ROGATIO
PAPIRIA CONCERNANT LE RENOUVELLEMENT DES TRIBUNS PAR LE PEUPLE ( 131 av. J.-C. ) |
Livius, Per., LIX ( Nisard, Paris, 1864 ). |
Le
tribun du peuple Carbon présente une rogation pour permettre
au peuple de nommer le même tribun autant de fois qu'il voudra.
Scipion l'Africain s'élève contre cette proposition dans
un éloquent discours où il disait que la mort de Tib. Gracchus
était méritée. — Gracchus défend
la rogation, mais l'avis de Scipion prévaut. |
Cicero, De am., 25, 96 ( Appuhn, Paris, 1933 ). |
Avec
quel art de caresser les oreilles de la multitude Papirius a présenté
son projet de loi sur la réélection des tribuns !
J'ai parlé contre, mais peu importe, j'aime mieux rappeler ce
qu'a fait Scipion. Quelle force, dieux immortels, quelle autorité
souveraine dans sa parole ! Comme on sentait que le peuple romain
avait en lui un guide et non un courtisan ! Mais vous l'avez entendu
et son discours est dans toutes les mains. Une loi faite pour plaire
au peuple a été finalement repoussée par le suffrage
populaire. |
Cicero, De or., II, 40 ( Nisard, Paris, 1840 ). |
170. ... « Vous
avez beau, Carbon, avoir défendu Opimius, on ne vous en croira
pas pour cela meilleur citoyen. Vous feigniez alors ; vous étiez
guidé par quelque intérêt : nous n'en saurions
douter, puisque dans vos harangues vous avez souvent déploré
la mort de Tib. Gracchus ; puisque vous avez été
complice de celle de Scipion l'Africain ; puisque pendant votre
tribunat, vous avez porté la loi la plus séditieuse,
et que vous avez toujours été en opposition avec les bons
citoyens.» |
Valerius Maximus, VI, 2 ( Constant, Paris, 1935 ). |
3. Mais
quoi ! Cette liberté de langage laissa-t-elle le peuple
à l'abri de ses coups ? Bien s'en faut : elle dirigea
également ses attaques contre lui et elle le trouva aussi patient
à les endurer. C. Carbon, tribun du peuple, ce défenseur
si violent de la faction des Gracques qui venait d'être anéantie,
cet agitateur si ardent à exciter le feu naissant des guerres
civiles, alla au-devant de Scipion l'Africain qui revenait des ruines
de Numance dans tout l'éclat de la gloire ; il le prit presque
à l'entrée de la ville, le conduisit à la tribune
et lui demanda son sentiment sur la mort de Tib. Gracchus, dont
il avait épousé la soeur. Il voulait se servir de l'influence
d'un personnage si illustre pour donner un vaste accroissement à
l'incendie qui venait d'éclater, ne doutant point qu'une si étroite
alliance n'inspirât à l'Africain des paroles émouvantes
sur la mort d'un proche parent. Mais Scipion répondit que cette
mort lui paraissait juste. A ces mots l'assemblée, entraînée
par la passion du tribun, poussa de violentes clameurs. "Taisez-vous,
leur dit-il, vous dont l'Italie n'est point la mère." Il
s'éleva des murmures. "Vous avez beau faire, dit-il alors,
je ne craindrai jamais, devenus libres, ceux que j'ai amenés
ici enchaînés." Deux fois, le peuple entier fut outrageusement
réprimandé par un seul homme et aussitôt —
tant est grand le prestige de la vertu ! — il se tut.
Sa récente victoire sur Numance, celle de son père sur
la Macédoine, les dépouilles enlevées par son aïeul
sur Carthage abattue, deux rois, Syphax et Persée, marchant devant
son char triomphal avec des chaînes au cou, fermèrent la
bouche à tout le peuple assemblé. Et ce silence ne fut
pas l'effet de la crainte ; mais les services des familles Aemilia
et Cornélia avaient délivré Rome et l'Italie de
tant d'alarmes que le peuple romain, devant la parole si libre de Scipion,
ne se sentit plus libre. |
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