PROPOSITION DE LOI AGRAIRE
   
( 484 av. J.-C. )
 

     
Livius, II, 42 ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
1. Le courroux du peuple contre Cassius ne fut pas de longue durée, et la loi agraire, quand on en eut fait disparaître l'auteur, offrait par elle-même un grand charme à tous les esprits ; cette cupidité du peuple fut encore enflammée par l'avarice des patriciens, qui, après une victoire remportée cette année sur les Volsques et les Èques, frustrèrent le soldat du butin. 2. Tout ce qu'on avait pris sur l'ennemi fut vendu par le consul Fabius, et le prix en fut porté dans le trésor. La conduite du dernier consul avait rendu le nom de Fabius odieux au peuple. Cependant les patriciens parvinrent à faire nommer Caeso Fabius consul avec Lucius Aemilius ; 3. la fureur du peuple s'en accrut, et les troubles civils attirèrent une guerre étrangère ; et la guerre, à son tour, suspendit les troubles civils. Les patriciens et le peuple, d'un mouvement unanime, marchèrent contre les Volsques et les Èques qui avaient repris les armes, et, sous les ordres d'Aemilius, remportèrent une grande victoire. 4. Toutefois la déroute coûta la vie à plus d'ennemis que le combat, tant les cavaliers s'acharnèrent à la poursuite des fuyards. 5. Cette même année, aux ides de Quinctilis, eut lieu la dédicace du temple de Castor. C'était un vœu que le dictateur Postumius avait fait dans la guerre contre les Latins ; son fils, nommé duumvir à cet effet, présida à la cérémonie. 6. L'appât de la loi fut encore mis en avant cette année pour séduire les esprits du peuple. Les tribuns relevaient l'importance de leur populaire magistrature par cette loi populaire. Les patriciens, jugeant que la multitude n'était par elle-même que trop portée à la violence, redoutaient ces largesses comme autant d'encouragements à l'audace. Ils trouvèrent dans les deux consuls des chefs qui dirigèrent la résistance avec vigueur. 7. Cet ordre l'emporta donc cette année et assura sa victoire pour l'année suivante, en donnant le consulat à Marcus Fabius, frère de Caeso, et à Lucius Valérius, encore plus odieux aux plébéiens, pour avoir accusé Spurius Cassius. 8. La lutte continua cette année contre les tribuns. La loi fut présentée vainement, et ses défenseurs virent s'émousser dans leurs mains cette arme vaine.