nombre de manuscrits contiennent en outre un prétendu
prologue de la loi rhodienne, où se retrouve le rescrit d’Antonin
le pieu avec des fables absurdes. Nous le laissons absolument de côté.
Ceux qui voudront s’en faire une idée le trouveront dans
le recueil de Pardessus. |
Pour
terminer cette histoire externe des lois rhodiennes il nous reste à
dire quelques mots des emprunts qui leur ont été faits
par les statuts des villes dalmates, au Moyen âge. |
Après
la chute de l’empire d’Occident et, ensuite, du royaume
des Ostrogoths, l’Italie et ses dépendances se trouvèrent
rattachées à l’empire d’Orient. Pendant plusieurs
siècles (du VIe au XIe) les communautés de Dalmatie reconnurent
la protection des empereurs de Constantinople. C’était
précisément l’époque florissante de la loi
rhodienne. Aussi cette loi fut-elle adoptée par toutes les villes
des bords de l’Adriatique et leurs statuts lui ont emprunté
les dispositions les plus remarquables. Nous nous bornerons à
en citer quelques-uns. Quoiqu’ils ne remontent qu’au XIIIe
ou au XIVe siècle, et qu’à l’époque
de leur rédaction, le protectorat eût passé des
Grecs aux Vénitiens, le droit byzantin continua de régir
les affaires maritimes. |
En
cas d’avarie au chargement par fortune de mer, sans faute de la
part du patron, la responsabilité de la perte est supportée
par le navire tout entier « navilium vel lignum totum illud
damnum teneatur emendare » dit le statut de Lissa (4)
(V, 1). La perte des agrès est classée comme avarie commune
(V, 2). Aucun homme de l’équipage ne peut quitter le navire
sans la permission du patron, à peine de quinze livres d’amende
dont moitié pour la communauté et moitié pour le
navire « cujus pœnae medietas sit communis et alia navilii »
(V, 3). |
L’article
14 donne un exemple de répartition de gain dans les termes suivants :
« si navilium val lignum inveniret aliquam affacturam vel
caperet aliquod navilium vel lignum inimicorurn, totum quod inventum
fuerit in ipso navilio sive ligno in quatuor partes debeat dividi ;
unam partem habeat ipsum navilium sive lignum, aliam partem habeat ipsum
havere quod erit in dicto navilio sive ligno ; reliquas duas partes
habeant marinarii et mercatores, aequaliter inter eos ». |
De
même dans le statut de Raguse de 1272 tout dommage causé
par fortune de mer aux marchandises ou aux agrès est une avarie
commune qui doit être réparée aux frais du navire,
« de habere proprio pertinenti ad navem — de communi
habere navis et etiam de ipsa nave, appreciando dictam navim vel lignum
et prohiciendo ipsam tercium minus » (Statut de Raguse VII,
6, 7). Les esclaves qui sont embarqués comme ayant une part gardent
cette part alors même qu’ils désertent ou tombent
malades ou sont faits prisonniers. On dit alors que leur part navigue
et travaille à leur place jusqu’à la fin du voyage.
Les marins s’engagent généralement à la part,
quelquefois pour un salaire fixe, ad marinariciam (Statut VII,
18 et 19). (5) |
V. aussi
le chap. 31, de marinariis capitis, et le chap. 35,
de afilaturis. A vrai dire, les 67 chapitres qui forment le
VIIe livre seraient tous à citer. |
On
remarquera que dans les statuts dalmates comme dans la loi byzantine
l’assurance mutuelle est la règle. Le contrat est toujours
sous-entendu et obligatoire. Au contraire, dans la compilation du XIIIe
siècle comme sous le nom de Consulat de la mer, et applicable
sur toutes les côtes de la Méditerranée occidentale,
il faut, pour obtenir le même résultat, un contrat en forme
et exprès. C’est l’agermanament dont il
est parlé dans l’article 150 du Consulat de la mer et dans
les articles suivants. Sans un contrat de ce genre les intéressés
n’ont aucun recours les uns contre les autres. On applique rigoureusement
la règle Res perit domino. (6) |
II. |
LOI
RHODIENNE. |
Traduction. |
La loi rhodienne est un traité bien ordonné, comme on
peut s’en assurer au moyen de la table suivante : |
1. Des
vols commis à bord ou par l’équipage ; |
2. Des
querelles et blessures et de leur punition ; |
3. Rupture
du voyage par détournement de route ; |
4. Du
jet à la mer ; |
5. Responsabilité
des chargeurs ; |
6. Dépôt
des objets précieux entre les mains du patron ; |
7. Personnes
abandonnées en route ; |
8. Prêts
maritimes ; |
9. Nolissement,
arrhes ; |
10. Association
entre navires ; |
11. Responsabilité
des fautes ; |
12. Contribution
aux avaries ; |
13. Salaire
des gens de l’équipage ; |
14. Sauvetage
des effets et marchandises. |
Voici
maintenant les dispositions de la loi. |
1. Vol
des ancres. — Si, au mouillage dans le port ou
en rade, les ancres d’un navire sont dérobées et
si le voleur arrêté avoue le fait, la loi veut qu’il
reçoive la punition corporelle et qu’il supporte en outre
l’amende au double. (7) |
2. Vol
des ancres et autres agrès. — Si par ordre
du patron l’équipage dérobe les ancres d’un
autre navire mouillé dans le port ou en rade, que la conséquence
soit la perte du navire privé de ses ancres, et que le tout soit
exactement prouvé, l’indemnité sera payée
pour le navire et pour ceux qui sont dans le navire par le patron qui
a donné ordre de commettre le vol. Si quelqu’un vole les
agrès du navire ou quelque objet employé au service du
navire, tels que cordages, canots, voiles, peaux et autres, l’auteur
du vol en devra la restitution au double. (8) |
3. Vol
commis par un homme de l’équipage. — Si
sur l’ordre du patron un homme de l’équipage commet
un vol au préjudice d’un marchand ou d’un passager,
le patron rendra le double à ceux qui ont souffert du vol ;
l’homme de l’équipage qui a commis le vol recevra
cent coups de bâton. Si l’homme de l’équipage
a commis le vol de son propre mouvement et si, arrêté ensuite,
il a été convaincu par témoins, il sera rudement
bâtonné, surtout si l’objet volé est de l’or,
et il en fera la restitution à ceux qu’il en a dépouillés. |
4. Navire
pillé par voleurs ou pirates. — Si le patron
a conduit le navire dans un lieu où il y a des voleurs et des
pirates, malgré l’opposition des passagers qui lui déclarent
la mauvaise réputation de l’endroit, et qu’un vol
soit commis, le patron rendra les objets volés à ceux
qui ont souffert le vol. Si, au contraire, le patron ayant refusé
d’aborder dans l’endroit suspect les passagers y conduisent
le navire et qu’il se commette un vol, l’indemnité
sera à la charge des passagers. (9) |
5. Coups
et blessures dans une rixe entre gens de l’équipage. — Si
les gens de l’équipage se querellent entre eux, ils doivent
le faire en paroles seulement, et ne pas se frapper l’un l’autre.
Si quelqu’un frappe à la tête et y ouvre une plaie,
ou fait quelque autre blessure, il supportera les frais de médecin,
dépenses faites pour le blessé et les salaires dus pour
tout le temps qu’aura duré l’incapacité de
travail. (10) |
6. Meurtre
commis en rixe. — Si des gens de l’équipage
se battent entre eux, et que l’un d’eux frappe avec une
pierre ou un bâton, si l’homme frappé frappe à
son tour celui qui a porté le coup, il l’a fait par nécessité.
Si l’homme ainsi frappé vient à mourir et qu’il
soit prouvé par témoins que cet homme a porté le
premier coup avec une pierre ou une arme de fer, le meurtrier n’est
pas responsable, car l’autre n’a souffert que le mal qu’il
voulait faire souffrir. (11) |
7. Coups
portés par toute personne. — Si un des patrons,
des marchands ou des gens de l’équipage frappe du poing
un autre homme et lui crève l’œil, ou lui donne un
coup de pied d’où résulte une hernie, l’auteur
du coup payera les frais de médecin, plus pour l’œil
crevé douze pièces d’or, pour la hernie dix. Si
l’homme qui a reçu le coup de pied en meurt, celui qui
a porté le coup sera responsable de cette mort. |
8. — Si
le patron à qui le navire a été confié s’est
détourné en cours de route, de concert avec l’équipage,
pour se rendre dans un pays différent, en emportant les fonds,
si la somme trouvée sur eux tous est suffisante pour faire la
contrevaleur du navire et du chargement, on fera la compensation ;
sinon, l’équipage et le patron seront engagés de
nouveau pour parfaire le montant de la somme à payer. |
9. — Si
le patron tient conseil avec le chargeur sur le jet à la mer,
que le chargeur s’y oppose et que le navire se perde, c’est
le chargeur qui payera l’amende. S’il n’y a d’opposition
ni de lui, ni du patron, ni de l’équipage et que le navire
reçoive des avaries ou fasse naufrage, tout ce qui sera sauvé
du navire et du chargement viendra en contribution. (12) |
10. Deest. |
11. Précautions
à prendre par les affréteurs. — Les
marchands et les passagers ne doivent pas charger sur un vieux navire
des objets encombrants ni précieux. S’ils le font et que
le navire ayant pris la mer, ces objets s’avarient ou se perdent,
celui qui a chargé sur un vieux navire s’est lui-même
perdu par son propre fait, du jour où il a quitté la terre.
Quand les marchands nolisent un navire, ils doivent s’enquérir
avec soin auprès des autres personnes qui ont navigué
sur ce navire avant eux, et n’y charger leurs ballots que si le
navire a tout son outillage au complet et un équipage suffisant
et propre au service. Si tout est en bon état, ils peuvent charger
leurs ballots, comme il est dit ci-dessus. (13) |
12. Dépôt
en général. (14) — Si
quelqu’un fait un dépôt à bord d’un
navire, il doit contracter avec un dépositaire connu de lui et
ayant sa confiance, et devant trois témoins. Si la chose déposée
est importante, il doit faire un contrat écrit avant de s’en
dessaisir. Si celui qui a accepté la charge de garder cette chose
dit qu’il l’a perdue, il est tenu de prouver l’effraction
ou le vol et la cause de la perte, et d’affirmer par serment qu’il
est exempt de dol. S’il ne fait pas cette preuve, il rendra la
chose en bon état, telle qu’il l’a reçue. |
13. Dépôt
d’or ou d’objet précieux. — Si
un passager est monté à bord du navire ayant sur lui de
l’or, ou toute autre chose, il doit en faire le dépôt
entre les mains du patron. S’il ne fait pas ce dépôt
et qu’il vienne dire ensuite : « J’ai perdu
mon or ou mon argent », tout ce qu’il dira sera inutile.
Le patron, l’équipage et toutes les personnes qui sont
sur le navire se justifieront par serment. |
14. Dépôt
nié par le dépositaire. — Si quelqu’un,
patron ou homme de confiance, ayant reçu un dépôt
le nie, et soit ensuite convaincu par témoins, il rendra cette
chose au double, et s’il a juré, il subira la peine du
parjure. |
15. Passagers,
marchands, esclaves abandonnés en route. — Si
un navire transporte des passagers, des marchands ou même des
esclaves reçus en dépôt, que le patron arrive dans
une ville, ou dans un port ou sur une rade, et que là, quelques
personnes étant sorties du navire, il survienne une poursuite
de corsaires ou une attaque de pirates, que le patron ayant donné
l’alarme emmène son navire, qu’enfin le navire soit
sauvé avec tout le chargement qu’y ont mis les passagers
et les marchands, chacun reprendra son bien, et chacun de ceux qui seront
descendus à terre reprendra pareillement ce qui lui appartient.
Si quelqu’un veut chercher querelle au patron, lui reprochant
de les avoir abandonnés sur le rivage dans un lieu infesté
de corsaires, tout ce qu’il dira sera inutile, parce que le patron
et l’équipage n’ont pris la fuite que pour échapper
à ceux qui les poursuivaient. Si ayant pris un esclave en dépôt
il l’a abandonné en quelque lieu que ce soit, il sera tenu
d’en faire la restitution au maître de l’esclave. |
16. Prêts
sur le navire ou sur le chargement. — Tous, patrons
et marchands, qui emprunteront de l’argent sur un navire, ne peuvent
enregistrer l’opération comme acte de prêt terrestre. |
17. — Si
quelqu’un donne de l’or ou de l’argent pour un besoin
commun, en cours de route, et qu’il y ait acte fixant les clauses
du prêt et le terme stipulé, si celui qui a reçu
l’or ou l’argent ne le remet pas au bailleur de fonds à
l’échéance du terme et qu’ensuite la somme
soit perdue par incendie, piraterie ou naufrage, le bailleur de fonds
restera indemne et reprendra intégralement tout ce qui lui appartient.
Mais si avant l’échéance du terme fixé, il
arrive une perte par fortune de mer, comme il aurait pris sa part du
gain, il prendra sa part du dommage. |
18. — Si
quelqu’un ayant emprunté de l’argent se rend à
l’étranger, le créancier, quand le jour du terme
convenu sera expiré, se paiera sur les biens terrestres, suivant
la loi. Si on n’en retire pas somme suffisante, le prêt
sera considéré comme prêt terrestre ; seulement
les intérêts seront dus au taux maritime, tant que l’emprunteur
restera à l’étranger. (15) |
19. Nolissement. — Si
quelqu’un nolise un navire, donne des arrhes, et dit ensuite « Je
n’en ai pas besoin », il perd les arrhes ; si
au contraire c’est le patron qui ne tient plus le marché,
il rendra au marchand le double des arrhes. (16) |
20. Deest. |
21. Navires
associés. (17) — Si
deux navires font une société sans acte écrit (18)
et s’il est reconnu de part et d’autre que ce n’est
pas la première fois qu’ils ont fait une société
sans écrit, qu’ils l’ont fidèlement observée
et qu’ils ont payé partout les droits de douane comme s’il
n’y avait qu’un seul chargement et non deux ; en ce
cas, si l’un des deux navires sur lest ou chargé éprouve
quelque avarie, les objets sauvés devront contribuer pour le
quart du dommage éprouvé par le navire qui a souffert.
Cette part est fixée au quart, parce qu’il n’est
pas produit d’acte écrit et qu’on a fait un simple
contrat verbal. Si, au contraire, il y a eu un acte écrit et
scellé, tout ce qui a été sauvé viendra
en contribution pour ce qui a été perdu. |
22. Navire
loué en entier. Chargement fait par le patron. — Le
patron n’apportera rien que de l’eau et des provisions de
voyage, des cordages et tout ce qui fait partie de l’équipement
du navire. Si le marchand occupe toute la capacité du navire,
conformément au contrat écrit, et que le patron veuille
introduire en outre d’autres marchandises, il peut le faire s’il
reste encore de la place. S’il n’en reste pas, le marchand,
en présence de trois témoins, s’opposera à
la volonté du patron et de l’équipage, et alors,
s’il y a lieu à jet, c’est le patron qui le supportera.
Si le marchand n’a pas fait d’opposition, tous entreront
en contribution. |
23. Contrat
de nolis fait loi. — Si le patron et le marchand
ont fait un contrat par écrit, ce contrat fait loi. Si le marchand
n’emplit pas toute la capacité du navire, il paiera le
nolis dans les termes du contrat. |
24. Dédit
après nolissement. — Si le patron prend
la mer après avoir reçu la moitié du nolis, et
que le marchand veuille retourner, quand il y a un contrat écrit
et scellé, le marchand perd le demi-nolis pour la rupture du
voyage. Si c’est le patron qui refuse d’exécuter
le contrat écrit, il rendra au double ce qu’il a reçu. |
25. Terme
fixé pour le chargement. — Si le terme fixé
par le contrat écrit est dépassé de moins de dix
jours, le marchand fournira les rations de l’équipage.
A l’expiration du second délai le marchand descendra à
terre après avoir tout d’abord complété le
paiement du nolis ; si le marchand veut ajouter au nolis une certaine
somme, il paiera le tout et ensuite s’embarquera comme il était
convenu. |
26. Négligence
des patrons ou de l’équipage. — Si
un des gens de l’équipage ou le patron ayant couché
hors du navire, le navire vient à se perdre de nuit ou de jour,
les gens de l’équipage ou les patrons qui auront couché
dehors seront responsables de tout le dommage ; ceux qui seront
restés sur le navire resteront indemnes. |
27. Suite
du précédent. — Si un navire part
pour prendre un chargement fourni par un marchand ou par la communauté,
et que ce navire subisse une avarie ou périsse par la négligence
de l’équipage ou du patron, les marchandises restées
en magasin (19) seront
hors du risque. Si des témoins déclarent que le sinistre
a eu pour cause une tempête, tout ce qui aura été
sauvé du navire et des marchandises viendra à contribution,
et le patron gardera la moitié du nolis. Si quelqu’un nie
la communauté et qu’il soit convaincu par la déclaration
de trois témoins, il paiera sa part de communauté et supportera
la peine de sa dénégation. |
28. Faute
du marchand. — Si un navire, au moment de sortir
du port, est empêché par un marchand ou un associé,
le délai étant expiré, et que le navire périsse
par un acte de piraterie ou par un incendie ou par un naufrage, l’auteur
de l’empêchement supportera le dommage. |
29. Suite
du précédent. Chargement fait avant le terme « a
quo » ou après le terme « ad quem ». — Si,
à l’expiration du terme fixé, le marchand ne présente
pas ses marchandises au lieu convenu dans l’acte écrit,
et que le navire vienne périr par un acte de piraterie ou par
un incendie ou un naufrage, le marchand est responsable de tout le dommage
du navire. Mais si le terme est expiré quand l’accident
se produit, on viendra à contribution. |
30. (20) Contribution
de l’or que le marchand a porté sur lui. — Si
le marchand, ayant chargé ses marchandises sur un navire, a gardé
de l’or sur lui, et que le navire vienne à souffrir de
quelque péril de mer, que le chargement soit perdu et le navire
brisé, tout ce qui aura été sauvé du navire
et du chargement entrera en contribution. Quant à l’or,
le marchand l’emportera sur lui. S’il a été
sauvé sans le secours de quelque agrès du navire, il paiera
la moitié du nolis porté au contrat. |
Si,
au contraire, il s’est aidé de quelque agrès du
navire, il paiera le cinquième. |
31. Contribution
de l’argent. — Si, après que le marchand
a chargé ses marchandises sur un navire, il arrive un accident
au navire, tout ce qui aura été sauvé viendra en
contribution de part et d’autre. L’argent sauvé paiera
le cinquième. Le patron et l’équipage fourniront
leur aide pour le sauvetage. |
32. Deest. |
33. Le
navire lui-même et tout ce qui s’y trouve entrent en contribution. — Si
le patron décharge les marchandises au lieu convenu, et qu’il
survienne ensuite un accident au navire, le patron recouvrera intégralement
le nolis sur le marchand. Mais les marchandises débarquées
dans le magasin seront à l’abri de toute réclamation
qui serait intentée par les personnes naviguant sur le même
navire. |
34. Avarie
des marchandises. Avertissement. — Si un navire
transporte du linge ou des étoffes, le patron fournira des prélarts
en bon état, pour que les marchandises ne soient pas détériorées
en cas de tempête par l’invasion des flots. Si le navire
fait eau, le patron avertira immédiatement ceux qui possèdent
des marchandises sur le navire, pour qu’on puisse déployer
ces marchandises. Si le patron n’a rien dit, il sera responsable,
mais si des témoins déclarent qu’il a dit aux marchands :
« le navire fait eau, déployez vos marchandises »
et que les chargeurs de ces marchandises aient négligé
de prendre leurs précautions, le patron et les gens de l’équipage
seront indemnes. |
35. Contribution
générale en principe. — Si un navire
a fait un jet, après avoir perdu son mât, abattu ou rompu
par accident, tous, hommes d’équipage et marchands, marchandises
et navire, en un mot tout ce qui a été sauvé viendra
à contribution. |
36. Abordage. — Si
un navire faisant voile se précipite sur un autre navire mouillé
ou ayant cargué ses voiles, et cela en plein jour, tout le dégât
et toute la perte sont à la charge du patron et de ceux qui se
trouvent sur le navire, et le chargement même viendra à
contribution. Si l’accident a lieu de nuit, celui qui a cargué
ses voiles allumera du feu ; s’il n’a pas de feu, il
poussera de grands cris. S’il néglige de prendre ces précautions
et qu’un malheur arrive, il ne peut s’en prendre qu’à
lui-même, s’il y a preuve par témoins. Si l’homme
qui manœuvre les voiles a été négligent ou
que le veilleur se soit endormi, il a péri comme s’il s’était
jeté dans des bas fonds, et il doit indemniser celui qu’il
a heurté. (21) |
37. Sauvetage
des marchandises. Primes. — Si un navire chargé
de blé est assailli par la tempête, le patron fournira
des seaux de cuir en bon état, et l’équipage travaillera
aux pompes. S’ils négligent de le faire et que le chargement
ait été inondé par les pompes, l’équipage
supportera la perte. Si le chargement a été détérioré
par la tempête, le dommage sera constaté par le patron
et l’équipage, en présence du marchand, et le patron,
le navire et l’équipage recevront le centième des
objets sauvés. Lorsqu’il se fera un jet à la mer
le marchand jettera, le premier, et les hommes de l’équipage
ensuite. Après cela aucun homme de l’équipage ne
devra s’emparer d’un objet quelconque. S’il le fait,
il perdra le double et perdra tout droit au gain éventuel. |
38. Responsabilité
du marchand à l’égard du navire. — Si
un navire parti avec un chargement de blé, de vin ou d’huile,
dirigé par la volonté du patron, et l’équipage
ayant cargué les voiles, aborde, dans un lieu ou sur une côte,
malgré le marchand, que ce navire vienne à périr
et que le chargement ou les marchandises soient sauvés, le marchand
n’aura rien à payer pour le navire, puisqu’il ne
consentait pas à ce qu’on abordât au lieu dont il
s’agit. Mais si le navire faisant voile le marchand dit au patron :
« Je désire aborder à tel endroit, non désigné
dans l’acte écrit », et que le navire vienne
à se perdre, le chargement étant sauvé, le patron
recevra du marchand le navire entier. Si le navire périt par
la volonté des deux parts, tout viendra à contribution. |
39. Contribution
de l’or et des objets précieux. — S’il
arrive que le navire fasse naufrage et qu’on sauve une partie
du navire et du chargement, les passagers ayant pris sur eux de l’or,
de l’argent, des étoffes de soie, ou des perles, l’or
sauvé ainsi contribuera pour un dixième, l’argent
pour un cinquième ; les étoffes de soie si elles
n’ont pas été mouillées donneront un dixième,
soit autant que l’or. Si elles ont été mouillées
elles entreront en contribution, déduction faite de l’usure
et de la mouillure. |
40. Contribution
des passagers, ou pour eux. — S’il y a des
passagers sur le navire et que le navire soit avarié ou perdu,
mais que les effets des passagers soient sauvés, les passagers
contribueront à couvrir la perte. Si deux ou trois passagers
ont perdu leur or ou leurs effets, il sera fait une contribution générale
pour les indemniser, eu égard aux ressources de chacun et à
l’importance de la perte, et le navire lui-même contribuera. |
41. Voie
d’eau, marchandises débarquées. — Si
un navire portant des marchandises a une voie d’eau, que les marchandises
soient débarquées, et que le patron les charge sur un
autre navire, le patron payera tout le nolis (du second navire) ;
quant aux propriétaires des marchandises, [ils n’auront
rien à payer]. |
42. Contribution
générale. — Si le navire est pris
dans une tempête, et que les marchandises aient été
jetées à la mer, qu’il y ait eu rupture des antennes,
du mât, du gouvernail, des ancres, des chaloupes, tout cela entrera
en contribution, avec le prix du navire et les marchandises sauvées. |
43. Contribution
en faveur du navire. — Si un navire est chargé
et que dans une tempête il abatte son mât, qu’il casse
son gouvernail ou perde ses chaloupes, s’il arrive que par suite
de la tempête le chargement soit mouillé, tout cela doit
entrer dans la contribution. S’il arrive que le chargement ait
plus souffert des pompes que de la tempête, le patron recevra
le nolis et rendra les marchandises sèches, dans la mesure où
il les a reçues. |
44. Sauvetage
des épaves, prime. — Si un navire a chaviré
ou s’est perdu en mer, celui qui sauvera quelque objet en provenant,
et le portera à terre, recevra le cinquième pour prime
de sauvetage. |
45. Salaire
des gens de l’équipage. — Si une chaloupe
se détache du navire par rupture de câble et périt
avec tout ce qui s’y trouve, si les gens qui s’y trouvaient
se perdent ou meurent, le patron payera le salaire annuel en entier
jusqu’au terme de l’année, à leurs héritiers.
Celui qui aura sauvé la chaloupe et ses accessoires, rendra le
tout tel qu’il l’a trouvé, et recevra le cinquième
pour son salaire. (22) |
46. Sauvetage,
prime. — Si de l’or, de l’argent ou
d’autres objets viennent à être retirés du
fond de la mer où ils étaient à huit brasses de
fond, le sauveteur en recevra le tiers. A quinze brases il en recevra
la moitié. Quant aux objets qui sont rejetés par la mer
sur le rivage et qui sont trouvés jusqu’à une coudée
de distance, le sauveteur recevra le dixième des objets sauvés. |
Les
quatre derniers articles sont empruntés au Code et au Digeste.
Nous en donnons seulement l’analyse sans traduction. |
47. — Cet
article est emprunté à une constitution impériale
de l’an 400, insérée au Code de Justinien, XI, 3,
loi 3, et où on lit « quicumque in rapinis fuerit
deprehensus, poena quadrupli teneatur ». |
48. — Cet
article est encore emprunté à une constitution impériale
de l’an 395 insérée au Code de Justinien XI, 5,
loi unique, qui interdit à tout particulier de charger des marchandises
sur un navire qui a déjà un chargement de l’État
à peine d’être responsable des dépenses et
avaries. |
—————————————— |
Enfin les art. 50 et 51 sont tirés
des lois 1 et 4 § I, au Digeste de incendio, ruina et naufragio
D. XLVII, 9, qui, outre la peine de restitution au quadruple, prononcent
contre le voleur la peine de la relégation ou de l’opus
publicum, conformément à une constitution de Marc-Aurèle. |
III. |
ARTICLES
ANNEXES FORMANT LE DEUXIEME GROUPE. |
Les
quatre derniers articles (48-51) étaient dans le Ms. mais le
feuillet qui les contenait est à peu près illisible, on
voit seulement quatre ou cinq mots épars, et par exemple à
l’art. 50 τετραπλοῦν
au lieu de τετραπλάσιον. |
Les
articles 10, 20, 32 et 37 manquent dans le Ms. qui ne contient par conséquent
que 43 articles, sans parler des 4 derniers. On en trouvera le texte
dans Pardessus. |
Quant
aux 49 articles formant le groupe annexe, le Ms. palimpseste n’en donne
que 18, et encore assez incorrects. |
On
a vu que la lex Rhodia institue entre toutes les personnes
qui naviguent sur un même bâtiment une sorte d’association, ou, si l’on
veut, d’assurance mutuelle, à la différence du droit romain qui, appliquant
en matière maritime les principes généraux du droit, tels que l’actio
exercitoria, l’actio locati conducti, l’actio legis
Aquiliae, n’admettait qu’entre les chargeurs la contribution en
cas de jet à la mer et exigeait pour le prêt à la grosse comme pour
tout autre prêt une stipulation expresse des intérêts. |
La
contribution en cas de jet était sans doute un emprunt fait à la loi
rhodienne, et fondée sur l’équité. C’était la tradition et il n’y a
aucun motif pour ne pas l’admettre. La loi rhodienne allait beaucoup
plus loin puisqu’elle étendait le principe de la contribution à tous
les cas d’avaries, et à toutes les personnes du bord, enfin au navire
lui-même considéré comme une personne. |
Ainsi
tous les appelés à contribuer avaient une part d’intérêt dans l’association,
mais laquelle ? Le texte fondamental est muet sur ce point, et
c’est pour suppléer à ce silence qu’a été rédigé un tarif dont voici
la traduction. |
TARIF. |
1. Salaire du patron : deux parts. |
2. Salaire du timonier : une part et demie. |
3. Salaire du pilote : une part et demie. |
4. Salaire du charpentier : une part et demie. |
5. Salaire du chaloupier : une part et demie. |
6. Salaire de l’homme d’équipage : une part. |
7. Salaire du cuisinier : une demi-part. |
8. Il est permis à tout marchand d’avoir deux valets sur le navire, mais il doit payer leur place. |
POLICE A BORD. |
9. L’espace occupé par un passager aura trois coudées de longueur et une de largeur. |
10. Aucun passager ne fera frire un poisson sur le navire et le patron ne le permettra pas. |
11. Aucun passager ne fendra du bois sur le navire, et le patron ne le permettra pas. |
12. Chaque passager recevra sur le navire une mesure d’eau, mais pas deux. |
13. Une femme recevra sur le navire un espace d’une coudée. Un enfant qui n’a pas toute sa croissance recevra une demi-coudée. |
14. L’article
du tarif reproduit l’art. 13 de la loi. Il ajoute que le patron
ne peut pas être contraint à recevoir le dépôt. |
15. L’article
du tarif ajoute que les personnes qui sont sur le navire, quand un vol
a été commis, se justifieront par serment prêté sur l’évangile. |
16. Le
millier d’amphores, avec tous les agrès contenus dans cet espace sera
compté pour cinquante pièces d’or et viendra en contribution pour ce
chiffre. Le navire vieux vaudra trente pièces d’or. On retranchera le
tiers de cette somme et c’est le surplus qui entrera en contribution. (23) |
17 et 18. L’art. 17
renvoie à l’art. 16 de la loi qu’il reproduit en d’autres termes.
Cet article et le suivant se rapportent au prêt à la grosse et aux caractères
qui le distinguent du prêt terrestre. Le texte en est trop peu sûr pour
qu’il y ait lieu d’en donner une traduction. |
Notes. |
(1) Cet
article sur la loi rhodienne a déjà paru dans la Revue de philologie
de janvier 1905. Nous le reproduisons ici à raison du grand intérêt
qu’il offre aux jurisconsultes. Nous avons toutefois laissé de côté
le texte grec. Ceux de nos lecteurs qui voudraient s’y reporter le trouveront
dans la Revue de philologie. |
(3) Strabon, XIV, 2, 5. |
On trouvera aussi beaucoup d’observations judicieuses dans une thèse
de l’Université de Leyde, intitulée La responsabilité limitée du
débiteur, dans le droit moderne et dans te droit ancien, par Burger,
Leiden 1889 (en hollandais). |
L’Écloga,
publié en 740 par l’empereur Léon l’Isaurien et son fils Constantin,
a fait de la peine corporelle la peine principale en matière de vol.
L’amende, ou plutôt la restitution au double, n’est qu’un accessoire,
Ecloge XVII, 10 et 11. |
Ils
ne prévoient d’autre peine qu’une indemnité, comprenant le salaire du
médecin, les frais de traitement. Il y a cependant dans l’article 7
une trace de wergeld, en cas d’œil crevé ou de coup de pied au ventre.
Zachariae pense que ces dispositions sont d’origine lombarde (Loi
de Rotharis, 112, 113) (Zachariae, Geschichte des Griechisch-Römischen
Rechts, 3e éd., 1892, p. 326). En tout cas, ces deux dispositions
isolées n’impliquent pas l’existence d’un système complet et suivi. |
(13) La
règle de la communauté et de la contribution générale souffre exception
toutes les fois qu’il y a imprudence ou négligence prouvée. En ce cas
l’auteur de la faute est responsable des conséquences. L’article 11
dit que si les marchands et passagers, avant de s’embarquer, ont négligé
de prendre les précautions ordinaires pour s’assurer de l’état du navire,
ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes des suites de leur négligence. |
On trouve d’autres applications de la même règle dans les art. 38, 44, 49. |
Le
dépôt doit être fait devant trois témoins ou par écrit. |
Si
le dépositaire soutient que le dépôt lui a été dérobé, il doit se justifier
par serment. |
Si
le dépôt n’a été fait ni par acte écrit ni devant témoins, le prétendu
dépositaire peut être admis à se justifier par serment, mais si le dépôt
est ensuite prouvé par le fait, le dépositaire porte la peine du parjure
et restitue au double. |
Ces
principes généraux reçoivent une modification en matière maritime, en
ce que si un passager veut faire un dépôt, il doit le faire entre les
mains du patron. Autrement il n’est pas recevable à se plaindre d’avoir
été volé. |
Le patron qui a reçu un dépôt et qui a abandonné en route le déposant
ne peut être poursuivi s’il n’a pris la fuite avec son navire que pour
éviter d’être pris par les corsaires. |
(15) L’idée
est nécessairement celle-ci : Tout prêt, fait au patron sur le navire
ou à un marchand sur le chargement, est un prêt maritime, à la grosse
aventure, avec libération de l’emprunteur en cas de perte du navire
ou du chargement. Si au contraire l’un et l’autre arrivent à bon port,
l’emprunteur doit rendre le capital et en outre payer l’intérêt maritime.
— Le prêteur se soumet nécessairement et implicitement au risque, et
ne peut s’y soustraire par aucune convention. Par contre, il ne peut
renoncer à l’intérêt maritime. |
Toutefois, s’il y a terme stipulé pour l’échéance du prêt, le prêt cesse
d’être un prêt maritime, et cela à partir de l’échéance. En conséquence,
le prêteur ne court plus aucun risque et devient simple créancier d’une
somme fixe portant intérêt au taux civil, ordinaire. |
Si, au jour de l’échéance, le débiteur est absent, le créancier se paiera
sur les biens qui sont à terre. S’il ne peut être remboursé, il restera
créancier, comme un prêteur ordinaire, mais on calculera l’intérêt au
taux maritime pour tout le temps pendant lequel l’emprunteur aura été
absent. |
Les anciennes éditions lisaient χρήματα
ἔγγυα et ne pouvaient pas se comprendre, mais le Ms. 68
de Milan, que nous suivons, lit ἔγγεα,
ce qui fait disparaître toutes les difficultés. |
(16) Le
contrat de nolissement est soumis aux régies ordinaires des contrats
et doit être rédigé par écrit en forme de συγγραγή,
et chacune des parties doit y apposer son cachet. L’acte ainsi fait
emporte exécution parée, καθάπερ
ἐκ δίκης . . Le preneur donne des arrhes
qu’il perd s’il n’exécute pas, et qui lui sont rendues au double si
c’est l’autre partie qui refuse l’exécution. |
Le paiement du fret est assuré par des
clauses pénales. Le marchand qui a payé le fret entier peut occuper
toute la capacité du navire. Le patron n’y a aucun droit. S’il charge
des effets sur le tillac, il en supporte seul le risque. |
Il en est du fret comme des arrhes. Si
le marchand rompt le voyage, il perd la moitié du fret ; si c’est
le patron qui rompt, il rend le fret tout entier. |
Le marchand affréteur a dix jours pour
charger ; après quoi il supporte les frais de nourriture de l’équipage,
et le fret peut être augmenté. Si le retard amène la perte du navire,
c’est le marchand qui en répond. |
Tout acte de négligence oblige ceux qui
l’ont commis à réparer le dommage. Ainsi en est-il des patrons ou gens
de l’équipage qui ont couché hors du navire, ou qui n’ont pas enfermé
les marchandises dans le magasin. — En l’absence d’une faute imputable
à quelqu’un, tout ce qui a péri ou a été avarié par force majeure est
une avarie commune à la réparation de laquelle tout ce qui est sur le
navire doit contribuer. |
Il s’agit d’une association, ou plutôt
d’une assurance mutuelle entre deux navires. La contribution du navire
sauvé pour le navire avarié est du quart du dommage éprouvé, à moins
qu’il n’y ait un chiffre d’indemnité plus fort ou plus faible dans le
contrat écrit. |
La
contribution porte sur tout ce qui a été sauvé — équipage et marchands,
marchandises et navire, art. 35. |
Si
le chargement seul a été avarié, tout contribue. Les marchandises sauvées
paient 1/100. |
Si
le marchand s’est sauvé avec de l’or sur lui, dans un cas de perte générale
il paiera 1/10 plus une moitié ou un cinquième du fret, suivant qu’il
s’est ou non servi des agrès pour se sauver, art. 30. |
L’argent
sauvé paie 1/5, art. 31 et 40. |
Les
marchandises débarquées au lieu convenu sont désormais exemptes de toute
contribution, art. 33. |
Les
marchandises précieuses paient comme or, mais déduction faite de la
mouillure, art. 40. |
Les
effets des passagers, seuls sauvés, contribuent, art. 41. |
Voie
d’eau, transfert du chargement sur un autre navire dont le patron paie
le fret, art. 42. |
La
contribution a lieu non seulement pour les marchandises jetées, mais
pour les dégâts matériels sur le navire, art. 43. |
|