| LOI LICINIA INTERDISANT LES « SODALITATES » ( ASSOCIATIONS À BUT ÉLECTORAL ) ( 55 av. J.-C. ) | 
| Cicero, Planc. ( Nisard, Paris, 1840 ). | 
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          15. (36) Mais 
          venons enfin au fond de la cause : sous le nom de la loi Licinia, 
          portée contre le crime de cabale, vous avez embrassé toutes 
          les lois sur la brigue. Votre but unique, en recourant à cette 
          loi, était de pouvoir nommer vous-mème des juges. 
          Si cette forme de jugement est légitime dans quelque accusation 
          autre que celle de cabale, je ne vois point pourquoi le sénat 
          a voulu que l'accusateur n'eût la liberté de nommer des 
          juges que dans cette unique circonstance ; pourquoi il n'a point 
          transporté ce privilège aux autres causes de brigue ; 
          pourquoi enfin, dans le crime de brigue en général, il 
          a permis à l'accusé et à l'accusateur de récuser 
          des juges, épuisant toutes les rigueurs, et n'omettant que celle 
          dont je parle ? (37) La raison en 
          est-elle obscure ? Hortensius ne l'a-t-il pas agitée dans 
          le sénat lorsqu'on y traitait cette affaire? et hier encore ne 
          l'a-t-il pas discutée amplement ? Le sénat fut alors 
          de son avis. Nous avons donc présumé qu'un citoyen qui 
          avait corrompu une tribu par des cabales et de honteuses largesses, 
          était connu surtout des citoyens de cette tribu. Le sénat 
          a donc pensé qu'en nommant à l'accusé des juges 
          tirés de la tribu qu'il se serait attachée par des largesses, 
          il aurait dans les mêmes hommes des juges et des témoins. 
          Cette forme de jugement est des plus rigoureuses ; mais enfin, 
          si l'on nommait à l'accusé des juges de sa tribu, ou de 
          celle qui aurait le plus de liaisons avec lui, il ne pourrait guère 
          s'y refuser. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . | 
| 18. (44) Je 
          ne vous blâme pas de n'avoir point choisi les tribus où 
          il était le plus connu ; mais je dis que vous n'avez pas 
          suivi l'intention du sénat. Eh ! qui d'entre les juges vous 
          écouterait alors ? ou plutôt que diriez-vous ? 
          Que Plancius est un suborneur ? les oreilles seraient offensées ; 
          nul ne voudrait croire cette imputation ; tous la rejetteraient. 
          Qu'il a eu du crédit dans les tribus ? on vous écouterait 
          volontiers, et nous-mêmes en ferions hautement l'aveu. Car, ne 
          pensez pas, Latérensis, que le sénat, par les lois qu'il 
          a portées contre la brigue, ait voulu nous ôter tout moyen 
          d'être en crédit auprès du peuple, d'obtenir ses 
          suffrages et ses bonnes grâces. On a toujours vu les gens de bien 
          jaloux d'avoir du crédit dans leur tribu ; (45) et 
          notre ordre n'a pas été assez dur envers le peuple, pour 
          empêcher qu'on ne le gagnât par des libéralités 
          modérées. Non, il ne faut pas défendre à 
          nos enfants de faire la cour à leur tribu, de lui marquer de 
          l'affection, de pouvoir la gagner pour leurs amis, d'attendre d'eux 
          le même service quand ils demanderont les dignités. Il 
          n'y a rien dans tout cela qui ne respire l'honnêteté, les 
          égards mutuels, les mœurs antiques. Nous avons tenu nous-mêmes 
          cette conduite lorsque nous faisions des démarches pour parvenir 
          aux honneurs ; nous avons vu d'illustres personnages avoir du crédit 
          dans les tribus, et nous en voyons encore beaucoup aujourd'hui. Mais 
          former des cabales dans les tribus et des factions parmi le peuple, 
          extorquer les suffrages par des largesses illicites, voilà ce 
          qui a excité la rigueur du sénat et l'indignation de tous 
          les gens de bien. Montrez-nous, Latérensis, attachez-vous 
          à nous prouver que Plancius a formé des factions et des 
          cabales, qu'il a mis de l'argent en dépôt, qu'il en a promis, 
          qu'il en a distribué ; alors je serai étonné 
          que vous n'ayez pas voulu faire usage des armes que vous offrait la 
          loi. Jugés par des hommes de notre tribu, nous ne pourrions, 
          si ce que vous dites est vrai, soutenir leur sévérité, 
          ni même leurs regards. (46) Puisque 
          vous avez évité d'employer ce moyen, puisque vous n'avez 
          pas voulu avoir des juges qui auraient dû être aussi instruits 
          qu'indignés du délit de Plancius, que direz-vous devant 
          les juges qui nous écoutent, et qui, dans leur silence, vous 
          demandent pourquoi vous leur avez imposé ce fardeau, pourquoi 
          vous les avez choisis préférablement à d'autres, 
          pourquoi enfin, eux qui ne peuvent avoir que des conjectures douteuses, 
          vous les avez fait siéger plutôt que ceux qui auraient 
          eu des connaissances certaines ? | 
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