ÉDIT DU CONSUL P. SERVILIUS
   
RELATIF AU RECRUTEMENT DE L'ARMÉE ET À LA PROTECTION DES SOLDATS
   
( 495 av. J.-C. )
 

     
Livius, II, 24 ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
1. Au milieu de ces débats (*), survient un plus grave sujet de terreur. Des cavaliers latins accourent avec des nouvelles menaçantes : une armée formidable de Volsques vient assiéger Rome. Cette nouvelle ( tant la discorde avait partagé Rome en deux villes ) affecta bien différemment les patriciens et le peuple. 2. Le peuple, dans l'exaltation de sa joie, s'écriait que les dieux allaient tirer vengeance de l'insolence patricienne. Les citoyens s'exhortaient les uns les autres à ne point se faire inscrire : "il valait mieux périr tous ensemble que périr seuls. C'était aux patriciens de se charger du service militaire, c'était aux patriciens de prendre les armes ; les dangers de la guerre seraient alors pour ceux qui en recueillaient tout le fruit." 3. Mais le sénat, triste et abattu, en proie à la double crainte que lui inspiraient le peuple et l'ennemi, conjure le consul Servilius, dont l'esprit était plus populaire, de délivrer la patrie des terreurs qui l'assiègent de toute part. 4. Alors le consul lève la séance et se rend à l'assemblée du peuple : là il représente que le sénat est tout occupé des intérêts du peuple ; mais que la délibération relative à cette grande partie de l'état, qui pourtant n'en est qu'une partie, a été interrompue par le danger que court la république tout entière ; 5. qu'il est impossible, quand l'ennemi est presque aux portes de Rome, de se proposer un autre objet que la guerre. Lors même que le danger serait moins pressant, il ne serait ni honorable pour le peuple de n'avoir pris les armes pour défendre la patrie qu'après avoir reçu sa récompense ; ni de la dignité du sénat de paraître avoir soulagé l'infortune de ses concitoyens plutôt par crainte que par bon vouloir, comme il pourrait le faire ultérieurement. 6. Et, pour que l'assemblée ajoutât foi à ses paroles, il publia un édit qui défendait "de retenir dans les fers ou en prison aucun citoyen romain, et de l'empêcher ainsi de se faire inscrire devant les consuls ; de saisir ou de vendre les biens d'un soldat tant qu'il serait à l'armée ; enfin, d'arrêter ses enfants ou ses petits-enfants." 7. Aussitôt qu'il a publié cet édit, tous les détenus qui étaient présents s'enrôlent, et les autres, comme leurs créanciers n'ont plus de droits sur eux, s'échappent des maisons où ils étaient gardés et accourent en foule de toutes les parties de la ville au forum pour prêter le serment militaire. 8. Ils formèrent un corps considérable, et ce fut celui qui, dans la guerre coutre les Volsques, se distingua le plus par son ardeur et son énergie. Le consul marcha aussitôt contre les ennemis, et il vint établir son camp près du leur.

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(*) Portant sur les dettes de la plèbe.