LOI RUPILIA
   
RÉFORMANT L'ORGANISATION JUDICIAIRE EN SICILE
  
( 132 av. J.-C. )
 

     
Cicero, Verr. II, 2 ( Nisard, Paris, 1840 ).
  

 
13. Voici le droit qui régit les Siciliens : Si deux citoyens de la même ville sont en procès, ils seront jugés suivant leurs lois ; si un Sicilien plaide contre un Sicilien qui ne soit pas de la même ville, le préteur, en vertu du décret de P. Rupilius, porté sur l'avis de dix députés, et appelé en Sicile loi Rupilia, tirera des juges au sort. Si un particulier fait une demande contre un peuple, ou un peuple contre un particulier, on choisira pour juge le sénat d'une autre cité, quand les sénats des deux villes intéressées auront été récusés. Si la demande est faite par un citoyen romain contre un Sicilien, on choisira pour juge un Sicilien ; et un Romain, si c'est un Sicilien qui attaque un citoyen romain : dans les autres affaires, on prend pour juges des citoyens romains établis dans le lieu même.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15. On assigne Héraclius. Tout le monde est surpris d'une accusation aussi odieuse. De tous ceux qui connaissaient Verrès, les uns soupçonnaient qu'il avait jeté les yeux sur la succession ; les autres en étaient persuadés. Cependant vient le jour où, d'après le règlement et la loi Rupilia, il devait tirer au sort les causes qu'on avait à juger ; il était venu tout préparé : Héraclius lui représente qu'il n'est pas encore temps de lui donner des juges ; qu'aux termes de la loi Rupilia on ne peut lui en donner que trente jours après la sommation : or, les trente jours n'étaient pas écoulés.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
16. ... Héraclius représentait, chose connue de tout le monde, que les Siciliens avaient une jurisprudence consacrée, d'après laquelle ils devaient vider entre eux leurs différends ; qu'il existait une loi Rupilia, donnée par P. Rupilius, en vertu d'un sénatus-consulte, sur l'avis de dix députés ; jurisprudence observée en Sicile par tous les consuls et les préteurs : Verrès déclara qu'il ne tirerait point les juges au sort, comme le voulait la loi Rupilia ; il en donna cinq, choisis à sa commodité.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
24. ... Verrès devait être irrité contre les Bidiens ; il avait découvert que, ne pouvant poursuivre Epicrate en justice, eût-il été présent, ils avaient essayé d'obtenir un décret à prix d'or ; cependant il ne se contenta pas n'adjuger aux Bidiens la succession échue à Épicrate ; mais, ainsi qu'il avait fait pour Héraclius, et plus injustement encore, puisqu'il n'y eut pas de sommation, il leur livra la fortune et le patrimoine d'un absent. Il déclara, ce qui était sans exemple, que si l'on faisait des réclamations contre un absent, il les accueillerait. Les Bidiens se présentent, ils réclament la succession. Les chargés d'affaires d'Épicrate demandent à Verrès de les renvoyer à leurs lois, ou d'instruire la cause d'après la loi Rupilia.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
37.  Il (Verrès) exhorte donc ces deux hommes à susciter à Sthénius quelque procès, à forger quelque chef d'accusation. Ceux-ci répondent qu'ils ne savent de quoi l'accuser. Il leur déclare que tout ce qu'ils voudront imputer à Sthénius trouvera créance à son tribunal. Ils n'attendent pas même au lendemain : dès le jour même, ils font assigner Sthénius, et l'accusent d'avoir falsifié les registres publics. Sthénius objecte que cette accusation de faux lui est intentée par deux de ses concitoyens, et que l'affairé doit être jugée par la loi du pays ; que le sénat et le peuple romain, pour prix de l'amitié et de la fidélité constante des Thermitains, leur ont rendu leur ville, leurs campagnes et leurs lois ; que, depuis, Publius Rupilius, d'après un sénatus-consulte et de l'avis de dix députés, a donné aux Siciliens des lois en vertu desquelles ils se jugeraient entre eux ; que Verrès lui-même dans son édit a confirmé ces décisions. Il demande, en conséquence, à être jugé d'après les lois siciliennes.
 

     
Valerius Maximus, VI, 9 ( Constant, Paris, 1935 ).
  

 
8. P. Rupilius n'eut pas en Sicile une fonction de receveur d'impôts ; il fut simplement aide des receveurs, se trouvant dans un dénuement extrême, il se mit aux gages des alliés pour subsister. Dans la suite, il fit des lois pour toute la Sicile et délivra ce pays de l'affreuse guerre des pirates et des esclaves fugitifs. Les ports mêmes de cette île, si l'on peut supposer quelques sentiments aux choses inanimées, durent sans doute être étonnés du si grand changement qui s'était fait dans la situation de cet homme. Celui qu'ils avaient connu salarié et payé à la journée, ils le virent donner des lois et commander les flottes et les armées. (An de R. 621.)