ACTES DU DIVIN AUGUSTE
  
Monument d'Ancyre
  
( 13-14 apr. J.-C. )
 

 
( Trad. A. Canu in 
Noctes Gallicanae ).
  

 
Actes du divin Auguste, grâce auxquels il a soumis la terre entière au pouvoir du peuple romain, et dépenses qu’il a effectuées dans l’intérêt de l’état et du peuple romain, tels qu’ils sont gravés sur deux colonnes de bronze : copie ci-dessous.
 


Table I  :  Guerres civiles, carrière politique
 

 
1. Agé de dix-neuf ans, j’ai levé une armée de mon propre chef et à mes propres frais, grâce à laquelle j’ai rendu sa liberté à l’État qui était écrasé par la domination d’un parti. Ce pour quoi le sénat par des décrets honorifiques m’a admis en son sein sous le consulat de Gaius Pansa et d’Aulus Hirtius, me donnant en même temps rang de consul dans l’ordre des prises de parole. Il m’a donné aussi le pouvoir des magistrats supérieurs. Ayant voté le décret déclarant la patrie en danger, il m’a ordonné de veiller à son application avec rang de propréteur en collaboration avec les consuls. Mais le peuple romain, cette même année, m’a élu d’abord consul, à la suite de la disparition à la guerre des deux consuls en exercice, puis triumvir chargé de réformer les institutions de l’État.
 
2. Ceux qui ont tué mon père, je les ai condamnés à l’exil selon une procédure légale pour les punir de leur crime, et quand plus tard ils ont porté les armes contre l’état, je les ai par deux fois vaincus au combat.
 
3. J’ai souvent conduit des guerres sur terre et sur mer, guerres civiles et guerres étrangères, et après la victoire, j’ai épargné tous les citoyens qui demandaient leur pardon. Quant aux nations étrangères, celles auxquelles la clémence pouvait être accordée sans risque, j’ai préféré les sauver à les détruire. Sous mes ordres, liés par le serment militaire, se sont trouvés cinquante mille citoyens romains. Sur ce nombre, j’en ai installé dans des colonies ou renvoyé dans leurs municipes à la fin de leur temps de service un peu plus de trente mille. A tous j’ai attribué des terres ou j’ai donné une somme d’argent en récompense des services accomplis. J’ai pris six cents navires, sans compter ceux étaient plus petits que les trirèmes.
 
4. J’ai reçu deux fois l’honneur d’une ovation et j’ai conduit à trois reprises des triomphes curules, j’ai été vingt et une fois acclamé « imperator ». Le sénat m’ayant accordé d’autres triomphes, je ne les ai pas célébrés. J’ai consacré au Capitole le laurier de mes faisceaux pour marquer que les vœux que j’avais formulés à l’occasion de chaque guerre s’étaient réalisés. Pour les campagnes terrestres et navales entreprises sous mes auspices par moi-même ou mes officiers, campagnes couronnées de succès, le sénat a décrété cinquante-cinq fois des actions de grâces envers les dieux immortels. Quant aux jours pendant lesquels ces actions de grâce ont été célébrées, ils sont au nombre de 890. Au cours de mes triomphes, ont défilé devant mon char neuf rois ou enfants de rois. J’ai exercé treize fois le consulat au moment où j’écris ces lignes, et j’étais dans ma trente-septième année de puissance tribunicienne.
 
5. Je n’ai pas accepté la dictature que, sous le consulat de M. Marcellus et L. Arruntius ( 22 av. J.-C. ), en mon absence ( de Rome ) puis en ma présence, me donnaient le peuple et le sénat. Je n’ai pas refusé, au moment d’une extrême pénurie de blé, la responsabilité de l’Approvisionnement en céréales, que j’ai gérée de telle sorte qu’en quelques jours j’ai délivré la totalité des citoyens de la crainte et du danger qui les menaçaient, en gérant la crise avec mes fonds personnels. Je n’ai pas accepté le consulat pour l’année et à vie qui me fut alors voté.
 
6. Sous les consulats de M. Vinicius et de Q. Lucretius ( 19 av. J.-C. ) puis de P. Lentulus et Cn. Lentulus ( 18 av. J.-C. ) et une troisième fois sous le consulats de Paullus Fabius Maximus et de Q. Tubero ( 11 av. J.-C. ), à la demande conjointe du sénat et du peuple romain pour que je sois nommé, sans collègue et avec les pouvoirs les plus étendus, commissaire aux Lois et aux Mœurs ( praefectus moribus ), je n’ai consenti à exercer aucune magistrature contraire à notre tradition nationale. Comme le sénat voulait cette fois que je prenne en charge personnellement ces problèmes, je les ai traités dans le cadre de ma puissance tribunicienne. Et pour exercer cette fonction, j’ai demandé moi-même au sénat et j’ai obtenu que me soit adjoint un collègue.
 
7. J’ai été triumvir chargé de réformer les institutions de l’état pendant dix années consécutives. Au jour où j’écris ces lignes, j’ai été le Premier des sénateurs pendant quarante ans. J’ai été Grand pontife, augure, membre de la Commission des Quinze en charge des affaires religieuses, membre de la Commission des Sept en charge des banquets sacrés, frère Arvale, Compagnon Titius, fécial.
 


Table II  :  Carrière politique et honneurs
 

 
8. Consul pour la cinquième fois, j’ai augmenté, sur ordre du peuple et du sénat, le nombre des patriciens. J’ai révisé trois fois la liste des sénateurs. Et pendant mon sixième consulat, j’ai mené le recensement des citoyens romains avec mon collègue M. Agrippa ( 28 av. J.-C. ). J’ai procédé à ce lustre pour la première fois depuis quarante et un ans. Lors de ce lustre, on a recensé quatre millions soixante-trois mille citoyens romains. Ensuite, une deuxième fois, disposant des pleins pouvoirs proconsulaires, j’ai procédé au lustre sans collègue, sous le consulat de C. Censorinus et de C. Asinius ( 8 av. J.-C. ). Lors de ce lustre, on a recensé quatre millions deux cent trente-trois mille citoyens romains. Enfin, une troisième fois, disposant des pleins pouvoirs proconsulaires, j’ai procédé au lustre avec pour collègue mon fils Tibère César, sous le consulat de Sex. Pompeius et de Sex. Appuleius ( 14 av. J.-C. ). Lors de ce lustre, on a recensé quatre millions neuf cent trente-sept mille citoyens romains. Par de nouvelles lois qui ont été votées à mon initiative, j’ai fait revivre de nombreuses traditions de nos ancêtres qui étaient en train de tomber en désuétude et j’ai moi-même transmis à la postérité des exemples à suivre en de nombreux domaines.
 
9. Le sénat a décrété que tous les quatre ans seraient célébrés par les consuls et les prêtres des vœux publics pour ma santé. En raison de ces vœux, des jeux ont été donnés de mon vivant tantôt par les quatre principaux collèges de prêtres, tantôt par les consuls. A titre privé également, ou au nom des municipes, tous les citoyens unanimes ont offert sans discontinuer des sacrifices pour ma santé auprès de tous les lits des dieux.
 
10. Mon nom a été introduit, par décision du sénat, dans l’hymne des Saliens et il a été déclaré solennellement par la loi que ma personne serait définitivement inviolable et que j’aurais à vie la puissance tribunicienne. J’ai refusé de devenir Grand Pontife en prenant, de son vivant, la place d’un collègue, alors que le peuple me décernait ce sacerdoce que mon père avait exercé. J’ai accepté ce sacerdoce quelques années après, à la mort de celui qui s’en était emparé à l’occasion des troubles civils. Venue de toute l’Italie, la multitude qui s’est assemblée sous le consulat de P. Sulpicius et de C. Valgius pour mon élection ( au consulat ) a dépassé en importance tout ce que Rome avait enregistré jusque là.
 
11. En l’honneur de mon retour, le sénat consacra un Autel à la Fortune Revenue devant le temple de l’Honneur et de la Vertu près de la porte Capène ; il décréta que sur cet autel les pontifes et les Vierges vestales procéderaient à un sacrifice anniversaire du jour où, sous le consulat de Q. Lucretius et de M. Vinicius je suis revenu de Syrie à Rome. Il appela ce jour « les Augustales » d’après notre titre.
 
12. Par décret du sénat, en cette occasion, une délégation de préteurs et de tribuns de la plèbe, accompagnée du consul Q. Lucretius et d’hommes éminents a été envoyée à ma rencontre en Campanie, honneur qui à ce jour n’a été décrété pour personne d’autre que moi. Lorsque je suis revenu d’Espagne et de Gaule après avoir heureusement réglé les affaires dans ces provinces, sous le consulat de Ti. Nero et de P. Quintilius, le sénat décida en l’honneur de mon retour de consacrer un autel à la Paix Auguste près du Champ de Mars, autel sur lequel il décréta que les magistrats, les prêtres et les Vierges vestales procéderaient à un sacrifice anniversaire.
 
13. Nos ancêtres avaient voulu que l’arc de Janus Quirinus soit fermé lorsque sur toute l’étendue de l’empire romain, sur terre et sur mer, régnerait une paix obtenue par des victoires ; alors qu’avant ma naissance, selon la tradition, il n’avait été fermé en tout et pour tout que deux fois, par trois fois le sénat, sous ma présidence, a décidé qu’il fallait le fermer.
 
14. Mes fils, que la Fortune m’ a enlevés dans leur jeunesse, les Césars Gaius et Lucius,
 

 
Table III  :  Largesses
 

 
pour me faire honneur, le sénat et le peuple romain les désigna pour le consulat dans leur quinzième année, étant entendu qu’ils devaient exercer cette magistrature après un délai de cinq ans. Et à partir du jour où ils ont été présentés au forum, le sénat a décrété qu’ils prendraient part aux réunions officielles. De leur côté les chevaliers romains à l’unanimité leur ont décerné à tous les deux le titre de « président de la Jeunesse », et leur a offert à chacun un bouclier rond et une lance d’argent.
 
15. J’ai fait verser aux citoyens de la plèbe trois cents sesterces par homme en exécution du testament de mon père. En mon nom propre, je leur ai donné lors de mon cinquième consulat quatre cents sesterces sur les prises de guerre. Pendant mon dixième consulat j’ai donné, sur mes domaines personnels, l’équivalent de quatre cents sesterces en biens de consommation par homme. Pendant mon onzième consulat, j’ai fait procéder à douze distributions de blé, blé que j’avais acheté à titre privé. Revêtu de ma dix-huitième puissance tribunicienne, j’ai donné pour le troisième fois quatre cents sesterces par homme. Ces distributions que j’ai faites n’ont jamais touché moins de deux cent cinquante mille hommes. Lors de ma dix-huitième puissance tribunicienne, sous mon treizième consulat, j’ai donné soixante deniers chacun à trois cent vingt mille citoyens de la plèbe. Dans les colonies où j’avais établi mes soldats, j’ai donné sous mon cinquième consulat mille sesterces par homme de chaque colonie sur les prises de guerre. Cette prime pour mon triomphe, ce sont environ cent vingt mille hommes établis dans les colonies qui l’ont touchée. Lors de mon treizième consulat, j’ai donné soixante deniers à la plèbe qui bénéficiait en même temps de distributions de blé public ; ceci représente un peu plus de deux cent mille personnes.
 
16. J’ai versé de l’argent aux municipes pour les terres que, sous mon quatrième consulat et ensuite sous le consulat de M. Crassus et de Cn. Lentulus l’augure, j’ai fait distribuer à mes soldats. Cette somme que j’ai payée pour les propriétés italiennes, se montait à environ six cent millions de sesterces. Et à environ deux cent soixante millions celle que j’ai versée pour les terres des provinces. Cela, je suis le premier et le seul de tous ceux qui ont créé des colonies de soldats en Italie ou dans les provinces à l’avoir fait, y compris les gens de ma génération. Et ensuite, sous le consulat de Ti. Néron et de Cn. Pison, puis sous le consulat de C. Antistius et D. Laelius, de C. Calvisius et L. Pasienus, de L. Le[nt]ulus et M. Messalla et de L. Caninius et Q. Fabricius, aux soldats que j’avais installés dans leur municipe d’origine à la fin de leur service, j’ai payé en totalité et comptant leurs primes. Dans cette opération, j’ai dépensé environ quatre cent millions de sesterces.
 
17. Quatre fois j’ai aidé de mon argent le trésor public, apportant ainsi cent cinquante millions de sesterces à ceux qui avaient la charge du trésor public. Sous le consulat de M. Lepidus et L. Arruntius ( 6 ap. J.-C. ), j’ai apporté sur mon patrimoine personnel cent soixante-dix millions de sesterces au trésor militaire, qui a été créé à mon initiative pour servir à donner les primes ( de démobilisation ) aux soldats qui ont servi vingt ans et plus.
 
18. Depuis l’année où furent consuls Cn. et P. Lentulus, lorsque les impôts ne suffisaient pas, j’ai fait procéder sur ma cassette et sur mon patrimoine à des distributions de blé et de monnaie, tantôt à cent mille hommes, tantôt à davantage encore.
 


Table IV
 

 
19. J’ai fait construire la curie et le chalcidicum attenant, le temple d’Apollon et ses portiques sur le Palatin, le temple du divin Jules, le Lupercal, le portique qui borde le cirque Flaminius en acceptant qu’il soit appelé Octavien, du nom de celui qui avait fait construire le précédent portique au même endroit, la loge impériale au cirque Maxime, au Capitole les temples de Jupiter Férétrien et de Jupiter Tonnant, le temple de Quirinus, les temples de Minerve, de Junon Reine et de Jupiter Liberté sur l’Aventin, le temple des Lares en haut de la voie Sacrée, le temple des dieux Pénates sur la Velia, le temple de la Jeunesse et le temple de la Grande Mère sur le Palatin.
 
20. J’ai fait reconstruire le Capitole et le théâtre de Pompée, à grands frais dans les deux cas, sans du tout faire mentionner mon nom sur ces deux édifices. J’ai fait reconstruire les canaux des aqueducs qui en de nombreux endroits menaçaient ruine du fait de leur vétusté. J’ai doublé le débit de l’aqueduc dit Marcia en alimentant son canal d’une nouvelle source. J’ai achevé le forum Julien et la basilique qui se trouvait entre le temple de Castor et le temple de Saturne, travaux commencés et avancés par mon père ; cette même basilique ayant été détruite par un incendie, j’en ai entrepris la reconstruction en agrandissant sa surface au sol au nom de mes fils et, si cette reconstruction n’est pas achevée de mon vivant, je veux qu’elle le soit par mes héritiers. Durant mon sixième consulat, conformément à la décision du sénat, j’ai fait restaurer quatre-vingt-deux temples des dieux, soit tous ceux qui à cette date devaient être restaurés. Durant mon septième consulat, j’ai fait refaire la voie Flaminienne de Rome à Ariminum, y compris tous les ponts, sauf le pont Mulvius et le pont Minucius.
 
21. Sur un terrain qui m’appartenait, j’ai fait construire le temple de Mars Vengeur et le forum d’Auguste avec les prises de guerre. J’ai fait construire près du temple d’Apollon sur un terrain en grande partie acheté à des propriétaires privés le théâtre qui devait porter le nom de mon gendre M. Marcellus. J’ai consacré sur les prises de guerre des offrandes sur le Capitole, dans le temple du divin Jules, dans le temple d’Apollon, dans le temple de Vesta, dans le temple de Mars Vengeur, offrandes qui m’ont coûté environ cent millions de sesterces. J’ai renvoyé la contribution de trente-cinq mille livres d’or coronaire des municipes et colonies d’Italie pour mes triomphes et par la suite, chaque fois que j’ai été salué imperator, j’ai refusé l’or coronaire que votaient les municipes et les colonies dans le même élan de générosité que pour leur vote précédent.
 
22. J’ai donné des spectacles de gladiateurs trois fois en mon propre nom et cinq fois au nom  de mes fils et de mes petits-fils. Dans ces spectacles ont combattu environ dix mille hommes. J’ai présenté des compétitions d’athlètes venus du monde entier deux fois en mon propre nom et trois fois au nom de mon petit-fils. J’ai organisé des jeux ( courses de chevaux ) en mon propre nom quatre fois, mais au nom d’autres magistrats vingt-trois fois. Au nom du collège des quindecemvirs, comme maître de ce collège avec pour collègue Agrippa, j’ai organisé les jeux séculaires sous le consulat de Gaius Furnius et de Gaius Silanus. Consul pour la treizième fois, j’ai organisé le premier les jeux de Mars que par la suite les consuls ont été chargés par décret du sénat d’organiser avec moi. J’ai donné au peuple des chasses aux bêtes africaines en mon nom ou au nom de mes fils et petits-fils, au cirque ou au forum ou dans les amphithéâtres vingt-six fois, environ trois mille cinq cents bêtes y furent tuées.
 
23. J’ai donné au peuple le spectacle d’un combat naval de l’autre côté du Tibre, à l’endroit où se trouve maintenant le bois sacré des Césars. Le sol avait été creusé sur une longueur de mille huit cents pieds ( 530 m ) et sur une largeur de mille deux cents ( 353 m ). Dans ce bassin, trente navires à éperon, trirèmes ou birèmes, et davantage encore de plus petits s’affrontèrent. Dans ces flottes combattirent outre les rameurs environ trois mille hommes.
 
24. J’ai fait replacer après ma victoire dans les temples de toutes les cité de la province d’Asie les ornements qu’avait détournés pour son usage privé celui à qui j’avais fait la guerre. Des statues d’argent à mon effigie, statues en pied, équestres ou sur un quadrige, il s’en est élevé à Rome environ quatre-vingts ; je les ai fait moi-même retirer et avec le montant de la vente, j’ai fait déposer des offrandes en or dans le temple d’Apollon, en mon nom et au nom de ceux qui avaient fait ériger les statues en mon honneur.
 

 
Table V
 

 
25. J’ai purgé la mer des pirates. A l’occasion de cette guerre, j’ai fait prisonniers et remis à leurs maîtres pour qu’ils les livrent au supplice environ trente mille esclaves qui s’étaient enfuis de chez leurs maîtres et avaient pris les armes contre le gouvernement légal. Toute l’Italie m’a spontanément prêté serment d’allégeance et m’a demandé de la diriger dans la guerre que j’ai gagnée à Actium. M’ont prêté le même serment d’allégeance les provinces des Gaules, des Espagnes, d’Afrique, de Sicile et de Sardaigne. Parmi ceux qui ont combattu alors sous mes enseignes, il y avait plus plus de 700 sénateurs, et parmi ceux-ci, 83 ont été consuls avant ou après ces événements ( au jour où ces lignes sont écrites ), 170 environ sont devenus prêtres.
 
26. J’ai repoussé les limites de toutes les provinces du peuple romain dont les nations voisines n’étaient pas soumises à notre pouvoir. J’ai pacifié les provinces des Gaules et des Espagnes, ainsi que de Germanie, celles que borde l’Océan, de Gadès à l’embouchure de l’Elbe. J’ai fait ramener la paix dans les Alpes, de la région qui est proche de la mer Adriatique à la mer Tyrrhénienne, sans faire subir à aucun peuple une guerre injuste. Ma flotte a navigué vers l’est sur l’Océan de l’embouchure du Rhin jusqu’au pays des Cimbres, pays où aucun Romain n’était allé auparavant ni par terre ni par mer. Les Cimbres, les Charydes, les Semnons et d’autres peuples Germains de la même région m’ont fait demander par des ambassades mon amitié et celle du peuple romain. Sur mon ordre et sous mes auspices, deux armées ont été conduites à peu près à la même époque en Éthiopie et dans cette Arabie que l’on appelle Heureuse, et des forces très importantes de ces deux nations ont été taillées en pièces au combat et de très nombreuses places fortes ont été prises. On est parvenu en Éthiopie jusqu’à la ville forte de Nabata qui est proche de Méroé. En Arabie, l’armée s’est avancée jusqu’au pays des Sabéens à la ville forte de Mariba.
 
27. J’ai ajouté l’Égypte à l’Empire du peuple romain. Après l’assassinat de son roi Artaxès, j’aurais pu faire de la Grande Arménie une province, j’ai préféré, suivant l’exemple de nos ancêtres, faire remettre ce trône à Tigrane, fils du roi Artavasdès et donc petit-fils du roi Tigrane, par Tibère Néron qui était alors mon beau-fils. Lorsque par la suite ce même peuple s’est détaché de notre influence et est entré en rébellion, je l’ai fait soumettre par mon fils Gaius et je l’ai placé sous l’autorité du roi Ariobarzane, fils d’Artabaze, le roi des Mèdes, et après sa mort sous l’autorité de son fils Artavastès. Celui-ci ayant été assassiné, j’ai envoyé dans ce royaume Tigrane qui était issu de la lignée royale d’Arménie. J’ai réintégré à l’empire toutes les provinces orientales depuis l’Adriatique et les provinces de Cyrène qui se trouvaient alors en grande partie soumises à des rois, et un peu plus tôt les provinces de Sicile et de Sardaigne qui avaient été occupées pendant la guerre civile.
 
28. J’ai établi des colonies de vétérans en Afrique, Sicile, Macédoine, dans les deux Espagnes, en Achaïe, en Asie, en Syrie, en Gaule Narbonnaise, en Pisidie. De plus, en Italie se trouvent 28 colonies fondées sous mes auspices qui sont devenues de mon vivant très réputées et très peuplées.
 
29. J’ai repris après avoir vaincu les ennemis de nombreuses enseignes militaires perdues sous d’autres chefs et je les ai rapportées d’Espagne, de Gaule et de chez les Dalmates. J’ai forcé les Parthes à me rendre les dépouilles et les enseignes de trois armées romaines et je les ai réduits à demander l’amitié du peuple romain. Ces enseignes, je les ai fait déposer dans le sanctuaire intérieur qui se trouve dans le temple de Mars Vengeur.
 
30. J’ai soumis au pouvoir du peuple romain les nations de Pannonie, vaincues par Tiberius Néron qui était alors mon beau-fils et mon représentant. Aucune armée du peuple romain ne les avait approchées avant que je ne sois Président du sénat. J’ai repoussé les frontières de l’Illycicum à la rive du Danube. Comme une armée des Daces avait traversé le fleuve et abordé sur notre rive, elle a été, sous mes auspices, vaincue et détruite et, par la suite, mon armée conduite sur l’autre rive du Danube a forcé les peuples daces à se plier aux ordres du peuple romain.
 
31. Venues de l’Inde, des délégations royales m’ont été envoyées à plusieurs reprises, ce que l’on n’avait jamais vu avant notre époque auprès d’aucun chef militaire romain. Notre amitié a été demandée par des ambassades des rois des Bastarnes, des Scythes et des Sarmates qui vivent en-deçà et au-delà du fleuve Tanais ( le Don ), par le roi des Albanes, le roi des Hibères et le roi des Mèdes.
 


Table VI
 

 
32. En position de suppliants se réfugièrent auprès de moi les rois des Parthes Tiridatès et plus tard Phraatès, fils de Phraatès, le roi des Mèdes Artavasdès, le roi des Adiabènes Artaxarès, les rois des Bretons Dumnobellaunos et Tincommios, le roi des Sicambres Maelo, le roi des Marcomans et des Suèves Segimère ( ? ). Auprès de moi, le roi des Parthes Phraatès, fils d’Orodès, envoya en Italie tous ses fils et petits-fils, non parce qu’il avait eu le dessous à la guerre, mais pour prouver en donnant en otages ses propres enfants qu’il recherchait notre amitié. De très nombreuses autres nations firent l’expérience de la bonne foi du peuple romain sous ma présidence du sénat, nations qui n’avaient pas eu auparavant d’échange d’ambassades ou de lien d’amitié avec le peuple romain.
 
33. Les nations des Parthes et des Mèdes reçurent de moi, pour rois , à leur demande et par le biais d’ambassadeurs, des hommes éminents de leurs nations respectives : pour les Parthes Voronès, fils du roi Phraatès, petit-fils du roi Orodès ; pour les Mèdes Ariobarzanès, fils du roi Artavazdès, petit-fils du roi Ariobarzanès.
 
34. Durant mes sixième et septième consulats, après avoir éteint les guerres civiles, lorsque j’ai reçu du consentement de tous la direction des affaires publiques, le gouvernement de l’état a été de mon fait transféré de ma propre puissance au pouvoir du sénat et du peuple romain. Pour marquer sa reconnaissance envers moi, le sénat me décerna par décret le titre d’Augustus, les montants de la porte de ma maison furent habillés de lauriers par décision officielle et une couronne civique fut accrochée au-dessus de ma porte. Un bouclier d’or fut placé dans la Curia Julia ; le sénat et le peuple romain me l’ont donné « en raison de mon courage, de ma clémence, de ma justice et de ma piété », c’est ce qu’atteste l’inscription de ce bouclier. Par la suite, malgré ma prééminence sur tous, je n’ai eu aucun pouvoir supérieur à celui de mes collègues qui ont exercé les mêmes magistratures que moi.
 
35. Pendant j’exerçais mon treizième consulat, le sénat, ainsi que l’ordre équestre et le peuple romain tout entier, me décerna le titre de « Père de la patrie » et décréta que ce titre serait inscrit dans le vestibule de ma maison, dans la Curia Julia et au forum, sous les quadriges qui ont été élevés en mon honneur par décision du sénat. Écrit de ma main au cours de ma soixante-seizième année.
 


 
►  Sources : trois copies découvertes en Asie Mineure et une en Syrie.
 

 

 
Le Mausolée d'Auguste où était exposé son testament politique.