LOI SEMPRONIA
  
ACCORDANT 5/6 DE MESURE DE BLÉ AUX PLÉBÉIENS
  
( 123 av. J.-C. )


     
Appianus, Bell. Civ., I, 21 ( Combes-Dounous, Paris, 1808 ).
  

 
Au milieu de ces circonstances, les possesseurs des terres, à la faveur de divers prétextes, traînaient le plus qu'ils pouvaient en longueur l'exécution de la loi. Quelques-uns d'entre eux proposèrent d'accorder le droit de cité à tous les alliés, qui étaient leurs plus ardents antagonistes au sujet de la loi agraire ; et cela, dans la vue d'opérer une diversion, par la perspective d'un avantage plus considérable. Cette proposition plaisait en effet aux alliés, qui préféraient la prérogative en question à de petites propriétés foncières. Elle était même puissamment appuyée par Fulvius Flaccus, qui était en même temps consul et triumvir pour l'exécution de la loi agraire ; mais le sénat trouva très mauvais qu'on voulût élever à son niveau ceux qu'il regardait comme ses sujets. Cette proposition n'eut donc point de suite ; et le peuple, qui jusqu'alors avait compté sur le partage des terres, commençait à perdre toute espérance. Pendant que le peuple se décourageait, Caius Gracchus, le plus jeune frère de l'auteur de la loi agraire, l'un des triumvirs chargés de son exécution, après s'être longtemps tenu à l'écart depuis la catastrophe de son frère Tiberius, se mit sur les rangs pour le tribunat ; et quoique les sénateurs parussent mépriser ses prétentions, il fut élu de la manière la plus brillante. Aussitôt il se mit à tendre des pièges au sénat. Il fit décréter que chaque plébéien de la classe des pauvres recevrait, par mois, aux frais du trésor public, une mesure de froment, genre de libéralité jusqu'alors sans exemple ; et cet acte de son administration, dans lequel il fut secondé par Fulvius Flaccus, échauffa en sa faveur l'affection du peuple : en conséquence, il fut élu tribun une seconde fois ; car on avait déjà fait une loi portant que si l'un des tribuns avait besoin d'être réélu pour accomplir ce qu'il avait promis d'exécuter, dans l'intérêt des plébéiens, le peuple pourrait lui donner la préférence sur tous les autres concurrents.
 

     
Cicero, Sest., 48 ( Cabaret-Dupaty, Paris, 1919 ).
  

 
C. Gracchus voulait porter une loi pour la distribution du blé. Le peuple l'accueillait avec joie : des aliments lui étaient fournis en abondance sans aucun travail. Les gens de bien la rejetaient, parce qu'elle leur semblait à la fois épuiser le trésor, et inspirer au peuple le goût de l'oisiveté.
 

     
Cicero, Tusc., III, 20 ( Nisard, Paris, 1841 ).
  

 
Pison, surnommé l'honnête homme, s'était fortement opposé à la loi proposée par ce même Gracchus, pour distribuer du blé au peuple. Après qu'elle eut passé malgré lui, il ne laissa pas, quoiqu'il eût été consul, de se mêler avec le peuple, qui allait recevoir du blé des magasins publics. Gracchus l'ayant remarqué, et le voyant debout dans la foule, lui demanda tout haut comment il accordait cette démarche avec les obstacles qu'il avait apportés à cette loi ? Vraiment, lui répondit-il, j'empêcherai, tant que je pourrai, que tu ne fasses des libéralités de mon bien. Mais si tu parviens à en faire, j'en demanderai ma part comme un autre. Ce digne citoyen pouvait-il censurer plus clairement cette dissipation des finances ?
 

     
Livius, Per., LX ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
Le tribun du peuple, C. Gracchus, frère de Tibérius, et encore plus éloquent que lui, fait passer plusieurs lois pernicieuses ; une loi frumentaire entre autres, qui accordait aux plébéiens cinq sixièmes de mesure de blé ...
 

     
Plutarch, Gr( Latzarus, Paris, 1950 ).
  

 
26. Des lois qu'il (Caius Gracchus) proposa pour faire plaisir au peuple et affaiblir le Sénat, la première concernait l'établissement des colonies et attribuait aux pauvres les terres du domaine public. La deuxième, relative à l'armée, disposait que les soldats en campagne seraient habillés par l'État sans que leur solde fût diminuée pour cela, et qu'on n'enrôlerait pas d'hommes au-dessous de dix-sept ans. La troisième, sur les alliés, donnait aux Italiens le même droit de vote qu'aux citoyens romains. La quatrième, sur le ravitaillement, abaissait le prix des vivres pour les pauvres.
 

     
Velleius Paterculus, II, 6 ( Hainsselin & Watelet, Paris, 1932 ).
  

 
Dix ans après, la même démence qui avait saisi Tibérius Gracchus, s'empara de son frère Caïus. Par toutes ses vertus comme par cette marque de folie, Caïus ressemblait à son frère, mais par l'intelligence et l'éloquence, il lui était bien supérieur. Il pouvait sans le moindre effort obtenir le premier rang dans l'État. Cependant, soit pour venger la mort de son frère, soit pour s'assurer l'accès au pouvoir royal, il suivit son exemple en se faisant nommer tribun. Il reprit ses revendications, mais en leur donnant plus d'ampleur et de violence ; il accordait le droit de cité à tous les Italiens, l'étendait presque jusqu'aux Alpes, partageait les terres, interdisait à tout citoyen de posséder plus de cinq cents arpents, comme l'avait jadis défendu la loi Licinia, établissait de nouveaux droits de circulation, emplissait les provinces de colonies nouvelles, transférait le pouvoir judiciaire du sénat aux chevaliers, introduisait l'usage de distribuer du blé au peuple. Tout était changé, tout était bouleversé et agité, rien ne restait dans le même état. Bien plus, il se fit proroger une seconde année dans ses fonctions de tribun.