LOI
MANILIA PRESCRIVANT DE RÉPARTIR LES AFFRANCHIS DANS TOUTES LES TRIBUS ( 67 av. J.-C. ) |
Dion Cassius, XXXVI ( Gros, Paris, 1845-70 ). |
40. Roscius
proposa une nouvelle loi : C. Manilius, qui était aussi
tribun du peuple, en proposa une autre. Le premier demanda qu'au théâtre
les places des chevaliers fussent séparées de celles des
autres citoyens, et cette proposition lui valut des éloges :
peu s'en fallut, au contraire, que Manilius ne fût puni pour la
sienne. Le dernier jour de l'année, vers le soir, à la
tète de quelques hommes du peuple qu'il avait disposés
pour un coup de main, il proposa de conférer aux affranchis le
droit de voter comme ceux qui leur avaient donné la liberté.
Le lendemain (c'était le premier jour du mois dans lequel L. Tullius
et Aemilius Lépidus prirent possession du consulat), le sénat,
instruit de cette proposition, la rejeta sur-le-champ : l'indignation
de la multitude était montée à son comble. Manilius,
qui en fut effrayé, attribua d'abord à Crassus et à
quelques autres la pensée de cette loi ; mais comme personne
ne le crut, il chercha, malgré une vive répugnance, à
flatter Pompée et prit surtout ce parti, parce qu'il savait que
Gabinius avait beaucoup de crédit auprès de lui. Il lui
fit donc confier la guerre contre Tigrane et contre Mithridate, avec
le gouvernement de la Bithynie et de la Cilicie. 41. Alors le mécontentement et l'opposition des Grands éclatèrent encore pour diverses causes ; mais principalement parce que Marcius et Acilius furent déposés avant d'être parvenus au terme de leur charge. Le peuple avait envoyé, peu de temps auparavant, des commissaires pour régler les affaires dans les pays conquis (la guerre paraissait finie d'après ce que Lucullus avait écrit) ; mais il n'en approuva pas moins la loi Manilia, à l'instigation de César et de M. Cicéron, qui soutinrent cette loi, non qu'ils la crussent avantageuse pour l'État, ou qu'ils voulussent complaire à Pompée, mais parce qu'ils voyaient qu'elle serait inévitablement adoptée. César voulait tout à la fois flatter le peuple, qui lui paraissait beaucoup plus puissant que le sénat, et se frayer la voie pour obtenir, un jour, un semblable décret en sa faveur. Il cherchait eu même temps à exciter encore davantage la jalousie et la haine contre Pompée, par les honneurs qui lui seraient conférés ; afin que le peuple se dégoûtât plus promptement de lui. Quant à Cicéron, il aspirait à gouverner l'État et voulait montrer au peuple et aux Grands qu'il accroîtrait considérablement la force du parti qu'il aurait embrassé. Il favorisait donc tantôt les uns, tantôt les autres, pour être recherché par les deux partis : ainsi, après avoir fait cause commune avec les Grands et préféré, par suite de cette résolution, l'édilité au tribunat, il se déclara alors pour la lie du peuple. |
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