LOIS
PUBLILIAE PHILONIS SUR LES PLÉBISCITES ( 339 av. J.-C. ) |
Livius, VIII, 12 ( Corpet-Verger & Pessonneaux, Paris, 1904 ). |
La
guerre ainsi achevée, la part ainsi faite à chacun de
peine ou de récompense selon son mérite, T. Manlius
revint à Rome. Au devant de lui les vieillards seuls s'avancèrent ;
il est constant que la jeunesse l'eut toujours, et dès lors,
et toute la vie, en horreur et en exécration. Les Antiates firent
des incursions sur les terres d'Ostie, d'Ardée et de Solone.
Le consul Manlius, malade et hors d'état de conduire cette guerre,
nomma un dictateur, L. Papirius Crassus, qui d'aventure était
préteur alors : celui-ci nomma L. Papirius Cursor
maître de la cavalerie. Le dictateur ne fit rien de mémorable
contre les Antiates : seulement il occupa le territoire d'Antium
et y demeura campé quelques mois. A cette année marquée
par des victoires sur tant et de si puissants peuples, et par le glorieux
trépas de l'un des consuls, et par l'arrêt cruel dont l'autre
illustra sa mémoire, succédèrent les consuls Ti. Émilius
Mamercinus et Q. Publilius Philon : ceux-là n'ont
point eu pareille matière de gloire ; ils ont plus songé
à leur intérêt et à leur parti dans la république,
qu'à la patrie elle-même. Les Latins, par dépit
de la perte de leur territoire, avaient repris les armes : ils
les battirent dans les plaines de Fénectum et les dépouillèrent
de leur camp. Là, pendant que Publilius (c'était sous
ses ordres et ses auspices que le combat avait eu lieu) recevait la
soumission des peuples latins, dont la jeunesse avait été
massacrée dans cette journée, Émilius mena l'armée
à Pédum. Pédum était soutenu par les Tiburtes,
les Prénestins, les Véliternes : il était
venu aussi des secours de Lanuvium et d'Antium. Dans les combats le
Romain fut vainqueur ; mais la ville, mais Pédum, mais le
camp des peuples alliés qui tenait à la ville, étaient
debout encore, et l'œuvre sur ce point-là restait entière,
quand soudain le consul apprend le triomphe décerné à
son collègue : il laisse la guerre inachevée, et,
sollicitant le triomphe, même avant la victoire, il revient aussi
à Rome. Indignés de cet avide empressement, les sénateurs
lui refusent le triomphe jusqu'à la prise ou la reddition de
Pédum. Dès lors, Émilius rompit avec le sénat,
et fit une espèce de tribunat séditieux du reste de son
consulat. En effet, tant qu'il fut consul, il ne cessa de décrier
les patriciens auprès du peuple, sans la moindre opposition de
son collègue, plébéien lui-même. Ce qui donnait
matière à ses accusations c'était la parcimonie
avec laquelle on avait partagé au peuple les terres du Latium
et de Falerne. Puis, quand le sénat enfin, impatient d'abréger
le temps de leur magistrature, eut ordonné aux consuls d'élire
un dictateur pour combattre les Latins révoltés, Émilius,
qui avait alors les faisceaux, nomma dictateur son collègue,
qui lui-même nomma Junius Brutus maître de la cavalerie.
Cette dictature servit la cause populaire, et par ses harangues accusatrices
contre les patriciens, et par l'établissement de trois lois bien
favorables au peuple et contraires à la noblesse : 1) les
plébiscites obligeraient tous les citoyens romains ; 2) les
lois portées aux comices par centuries seraient, avant l'appel
aux suffrages, ratifiées par le sénat ; 3) enfin,
un des censeurs serait choisi parmi le peuple, déjà maître
du droit de nommer deux consuls plébéiens. Ainsi, consuls
et dictateur furent cette année plus funestes à Rome,
que leur victoire et leurs actions guerrières n'avaient au dehors
été profitables à son empire : c'était
l'opinion du sénat. |
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