SÉNATUS-CONSULTE
LARGIEN RÉGLANT L'ÉTAT DES AFFRANCHIS ( AD 42 ) |
Code de Justinien, VII, 6 ( Tissot, Metz, 1811 ). |
L'empereur
Justinien à Jean, préfet du prétoire. — La
liberté dédititienne ayant déjà été
abolie, il en résulte que la liberté latine qui lui était
pour ainsi dire inhérente, et qui ne faisait avec elle presque
qu'un même tout, a perdu toute sa force en perdant la principale
partie d'elle-même ; nous l'abolissons maintenant par cette
loi, quoiqu'elle fût presque déjà détruite
par l'abolition de la liberté dédititienne. La liberté
latine ayant dans son origine été introduite à
l'exemple de l'espèce de liberté qui fût accordée
aux habitants des colonies latines, qui, sans produire aucun avantage
à l'état, lui attira beaucoup de guerres civiles ;
il serait assez absurde de la conserver encore, tandis que la cause
n'en existe plus. Il y avait beaucoup et presque une infinité
de moyens de donner la liberté latine ; il existait encore
à ce sujet beaucoup de lois et de sénatus-consultes, desquels
il résultait de grands embarras et beaucoup de difficultés :
tels étaient par exemple la loi Junia, le sénatus-consulte
Largien, même l'édit de l'empereur Trajan ; ce sont
là les premiers fondements de nos lois sur cette matière,
qu'on a pris pour modèle avant même que l'expérience
les eût consacrés. Quant à nous, nous avons cru
que nous devions nous efforcer de détruire toutes ces difficultés
et d'abolir en même temps la liberté latine ; et choisir
quelques-uns des moyens parmi ceux dont on se servait pour donner la
liberté latine et leur accorder l'autorité de donner en
plein la condition de citoyen romain. Qu'il résulte donc des
actes approuvés et énumérés dans la présente
loi une pleine liberté ; que tous les autres dont résultait
la liberté latine soient abolis et soient censés nuls.
En effet qu'est-ce que cette liberté latine, qui se rencontre
dans la même personne, au temps de la mort, avec la servitude,
qui fait que celui qui en jouit est libre pendant sa vie et esclave
à sa mort ? 1. C'est
pourquoi nous ordonnons que si quelqu'un désire affranchir son
esclave par une lettre familière, il lui soit permis de le faire,
pourvu qu'il fasse signer la lettre écrite de sa propre main,
ou du moins qu'il a signée lui-même, afin que cet écrit
atteste à perpétuité son intention. Que lorsque
cet écrit a été fait avec les formalités,
soit sous seing-privé, soit pardevant notaire, que l'esclave
qui en est l'objet soit libre et censé avoir reçu la liberté
par un codicille ; en sorte cependant qu'il ait la liberté
et les droits de citoyen romain, même du vivant de son patron.
2. Si
quelqu'un veut affranchir son esclave en présence d'amis, que
cela lui soit permis, pourvu toutefois qu'il emploie le témoignage
de cinq personnes, et que l'acte soit rédigé par écrit
avec la signature des témoins et du patron, si l'affranchissement
a eu lieu sans solennités publiques ; et s'il a été
fait devant une personne publique, qu'il contienne de plus sa signature.
Les esclaves affranchis de cette manière deviennent citoyens
romains et comme affranchis par suite d'un codicille. 3. Nous
savons qu'à l'égard de la liberté latine, lorsque
quelqu'un chassait publiquement hors de sa maison un esclave accablé
d'une longue maladie sans lui donner lui-même aucune espèce
de secours ni le recommander à d'autres, tandis qu'il pouvait
le placer dans un hôpital, s'il était lui-même dans
l'impossibilité de le faire soigner jusqu'à sa guérison
ou de lui donner aucun secours, cet esclave, d'après l'édit
de l'empereur Claude jouissait pendant toute sa vie de la liberté
et retombait à sa mort dans la servitude et au pouvoir de son
patron qui lui succédait. C'est pourquoi nous ordonnons que l'esclave
qui se trouve dans un pareil cas et qui a été chassé
de cette manière par son maître, soit libre malgré
même son maître, et soit fait sur le champ et de droit citoyen
romain, et que son ci-devant maître ne conserve sur lui aucun
droit de patronage : car il n'est rien de plus juste que celui
qui a chassé son esclave publiquement hors de sa maisou et de
sa famille, qui ne le secourant pas lui-même, ne l'a pas non plus
recommandé à d'autres, ni placé dans un hôpital
et ne lui fournit pas même le salaire ordinaire, soit privé
de tous droits sur les biens que cet esclave par la suite pourrait acquérir,
tant pendant sa vie qu'au temps ou qu'après sa mort. 4. Nous
ordonnons pareillement que si quelqu'un ayant aliéné son
esclave femme sous la condition qu'elle ne serait pas prostituée,
le nouveau maître par l'appât d'un commerce infame, tente
de la prostituer, ou si l'ancien maître s'étant réservé
le droit de saisir et de s'emparer de l'esclave s'il arrivait que le
nouveau maître la prostituât lui - même, après
qu'il s'en est emparé et qu'elle est retournée sous sa
puissance, la prostitue ; nous ordonnons, disons-nous, que cette
esclave soit de droit citoyenne romaine, et que celui qui a voulu ou
l'a prostituée, soit privé de tous droits de patronage :
car celui qui est si dénaturé et si impie pour entreprendre
un commerce aussi infame, est-il digne d'avoir une esclave ou une affranchie ?
5. Que
les esclaves qui, couverts du bonnet de la liberté par suite
de la dernière volonté du défunt ou du consentement
de l'héritier, précèdent lors de ses funérailles
son corps ou se tiennent à côté du lit où
le cadavre a été mis, soient de droit et sur le champ
citoyens romains, sauf les droits de patronage. Nous nous sommes décidé
à rendre une pareille disposition, afin qu'il ne fût pas
permis de faire parade d'une vaine libéralité, et que
le peuple en voyant tant d'esclaves couverts du bonnet de la liberté
ne donnat des éloges non mérités au défunt
sur son humanité, si les esclaves après la cérémonie
faite retombaient dans la servitude. 6. Nous
observons que si quelqu'un a affranchi son esclave, soit par testament,
soit par la vindicte, et a ajouté que son intention était
que l'esclave qu'il affranchit ne jouît que de la liberté
latine, une pareille restriction est censée nulle, et que cet
esclave doit jouir dans toute l'étendue du terme des droits de
citoyen romain. Nous décrétons cette disposition, afin
qu'on ne nous accuse pas d'avoir aboli les moyens privés dont
les anciens se servaient pour donner la liberté à leurs
esclaves. 7. Si
un testateur ayant laissé une liberté conditionnelle à
son esclave, l'héritier du défunt, étranger à
sa famille, lui donne une pleine liberté ; nous ordonnons
que cet esclave ne devienne pas comme auparavant affranchi latin, mais
parfait citoyen romain ; qu'il soit l'affranchi de l'héritier,
s'il arrivait que la condition que le testateur a apposée à
sa liberté ne s'accomplit pas ; mais que si la condition
s'accomplit, pour que les enfants ou les cognats du défunt ne
soient pas frustrés du droit de patronage, qu'il soit affranchi
orcin, et qu'il ait pour patron celui que les lois appellent
à cette prérogative. 8. L'usage
qui avait lieu anciennement, et par lequel l'esclave qui, ayant échoué
dans la revendication qu'il a faite de sa liberté, a trouvé
quelqu'un qui a payé pour lui son prix à sou maître,
n'avait malgré ce rachat que la liberté latine, nous paraissant
très injuste, nous ordonnons qu'il soit aboli et que l'esclave
qui se trouve dans ce cas ait au lieu de la liberté latine, les
droits de citoyen romain : car est-il raisonnable que le maître
jouisse du prix et récupère ensuite l'esclave à
sa mort ? Ces deux choses sont-elles compatibles ? Nous accordons
néanmoins les droits du patronage au maître qui reçoit
le prix, parce qu'en quelque sorte un pareil esclave est affranchi.
9. Si
quelqu'un ayant marié son esclave femme à un homme libre,
lui a donné une dot, ce qu'on ne fait qu'à l'égard
de personnes libres, nous ordonnons que cette esclave n'ait pas seulement
la liberté latine, mais qu'elle soit citoyenne romaine :
car s'il est vrai qu'on ait fait à l'égard de cette esclave
ce qu'on fait ordinairement à l'égard des citoyennes romaines,
et surtout des femmes nobles, c'est-à-dire qu'on lui ait donné
une dot, il est nécessaire que par ce moyen une telle esclave
soit élevée à la condition de citoyenne romaine.
10. Nous
ordonnons pareillement que si quelqu'un dans un acte public donne à
son esclave la qualité de fils, on s'en rapporte à cet
aveu, quant à ce qui concerne seulement la liberté :
car s'il a été animé d'une telle affection pour
son esclave qu'il n'a pas dédaigné de lui donner la qualité
de fils, et cela non seulement en particulier ou en présence
d'amis, mais dans un acte public et comme solennellement, pourquoi un
pareil esclave retomberait-il de nouveau à sa mort dans la servitude ?
Nous voulons au contraire qu'il soit fait citoyen romain, et jouisse
d'une pleine liberté, et qu'il ne reçoive pas un vain
avantage de pareilles expressions de son maître. 11. Nous
voulons en outre que le moyen nouvellement introduit pour donner la
liberté latine, qui consiste à déchirer ou à
donner à l'esclave le titre qui constate sa servitude, puisse
être employé maintenant pour donner à un esclave
les droits de citoyen romain et une pleine liberté. Mais afin
que les esclaves ne soient pas portés par-là à
voler un pareil titre à leurs maîtres, il faut, pour qu'il
résulte la liberté de ce moyen, qu'il soit constaté
par des preuves certaines. On doit donc exiger, pour que la liberté
soit censée valable, que le maître donne le titre de la
servitude à l'esclave, ou l'efface ou l'annulle de toute autre
manière en présence de cinq témoins ; l'esclave
qui obtient la liberté de cette manière, comme des autres,
est soumis aux droits de patronage, excepté dans les cas où
nous avons refusé ces droits spécialement aux patrons.
12. Que
tous les moyens ( excepté ceux que nous avons conservés
par la présente loi ), dont on se servait pour donner la
liberté latine, énumérés tant dans les livres
des anciens jurisconsultes que dans les constitutions impériales,
soient abolis ; que les esclaves auxquels on les appliquerait ne
deviennent pas affranchis latins, mais qu'ils restent dans la servitude
et leur condition primitive ; et afin qu'à l'avenir il ne
soit plus question de la liberté latine dans nos lois, que la
loi Junia soit abrogée, que le sénatus-consulte Largien
ait ce même sort, ainsi que l'édit de l'empereur Trajan
qui en est la suite ; et si quelque autre loi, sénatus-consulte
ou constitution parle des affranchis latins, qu'elles soient abrogées
à cet égard. Qu'on sache qu'il n'y a plus maintenant qu'une
sorte de liberté, au lieu de trois qu'il y avait auparavant.
Que toutes les fois qu'une loi ou une constitution fera mention de la
liberté on l'entende de la pleine liberté, celle qui donne
les droits de citoyen romain, et non de la liberté latine. 13. Mais
si des affranchis latins étant déjà décédés,
leurs biens sont passés au pouvoir de leurs patrons, que ces
derniers aient le droit de les conserver et de les revendiquer en vertu
des lois anciennes. Cette constitution n'est applicable qu'aux cas futurs.
Fait à Constantinople, pendant les cal. de novembre, après
le consul. de Lampadius et d'Oreste. |
Institutes de Justinien, III, 7 ( Ortolan, Paris, 1857 ). |
4. Mais
tout ceci doit s'entendre des affranchis qui deviennent citoyens romains
( et il n'y en a pas d'autres aujourd'hui, les déditices
et les Latins ayant été supprimés ) ;
car les Latins ne laissaient jamais aucune succession légitime :
en effet, quoiqu'ils vécussent comme libres, cependant en exhalant
leur dernier soupir, ils perdaient à la fois la vie et la liberté ;
et, d'après la loi Junia, leurs biens, comme ceux des esclaves,
restaient, par une sorte de droit de pécule, à
ceux qui les avaient affranchis. Mais par la suite, le sénatus-consulte
Largien avait établi que les enfants de l'affranchissant,
à moins d'exhérédation nominative, seraient
préférés, pour les biens des Latins, aux héritiers
externes. Et plus tard vint eucore l'édit de Trajan,
qui, lorsqu'un Latin, contre le gré ou à l'insu de son
patron, avait obtenu de la faveur impériale son introduction
hâtive dans la cité, faisait du même homme vivant
un citoyen, et à sa mort un Latin. Mais par notre constitution,
nous avons, à cause de toutes ces vicissitudes de couditions
et autres difficultés, supprimé à perpétuité,
avec les Latins eux-mêmes, et la loi Junia, et le sénatus-consulte
Largien, et l'édit de Trajan : tous les affranchis jouiront
des droits de citoyens romains, et, chose admirable, au moyen de quelques
additions, les voies qui menaient à la latinité, transportées
par nous, conduiront à la cité romaine. |
Gaius, Institutes, III ( Reinach, Paris, 1965 ). |
63. Postérieurement,
sous le consulat de Lupus et de Largus, le Sénat édicta
que les biens des Latins écherraient en première ligne
à l'affranchisseur ; ensuite à leurs descendants
non exhérédés nommément, et dans l'ordre
de proximité ; enfin, comme autrefois, aux héritiers
des affranchisseurs. 64. Selon certains,
l'effet du sénatus-consulte a été de rendre applicable
aux biens des Latins le régime dont nous usons à l'égard
de la succession des affranchis citoyens romains. Ce fut surtout l'opinion
de Pégase. Mais cette solution est notoirement fausse. Car la
succession d'un affranchi citoyen ne va jamais aux héritiers
externes du patron, tandis que les biens des Latins, d'après
ce même sénatus-consulte, échoient, si l'existence
de descendants de l'affranchisseur n'y met pas obstacle, même
à des héritiers externes. De même, aucune espèce
d'exhérédation n'empêche les descendants de l'affranchisseur
de venir à la succession d'un affranchi citoyen romain, tandis
qu'une exhérédation nominative empêche de prétendre
aux biens des Latins en vertu des termes mêmes du sénatus-consulte.
Il est donc plus exact de reconnaître que le seul effet de ce
sénatus-consulte a été de faire préférer
les descendants non exhérédés nommément
de l'affranchisseur aux héritiers externes. 65. Aussi
le fils émancipé du patron, omis dans le testament, même
s'il n'a pas réclamé la possession des biens contre la
lettre du testament de son ascendant, sera-t-il néanmoins préféré
aux héritiers externes s'il s'agit des biens des Latins.
66. De même la fille et les autres
héritiers internes, même s'ils ont été exhérédés
globalement selon le droit civil et se trouvent exclus de toute succession
de leur ascendant, seront préférés aux héritiers
externes s'agissant des biens des Latins, à moins qu'ils n'aient
été exhérédés nommément par
leur ascendant. 67. De même les
biens des Latins qui se sont abstenus de la succession de leur ascendant
leur échoient nonobstant cette circonstance.... on ne peut pas
plus les considérer comme exhérédés que
ceux qui ont été omis par prétérition dans
le testament. 68. De tout ce qui précède
il ressort suffisamment que si celui qui a fait un Latin... 69. On
peut aussi tenir pour constant que si un patron... ses seuls descendants
par parts inégales... leur reviennent, parce qu'en l'absence
d'héritier externe le sénatus-consulte ne joue pas. 70. Caelius
Sabinus dit que même si le patron a laissé avec ses descendants
un héritier externe, tous les biens échoient par parts
viriles aux descendants du défunt, motif pris de ce que lorsqu'un
héritier externe s'interpose, c'est le sénatus-consulte,
non la loi Junia, qui s'applique. Mais Javolène dit que les descendants
du patron ne recueilleront par parts viriles en vertu du sénatus-consulte
que la fraction qu'auraient eue les héritiers externes, antérieurement
au sénatus-consulte, en vertu de la loi Junia, et que le surplus
leur revient au prorata de leurs parts successorales. 71. 0n
discute aussi la question de savoir si le sénatus-consulte s'applique
aux descendants du patron nés de la fille ou de la petite-fille,
c'est-à-dire si mon petit-fils issu de ma fille sera préféré
à un héritier externe s'agissant des biens de mon Latin ;
de même si ce sénatus-consulte s'applique aux Latins maternels,
c'est-à-dire si, s'agissant des biens d'un Latin maternel, le
fils de la patronne doit être préféré à
un héritier externe de la mère. Selon Cassius, le sénatus-consulte
s'applique dans les deux cas. Mais la plupart réprouvent sa décision,
parce que le sénatus-consulte ne statue pas à l'égard
de ceux des descendants des patrons qui suivraient le sort d'une autre
famille. Ceci résulte de ce qu'il exclut les individus exhérédés
nommément, car il semble ainsi viser ceux qu'on a coutume d'exhéréder
lorsqu'on ne les institue pas héritiers. Or, il n'est pas nécessaire
pour une mère d'exhéréder son fils ou sa fille,
ni pour un grand-père maternel d'exhéréder son
petit-fils ou sa petite-fille au cas où ils ne les institueraient
pas héritiers, — et ce ni en droit civil, ni en suivant
le droit établi par l'édit du préteur, en vertu
duquel sont envoyés en possession des biens, contre les termes
du testament, les descendants omis. |
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