SC. ULTIMUM
   
ARMANT CICÉRON CONTRE LES CATILINIENS
   
( 22 octobre 63 av. J.-C. )
 

     
Cicero, Cat., I, 2 ( Nisard, Paris, 1840 ).
  

 
Autrefois un sénatus-consulte chargea le consul Opimius de pourvoir au salut de l'État. La nuit n'était pas encore venue, et déjà, vainement protégé par la gloire de son père, de son aïeul, de ses ancêtres, C. Gracchus avait payé de sa tête quelques projets séditieux dont on le soupçonnait ; déjà le consulaire M. Fulvius avait subi la mort avec ses enfants. Un décret semblable remit le sort de la patrie aux mains des consuls Marius et Valérius. S'écoula-t-il un seul jour sans que la mort et la vengeance des lois eussent atteint le tribun Saturninus et le préteur C. Servilius ? Et nous qui avons reçu du sénat les mêmes armes, nous laissons depuis vingt jours s'émousser dans nos mains le glaive de son autorité. Car ce décret salutaire, nous l'avons aussi ; mais enfermé dans les archives publiques, comme une épée dans le fourreau, il demeure inutile. Si je l'exécutais, tu mourrais a l'instant, Catilina.
 

     
Dion Cassius, XXXVII, 31 ( Gros, Paris, 1845-70 ).
  

 
Pendant ces préparatifs des conjurés, Cicéron fut instruit de ce qui se tramait à Rome par des lettres anonymes, remises à Crassus et à quelques autres nobles. Sur ces indices, on décréta qu’il y avait tumulte et qu’il fallait informer contre les coupables. On apprit ensuite ce qui se passait dans l’Etrurie : par un second décret les consuls furent chargés, suivant l'usage, de veiller au salut de Rome et de la République ; car il portait la formule solennelle, les consuls auront soin que l'État n'éprouve aucun dommage. Ces mesures et des corps de garde établis dans plusieurs quartiers de Rome, ayant empêché toute tentative criminelle, Cicéron fut regardé comme un calomniateur ; mais les nouvelles venues de l'Étrurie confirmèrent ses révélations, et Catilina fut accusé de violence.
 

     
Plutarch, Cic., 15 ( Ricard, Paris, 1883 ).
  

 
... Le consul (Cicéron), après en avoir délibéré avec eux (avec Marcus Crassus, Marcus Marcellus et Scipion Métellus), assembla le sénat dès le point du jour, remit les lettres à ceux à qui elles étaient adressées, et leur ordonna d'en faire tout haut la lecture. Elles donnaient toutes les mêmes avis de la conjuration ; mais après que Quintus Arrius, ancien préteur, eut dénoncé les attroupements qui se faisaient dans l'Étrurie ; qu'on eut su, par d'autres avis, que Mallius, à la tête d'une armée considérable, se tenait autour des villes de cette province pour y attendre les nouvelles de ce qui se passerait à Rome, le sénat fit un décret par lequel il déposait les intérêts de la république entre les mains des consuls et leur ordonnait de prendre toutes les mesures qu'ils jugeraient convenables pour sauver la patrie. Ces sortes de décrets sont rares ; le sénat ne les donne que lorsqu'il craint quelque grand danger.


     
Sallustius, Cat. ( Richard, Paris, 1933 ).
  

 
28. Tous tremblent et hésitent ; mais un chevalier romain, C. Cornélius, s'offre avec un sénateur, L. Varguntéius ; ils décident d'aller cette nuit même, sur le matin, chez Cicéron, avec des hommes armés, comme pour le saluer, de le surprendre ainsi chez lui sans qu'il se doute de rien, et de l'assassiner. Curius, mesurant le danger couru par le consul, se hâte de faire révéler par Fulvie à Cicéron l'attentat qui se prépare. La porte est fermée aux conjurés, qui se trouvent ainsi avoir inutilement projeté un odieux forfait. Pendant ce temps, Manlius en Etrurie cherchait à soulever la plèbe, à qui la misère et le ressentiment de l'injustice dont elle avait été victime faisaient souhaiter une révolution, la dictature de Sylla lui ayant fait perdre ses terres et tout ce qu'elle possédait. Manlius s'abouche encore avec les brigands de toute espèce qui pullulaient dans le pays, et dont certains étaient d'anciens soldats de Sylla, établis comme colons, et à qui leurs passions et leur amour du luxe n'avaient rien laissé de tout ce qu'ils avaient pillé.
29. En apprenant tous ces faits, Cicéron est profondément troublé par le double péril que courait l'État : à Rome même, il lui était impossible de continuer plus longtemps à ne prendre de mesures de défense que de son autorité privée ; d'autre part, il ne savait rien de précis sur les forces de Manlius et sur ses projets. II soumet donc officiellement l'affaire au sénat, que déjà auparavant agitaient les bruits en circulation dans le public. Et cette assemblée, comme il arrive d'ordinaire dans les situations très graves, chargea par décret les consuls de veiller à ce que la république ne subît aucun dommage. D'après la coutume romaine, le sénat, par cette formule, donne au magistrat le pouvoir suprême de lever des troupes, de faire la guerre, de contraindre par tous les moyens à l'obéissance les alliés et les citoyens, d'avoir, à Rome et dans les camps, une autorité et un pouvoir sans limites. Hors de ce cas, le consul n'a aucun de ces droits, sans un vote formel du peuple.