PROPOSITION
DE LOI AGRAIRE DU TRIBUN MARCUS SEXTIUS ( 414 av. J.-C. ) |
Livius, IV, 49 ( Nisard, Paris, 1864 ). |
7. L'année
suivante, après avoir repris Boles, les Èques y amenèrent
une colonie et renforcèrent la place de nouvelles troupes. Rome
avait alors pour tribuns militaires, avec puissance de consuls, Gnaeus
Cornélius Cossus, Lucius Valérius Potitus, Quintus Fabius
Vibulanus, pour la seconde fois, Marcus Postumius Regillensis. 8. Celui-ci
fut chargé de la guerre contre les Èques ; c'était
un homme d'un esprit mal fait, ce que la victoire prouva mieux encore
que la guerre. 9. En effet, il enrôla
promptement une armée, la mena à Boles, et, après
avoir abattu, par de légers combats, l'ardeur des Èques,
il attaqua et emporta leur ville ; puis, n'ayant plus d'ennemis,
il se mit en guerre avec ses concitoyens. Il avait, pendant l'assaut,
promis le butin aux soldats ; la ville prise, il viola sa promesse.
10. C'est, selon moi, à ce motif
qu'il faut attribuer le mécontentement de l'armée, plutôt
qu'au dépit de ne pas trouver, dans une ville récemment
livrée au pillage, dans une colonie nouvelle, tout le butin que
le tribun avait d'avance annoncé. 11. Ce
mécontentement, il l'augmenta encore, lorsque, rappelé
par ses collègues et revenu dans la ville pour les troubles du
tribunat, il fit entendre dans l'assemblée du peuple des paroles
brutales et presque insensées. Marcus Sextius, tribun du peuple,
proposait une loi agraire, et annonçait qu'il proposerait également
l'envoi d'une colonie à Boles ; car il était trop
juste que la ville et le territoire de Boles appartinssent à
ceux qui les avaient conquis par leurs armes : "Malheur à
mes soldats, dit Postumius, s'ils ne restent en repos !" Ce
mot blessa l'assemblée, et plus encore les patriciens quand ils
l'apprirent. 12. Quant au tribun du peuple,
qui avait de la vivacité et une certaine éloquence, ayant
trouvé là, parmi ses adversaires, un esprit superbe, incapable
de mesurer son langage, il l'irritait, le provoquait à plaisir
pour le pousser à de violents discours, et lui attirer ainsi
à lui-même, à sa cause et à l'ordre entier
la haine publique ; aussi, du collège des tribuns, celui
qu'il cherchait de préférence à entraîner
dans la discussion, c'était Postumius. 13. Profitant
donc alors d'une parole si dure, si inhumaine : "Vous l'entendez,
dit-il, Romains, crier malheur à ses soldats comme à des
esclaves ! 14. Et pourtant cette
bête sauvage vous semblera plus digne des honneurs que ceux qui
vous donnent des villes, des terres, qui vous envoient dans les colonies,
qui vous ménagent une retraite dans vos vieux jours, qui luttent
sans cesse pour vos intérêts contre de si cruels et si
arrogants adversaires. 15. Étonnez-vous,
après cela, que peu de gens prennent en main votre cause !
Qu'auraient-ils à espérer de vous ? serait-ce les
honneurs ? Ne les donnez-vous pas à vos ennemis, plutôt
qu'aux défenseurs du peuple romain ? 16. Vous
avez gémi tout à l'heure en entendant le langage de cet
homme : qu'est-ce que cela prouve ? Demain, quand on en viendra
aux suffrages, à ceux qui veulent vous assurer des terres, des
demeures et des biens, vous préférerez celui qui vous
menace de malheur." |
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