CICÉRON TRAITÉ DES LOIS ~ Livre I ~ ( 52 av. J.-C. ) |
( Ch. Appuhn, Cicéron, De la République, Des lois, Paris, 1954 ). I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV XVI XVII XVIII XIX XX XXI XXII XXIII XXIV |
I. [1] ATTICUS. – Voilà sans doute un peu plus loin le bois, ici le chêne d'Arpinum, je les reconnais tels que souvent j'ai cru les voir en lisant le Marius. S'il vit encore, ce chêne, assurément c'est celui-ci ; car il est bien vieux. QUINTUS. – Oui, mon cher Atticus, il vit encore et toujours il vivra ; car c'est le génie qui l'a planté, et il n'est point d'agriculteur dont les soins puissent donner à un plant une durée égale à celle que lui donnent les vers du poète. ATTICUS. – Comment cela, Quintus ? et qu'est-ce donc que plantent les poètes ? Tu m'as vraiment l'air en louant ton frère de te donner ton suffrage à toi-même. [2] QUINTUS. – Je le veux bien. Quoi qu'il en soit, tant que vivront les lettres latines, il y aura ici un chêne, on l'appellera le chêne de Marius et, comme dans son poème mon frère le fait dire à Scévola, " il vieillira pendant des siècles sans nombre. " Ton Athènes n'a-t-elle pas conservé dans sa citadelle l'olivier immortel ? Et aujourd'hui encore ne montre-t-on pas à Délos le palmier que l'Ulysse d'Homère y vit si grand et si flexible ? En bien des lieux, enfin, bien d'autres choses ne vivent-elles pas dans le souvenir des hommes au delà de leur durée naturelle ? Oui, cet arbre est bien encore ce chêne chargé de glands d'où jadis s'envola "la messagère fauve de Jupiter, digne d'être admirée par qui la voit" et lorsque les intempéries et le temps, auront consommé sa ruine, il y aura encore en ce lieu le chêne de Marius. [3] ATTICUS. – Je n'en doute pas, mais ce n'est plus à toi, Quintus, c'est au poète lui-même que je demande si ce sont ses vers qui ont fait naître le chêne, ou s'il tient ce qu'il a écrit de Marius de bonne source. MARCUS. – Je te répondrai mais ce ne sera pas avant que toi-même m'aies répondu. N'est-ce pas non loin de ta maison qu'ayant déjà quitté la terre, Romulus allait marchant, quand il annonça à Julius Proculus, qu'il était dieu et s'appelait Quirinus et qu'il ordonna qu'on lui élevât un temple en ce lieu même ? A Athènes n'est-ce point assez près de cette demeure antique devenue la tienne, que Borée enleva Orithyie ? Telle est la tradition. [4] ATTICUS. – Où veux-tu en venir par ces questions ? MARCUS. – Je veux dire seulement qu'il ne faut pas soumettre à une enquête trop sévère des récits de cette sorte. ATTICUS. – On pose cependant sur le Marius quantité de questions : les faits rapportés sont-ils vrais ou inventés ? Bien des gens, quand il s'agit d'événements récents, exigent d'un natif d'Arpinum tel que toi une exactitude rigoureuse. MARCUS. – Par Hercule, je n'ai pas envie de passer pour un menteur, mais en vérité ceux dont tu parles, Titus, font preuve de balourdise en exigeant dans une oeuvre par elle-même périlleuse une véracité qui convient à un témoin, non du tout à un poète. Je ne doute pas que les mêmes critiques ne croient que Numa s'est entretenu avec la nymphe Egérie et qu'un aigle plaça sur la tête de Tarquin un bonnet de flamine. [5] QUINTUS. – Je te comprends, mon frère ; autres sont les lois de l'histoire, autres celles de la poésie. MARCUS. – Oui, parce que l'une a la vérité pour objet propre, tandis que l'autre veut surtout donner du plaisir. Et cependant il y a d'innombrables récits fabuleux dans Hérodote, le père de l'histoire, et aussi dans Théopompe. ATTICUS. – Je tiens enfin cette occasion que je cherchais et ne la laisserai point échapper. MARCUS. – Quelle occasion, Titus ? ATTICUS. – Depuis
longtemps on te demande ou plutôt on te somme d'écrire l'histoire.
On pense que, grâce à ta plume, nous n'aurons plus rien à envier
à la Grèce même dans ce genre. S'il faut te dire mon sentiment personnel,
c'est pour toi une dette, non seulement envers les amis des lettres,
mais envers la patrie ; il convient que, t'ayant dû son salut, elle
te doive aussi un éclat nouveau. [8] QUINTUS. – Moi ? point du tout et nous en avons souvent causé. Mais il y a entre nous un léger dissentiment. ATTICUS. – Lequel ? QUINTUS. – Par quelle période de l'histoire mon frère doit-il commencer ? Pour moi par les temps les plus reculés. Les récits que nous en possédons sont écrits de telle sorte que personne ne les lit. Lui au contraire préférerait les événements contemporains, ceux auxquels il a pris part. ATTICUS. – Je serais plutôt de cet avis. Ce sont de grandes choses en effet que celles dont nous gardons le souvenir. Et il pourrait célébrer notre ami Cn. Pompée ; il rencontrerait sur sa route sa mémorable année. Ce sont là des sujets que j'aimerais mieux lui voir traiter que les légendes rapportées sur Romulus et Rémus. MARCUS. – Je le sais : il y a longtemps qu'on m'exhorte à ce travail, Atticus ; et je ne m'y déroberais pas si j'avais le loisir et la liberté. Mais chargé de besogne comme je le suis, et l'âme inquiète, je ne puis entreprendre une tâche si grande. Il faudrait n'avoir ni soucis ni affaires. [9] ATTICUS. – Voyons cependant : où donc as-tu trouvé le temps de composer tes autres ouvrages ? et tu en as écrit plus que quiconque parmi les Romains. MARCUS. – Il y a toujours des moments de répit que je sais mettre à profit. Quand par exemple il m'est donné de passer quelques jours à la campagne, je règle sur le temps dont je dispose ce que j'ai à écrire. Mais ce n'est pas ainsi que s'écrit l'histoire : il faut des loisirs pour l'entreprendre, du temps pour l'achever. Et c'est pour moi chose fâcheuse, quand j'ai commencé un travail, de passer à un autre. Il est moins facile de reprendre une tâche interrompue que de la mener à terme. [10] ATTICUS. – Il faudra donc pour la composition de cette histoire une sinécure telle qu'une charge de légat ou quelque retraite qui te donne plein loisir ? MARCUS. – Je comptais plutôt sur le repos auquel l'âge donne droit ; je ne l'eusse pas refusé, mais, suivant l'usage de nos ancêtres, je me serais tenu sur mon siège, donnant des consultations. C'eût été pour ma vieillesse encore active une occupation douce et honorable. Je pourrais alors me rendre à tes désirs et donner tous mes soins à bien des ouvrages plus étendus et d'importance plus grande. [11] ATTICUS. – Je crains fort que personne n'accepte cette façon d'entendre les choses et que tu ne sois toujours obligé de parler en public, d'autant plus que tu as modifié ta manière et adopté un nouveau genre d'éloquence. Roscius, ton ami, avait dans sa vieillesse réduit l'ampleur de sa voix et ralenti l'accompagnement par la flûte. Toi de même tu renonces de jour en jour aux grands éclats où se complaisait ta vigueur oratoire, si bien que tes discours se rapprochent beaucoup maintenant de la douceur des philosophes. Or comme tu peux soutenir ce ton dans la plus extrême vieillesse, je ne vois pas comment tu prendrais ta retraite. [12] QUINTUS. – Pour moi par Hercule, je crois que nos Romains te verraient volontiers te réserver pour les consultations. Tu devrais, me semble-t-il, tenter cette expérience quand tu le jugeras à propos. MARCUS. – Je le ferais volontiers, s'il n'y avait à le faire aucun péril. Mais je crains, en voulant diminuer mon labeur, de l'augmenter et d'ajouter à la fatigue de la plaidoirie, avec le travail minutieux de préparation qui a toujours été dans mes habitudes, cette tâche d'interpréter le droit. Non qu'elle me déplaise en elle-même par la peine qu'elle me donnerait, mais j'appréhende qu'elle ne me laisse pas le temps de penser avant de plaider, ce que je n'ai jamais manqué de faire toutes les fois que je n'ai pas craint de prendre en main une cause importante. [13] ATTICUS. – Eh bien ! pourquoi, dans ces instants de répit, comme tu dis, n'écris-tu pas sur le droit civil avec un peu plus de finesse qu'on ne l'a encore fait ? Il m'en souvient, dès ta jeunesse et lorsque moi aussi je suivais les leçons de Scévola, tu t'adonnais à cette étude et jamais, que je sache, ton zèle pour l'éloquence ne t'a fait mépriser l'étude du droit. MARCUS. – C'est dans un sujet réclamant de longs discours que tu m'engages, Atticus ; cependant si Quintus n'en a pas un autre à me proposer de préférence, je l'entreprendrai volontiers puisque nous sommes de loisir. QUINTUS. – Pour moi je t'entendrai avec plaisir. Que pourrais-je faire de mieux ? Quelle occupation meilleure de ma journée ? [14] MARCUS. – Rendons-nous donc au lieu de notre promenade habituelle. Il y a là des sièges où nous pourrons nous reposer quand nous aurons assez marché. Les questions que nous nous adresserons les uns aux autres ne seront d'ailleurs pas sans agrément. ATTICUS. – Allons et suivons, si vous le voulez, le rivage ombreux. Maintenant, Marcus, dis-nous ce que tu penses du droit civil. MARCUS. – Ce que j'en pense ? Il y a eu chez nous des hommes de haut mérite qui faisaient métier de l'interpréter au peuple et de résoudre les cas embarrassants. Mais, en dépit de leurs belles promesses, ils n'ont rien donné de grand. Et en effet qu'il y a-t-il d'aussi grand que le droit civil et d'aussi mince que le métier, très nécessaire au peuple d'ailleurs, de consultant ? Je ne dis pas que ceux qui l'ont exercé aient été complètement étrangers au droit universel ; je dis qu'ils n'ont traité de ce droit qu'on nomme civil, que dans la mesure où ils ont cru que cela était utile au peuple. Quant au droit universel, la connaissance en est médiocre, parce qu'il n'a pas la même nécessité pratique c'est pourquoi, je le demande, à quelle tâche me convies-tu ? m'exhortes-tu ? S'agit-il d'écrire sur la législation applicable aux gouttières et aux murs mitoyens ? De rédiger des formules de stipulation ou d'instance devant les tribunaux ? Pareils sujets ont été souvent traités et je pense que vous attendez autre chose de moi. [15] ATTICUS. – Puisque tu me demandes ce que j'attends, voici : après nous avoir donné un traité sur la meilleure forme de république, tu dois, ce me semble, pour être conséquent, écrire aussi sur les lois. C'est ainsi qu'a fait Platon, ce Platon que tu admires, que tu aimes et que tu mets au-dessus de tous. MARCUS. – Veux-tu donc qu'à l'imitation de Platon en compagnie comme il dit, un jour d'été, de Clinias le Crétois et du Lacédémonien Mégillus, sous les cyprès de Gnosse et dans les allées forestières, s'arrêtant souvent, se reposant par moments et discourant sur les institutions publiques et sur les meilleures lois, nous aussi sous ces grands peupliers, au bord de la rivière, dans cette fraîche et épaisse verdure tantôt marchant, tantôt nous asseyant, nous traitions le même sujet avec un peu plus d'ampleur que ne le demande la pratique des tribunaux ? [16] ATTICUS. – Je t'entendrai avec plaisir. MARCUS. – Qu'en dit Quintus ? QUINTUS. – Je ne désire rien tant. MARCUS. – Vous avez raison. Sachez-le : en nulle matière on ne peut de plus belle façon étaler tous les dons que l'homme a reçus de la nature, montrer quelle foule d'excellentes choses renferme l'âme humaine, quels offices, quelles fonctions nous sommes de naissance tenus de remplir, les liens qui nous unissent aux autres hommes et la société naturelle qu'ils forment. Une fois ces principes posés, on trouvera facilement la source des lois et du droit. [17] ATTICUS. – Ce n'est donc ni dans l'édit du préteur, comme la plupart le font aujourd'hui, ni dans les Douze Tables comme nos anciens, mais aux sources les plus profondes de la philosophie qu'il faut puiser la vraie science du droit. MARCUS. – Oui, car tu ne me demandes pas, dans cet entretien, Pomponius, de quelles formules il faut avoir soin d'user quand on engage une instance, ou comment il faut interpréter la loi dans un cas embarrassant. C'est à la vérité une chose importante ; jadis bien des personnages célèbres en ont fait leur occupation et aujourd'hui l'homme qui à lui seul les remplace jouit d'une autorité égale à son haut savoir. Mais notre discussion doit comprendre tout le droit dans son universalité et les lois ; ainsi ce que nous appelons le droit civil ne peut occuper qu'une place réduite et étroite dans le droit considéré selon sa nature. Car c'est la nature du droit que nous voulons exposer, et c'est à la nature de l'homme qu'il faut la demander. Nous avons à considérer les lois qui doivent régir les cités, puis à traiter des institutions et des règles qui constituent la législation propre à chaque peuple, ce qu'on appelle le droit civil ; nous ne méconnaîtrons pas quand nous en serons là notre propre nation. [18] QUINTUS. – C'est bien là, mon frère, remonter à la source comme il convient et au chapitre initial du droit. Ceux qui font autrement, dans l'enseignement du droit civil, suivent une méthode bonne à former des chicaneurs plutôt que des hommes soucieux de la justice. MARCUS. – Non
Quintus ; c'est l'ignorance, non la connaissance du droit, qui porte
à la chicane. Mais nous en reparlerons plus tard. Pour le moment
voyons les principes du droit. [20] QUINTUS. – Cette marche est plus indiquée et plus conforme au caractère essentiel de notre entretien. MARCUS. – Veux-tu donc que nous remontions à la source du droit ? Quand nous l'aurons trouvée nous saurons sans aucun doute à quel principe rattacher nos recherches. QUINTUS. – Pour ma part je pense qu'il faut procéder ainsi. ATTICUS. – Tu peux me considérer comme partageant cet avis. MARCUS. – Puis donc que nous voulons rester attachés à cette forme de république dont Scipion en six livres nous a montré la supériorité ; puisqu'à ce genre de cité nous devons approprier nos lois et jeter à cet effet comme des semences de mœurs, car il ne faut pas s'en remettre seulement à des lois écrites, je chercherai l'origine du droit dans la nature, qui sera notre guide dans toute cette discussion. ATTICUS. – Très bien ; sous sa conduite, il n'est pas d'erreur possible. [21] MARCUS. – Nous accordes-tu, Pomponius (pour Quintus je connais son opinion) que c'est la force, la nature, la raison, la puissance, l'esprit des dieux immortels, leur divinité dirai-je à défaut d'un autre mot exprimant mieux ma pensée, qui gouverne la nature entière ? Si telle n'était pas ton opinion, en effet, ce serait le premier point que je devrais prouver. ATTICUS. – Je l'accorde puisque tu le demandes : ces chants d'oiseaux, ce bruit de la rivière font que je ne crains pas que ceux de mon école m'entendent. MARCUS. – Tu fais bien de prendre des précautions car ceux dont tu parles, comme il arrive aux honnêtes gens, s'emporteraient très fort, et ils ne souffriraient pas, s'ils t'entendaient, que tu oubliasses le premier chapitre de ce très beau livre où l'auteur a écrit : " Dieu n'a souci de rien ; ni de lui-même ni d'autrui. " [22] ATTICUS. – Continue je te prie ; je veux savoir à quoi va conduire la concession que je t'ai faite. MARCUS. – Je
ne te ferai pas attendre. Voici la conséquence. Cet animal prévoyant,
judicieux, complexe, pénétrant, doué de mémoire, capable de raisonner
et de réfléchir, auquel nous donnons le nom d'homme, a été engendré
par un Dieu suprême qui l'a richement doté. Seul parmi tous les
vivants et entre toutes les natures animales, il raisonne et il
pense ; cela est refusé aux autres. Or qu'y a-t-il, je ne dis pas
dans l'homme, mais dans tout le ciel et sur la terre, de plus divin
que la raison, qui arrivée à maturité et à sa perfection est justement
appelée sagesse ? [24] Lorsqu'en
effet l'on discute sur la nature en général, on pose d'ordinaire
(et on a raison de le poser) qu'après un long cours de siècles et
de révolutions célestes, vint enfin le moment propice à jeter la
semence du genre humain qui, répandue sur la terre, reçut le présent
divin de l'âme. Et tandis que les autres éléments dont se compose
la nature de l'homme lui viennent d'un ordre de choses soumis à
la corruption, sont fragiles et périssables, l'âme doit son origine
à Dieu ; c'est pourquoi l'on peut dire qu'il y a parenté entre les
êtres célestes et nous, que nous sommes de leur race, de leur lignée.
C'est pourquoi aussi, parmi tant de genres d'animaux, nul, sauf
l'homme, n'a la moindre notion de la divinité ; et parmi les hommes
il n'est point de nation, qu'elle soit pacifique ou farouche, qui,
tout ignorante qu'elle est du Dieu qu'il faut avoir, ne sache qu'il
faut en avoir un. [25] Ainsi se fait-il
que, pour connaître Dieu, il faille se rappeler en quelque sorte
et savoir d'où l'on vient. La même vertu est dans l'homme et en
Dieu et ne se trouve en aucun autre genre de vivants. Or la vertu
n'est autre chose qu'une nature achevée en elle-même et parvenue
à sa perfection. Il y a donc ressemblance entre l'homme et Dieu.
Cela étant, quelle parenté peut être plus proche et mieux établie
? Quant à l'homme, cette même nature ne s'est pas contentée de le douer d'un esprit prompt, elle lui a encore départi des sens, comme autant de gardiens et de messagers, elle a mis en lui, pour servir de fondement à la science, la connaissance encore incomplète d'un grand nombre de choses ; elle lui a donné un corps souple et très adapté à la nature de l'esprit humain. [27] Tandis en effet qu'elle inclinait vers la terre où ils cherchent leur pâture les autres animaux, elle a dressé l'homme vers le ciel, comme si elle eût voulu l'engager à porter ses regards du côté de son ancienne demeure, celle de sa vraie famille. Ajoutez l'heureux aspect de sa face où s'expriment les traits les plus cachés de son caractère. Les yeux en effet traduisent avec une finesse presque excessive tous les sentiments dont l'âme est affectée et ce qui, dans l'homme seul mérite ce nom, le visage, reflète le moral ; les Grecs ont bien reconnu cette propriété, quoiqu'ils n'aient pas de mot pour l'exprimer. Je laisse de côté les aptitudes si diverses du reste du corps, la faculté de ménager les sons émis, cette qualité essentielle du discours qui est le lien principal de la société humaine. Tout cela est étranger à notre entretien et hors de saison ; d'ailleurs dans les livres que vous avez lus, Scipion l'a suffisamment expliqué. Puis donc que Dieu a engendré l'homme et l'a doté ainsi, parce qu'il voulait faire de lui la raison d'être du reste de la création, tenons pour manifeste (sans nous attarder à tous les détails) que la nature est par elle-même en voie de progrès : sans autre guide, et partie de ces éléments dont elle avait une première et confuse connaissance, elle fortifie et perfectionne d'elle-même la raison. [28] ATTICUS. – Dieux immortels ! que tu vas chercher loin les principes du droit ! Ce n'est pas cependant que j'attende avec impatience ce que tu dois nous dire du droit civil ; volontiers au contraire j'écouterais tout le jour un langage comme celui que tu tiens. Ces considérations auxiliaires en effet ont une grandeur qui dépasse peut-être le sujet même auquel elles servent d'introduction. MARCUS. – Elles
sont grandes en effet ces questions que je me borne à effleurer
; mais de toutes les idées qui font l'entretien des doctes, la plus
importante, certes, est celle qui nous fait clairement connaître
que nous sommes nés pour la justice, et que le droit a son fondement,
non dans une convention, mais dans la nature. Cette vérité paraîtra
évidente si l'on considère les liens de société qui unissent les
hommes entre eux. [31] Non
seulement dans les actions droites, mais aussi dans les écarts de
conduite apparaît cette ressemblance des hommes entre eux. Tous
se laissent prendre au plaisir, attrait de la laideur morale, il
est vrai, mais qui a quelque ressemblance avec un bien naturel.
Il charme par sa douceur, sa suavité et ainsi, par une erreur de
jugement, on le croit salutaire. Par une semblable ignorance, on
fuit la mort comme la dissolution de notre nature, on recherche
la vie parce qu'elle nous maintient dans l'état où nous a placés
notre naissance, on met la douleur au rang des plus grands maux,
tant à cause de sa rudesse propre, que parce qu'elle semble annoncer
la destruction de la nature. [32] La ressemblance
qui existe entre une vie belle et une vie glorieuse fait que nous
paraissent heureux ceux qui sont honorés, malheureux ceux qui sont
sans gloire. ATTICUS. – Nous n'en avons pas besoin si je puis répondre pour nous deux. [33] MARCUS. – Il
suit de là que la nature a mis en nous le sentiment de la justice
pour que tous nous nous venions en aide l'un à l'autre et nous rattachions
l'un à l'autre ; et c'est dans toute cette discussion ce que j'entends
par nature. Mais telle est la corruption causée par les mauvaises
habitudes, qu'elle éteint en quelque sorte la flamme allumée en
nous par la nature, engendre et fortifie les noirceurs qui lui sont
opposées. Si, se conformant à la nature, les hommes jugeaient, comme
le dit le poète, que " rien d'humain ne leur est étranger "
tous respecteraient également le droit. Car avec la raison la nature
leur a donné encore la droite raison ; donc aussi, la loi qui n'est
autre chose que la droite raison considérée dans ses injonctions
et ses interdictions. Et si elle a donné la loi, elle a aussi donné
le droit. Or la raison est commune à tous ; le droit leur a donc
été donné aussi. Socrate maudissait à juste titre le premier qui
a séparé l'utile de la nature, ouvrière de justice. C'est là, pour
lui, l'origine de tous les maux. De là aussi le mot de Pythagore
sur l'amitié. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
[35] QUINTUS. – Quelques mots certes ; car, après ce que tu viens de dire, je pense que, pour Atticus et certes pour moi, l'origine du droit est la nature. ATTICUS. – En
pourrais-je juger autrement alors que tu as établi d'abord que les
dieux nous ont munis et armés de leurs bienfaits ; ensuite que les
hommes ont entre eux une règle de vie pareille et commune qu'enseigne
la raison ; enfin qu'unis les uns aux autres par la sympathie et
un bon vouloir naturel, ils le sont aussi par les liens du droit
? [36] MARCUS. – Tu dis vrai, c'est ainsi qu'il faut l'entendre. Mais, suivant la méthode des philosophes, non celle des anciens, mais celle des modernes qui ont ouvert des laboratoires de sagesse en quelque sorte, il faut diviser et traiter analytiquement des sujets sur lesquels on discourait jadis amplement et librement. Ils ne jugeraient pas suffisamment éclairci le sujet que nous traitons, si l'on n'avait pas discuté à fond ce point particulier : que le droit a son fondement dans la nature. ATTICUS. – As-tu donc perdu ta franchise de discussion ? Es-tu homme à t'en rapporter, non à ton propre jugement, mais à l'autorité des autres ? [37] MARCUS. – Non,
pas toujours, Titus, mais tu vois où je veux en venir tout mon discours
tend à consolider les États, à raffermir les forces, à guérir les
peuples. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [40] En
de telles matières nous n'avons besoin pour nous purifier de la
fumée d'aucun sacrifice. Mais les crimes envers les hommes et les
impiétés ne s'expient pas. Les coupables en subissent la peine,
une peine semblable bien moins à celle que prononcent les tribunaux
(autrefois ils n'existaient pas ; aujourd'hui en bien des lieux
il n'y en a point ; et où ils existent, souvent ils frappent à faux)
qu'à la peine endurée par ceux que prennent et poursuivent les Furies
; non point ces Furies de la fable armées de torches ardentes, mais
d'autres qui étouffent et torturent par le remords et le sentiment
de l'indignité. Si les supplices seuls, et non la nature, détournaient
les hommes de l'injustice, la crainte des supplices ôtée, de quoi
les méchants pourraient-ils s'inquiéter ? Cependant il ne s'est
jamais rencontré criminel assez effronté, ou pour ne pas nier qu'il
eût commis le crime, ou pour ne pas alléguer sa propre souffrance
comme un motif légitime, ou pour ne pas chercher dans le droit naturel
quelque moyen de défense. [42] Ce
qu'il y a de plus insensé, c'est de croire que tout ce qui est réglé
par les institutions ou les lois des peuples est juste. Quoi ! même
les lois des tyrans ? Si les Trente avaient voulu imposer aux Athéniens
des lois, et si tous les Athéniens avaient aimé ces lois dictées
par des tyrans, devrait-on les tenir pour justes ? Pas plus, je
pense, que la loi posée par notre interroi : le dictateur pourra
mettre à mort et sans l'entendre tout citoyen qu'il lui plaira.
Le seul droit en effet est celui qui sert de lien à la société,
et une seule loi l'institue : cette loi qui établit selon la droite
raison des obligations et des interdictions. Qu'elle soit écrite
ou non, celui qui l'ignore est injuste. Si
la volonté des peuples, les décrets des chefs, les sentences des
juges faisaient le droit, pour créer le droit au brigandage, à l'adultère,
à la falsification des testaments, il suffirait que ces façons d'agir
eussent le suffrage et l'approbation de la multitude. Nous
jugeons du vrai et du faux, de l'accord des propositions entre elles
et du désaccord de celles qui se contredisent, en ayant égard aux
objets eux-mêmes, non à quelque autre chose ; de même une règle
de vie constante et toujours appliquée, et c'est là la vertu, et
aussi l'inconséquence, qui est le vice, se distinguent par leur
nature propre. [46] N'est-ce pas
d'après leur nature que nous apprécierons les qualités d'un arbre
ou d'un cheval ? et ne ferons-nous pas de même pour les jeunes gens
? Si leurs aptitudes sont chose naturelle, les vertus et les vices
qui en tirent leur origine peuvent-ils requérir une autre sorte
de jugement ? Et ce dont je parlais tout à l'heure, ce qui fait
la beauté ou la laideur de la vie, ce ne serait point à la nature
qu'il faudrait nécessairement le rapporter ? Ce qui est louable
est bon, et doit contenir en lui-même nécessairement ce qui le rend
louable. Le bien en soi est tel, non en vertu de conventions, mais
par nature. S'il n'en était pas ainsi, la félicité dépendrait d'une
convention ; que pourrait-on dire de plus insensé ? Puisque nous
jugeons que le bien et le mal sont tels par nature, et que c'est
à cela qu'on a égard dans la louange, nous devons juger de même
de la laideur et de la beauté de la vie et les rapporter à la nature. [48] Ainsi,
dirai-je en manière de conclusion à tout ce qui précède, il apparaît
aux yeux que le droit et tout ce qui fait la beauté de la vie doivent
être recherchés pour eux-mêmes. Et en effet tous les gens de bien
aiment l'équité pour l'équité et le droit pour le droit ; or ce
n'est pas le fait de l'homme de bien de se tromper et d'aimer ce
qui ne mérite pas d'être aimé pour soi-même. Le droit doit donc
être recherché et honoré pour lui-même. Si tel est le droit, telle
sera aussi la justice ; telles seront aussi toutes les vertus.
Voyons en effet : la libéralité s'exerce-t-elle gratuitement, ou
en vue d'une récompense ? Si elle n'attend pas de retour, elle est
gratuite ; si elle compte sur une récompense, elle a un caractère
commercial ; or il n'est pas douteux que, pour mériter le nom de
libéral et de bienfaisant, il ne faille vouloir s'acquitter d'une
fonction naturelle à l'homme, et non chercher un profit. Donc la
justice n'attend ni récompense ni salaire. C'est pour elle même
qu'on la recherche. Et toutes les vertus ont une raison d'être semblable,
de toutes il faut juger de même. [50] Que
dire de la modération, de la tempérance, de la continence, du respect
des convenances, de la pudeur, de la chasteté ? Est-ce la crainte
du déshonneur public ou celle des lois et des jugements qui retient
des excès ? On ne sera donc innocent, on n'aura de pudeur que pour
s'entendre louer ? Et c'est pour avoir une bonne réputation que
les pudiques rougissent de s'entretenir même de la pudeur ? Pour
moi je rougis de ces philosophes qui ne connaissent de vice à éviter
que celui qui est flétri par jugement. [51] Eh
quoi ! peut-on donner le nom de pudique à qui s'abstient du
stupre par crainte du déshonneur public, alors que le déshonneur
lui-même a pour cause la laideur de l'acte ? Que pourrait-on à juste
titre ou louer ou blâmer, si l'on méconnaît la nature de ce qui
est louable ou blâmable ? Les défauts du corps, quand ils sont trop
saillants, ont quelque chose de choquant, et la difformité de l'âme
ne choquerait pas ? de l'âme dont les vices manifestent si clairement
la laideur ? Quoi de plus hideux que l'avarice, de plus redoutable
que l'appétit sensuel sans frein, de plus méprisable que la lâcheté,
de plus dégradant que l'inertie et la déraison ? QUINTUS. – Où donc, mon frère ? Je me laisserais volontiers entraîner avec toi. MARCUS. – Au souverain bien, à cette fin à laquelle tout se rapporte et en vue de laquelle nous devons tout faire : sujet de controverse entre les doctes et longuement discuté, mais il faudra bien quelque jour prendre une décision sur ce point. [53] ATTICUS. – Comment y arriver ? Gellius n'est plus. MARCUS. – Qu'importe en cette affaire ? ATTICUS. – Il y a qu'étant à Athènes j'ai entendu dire à Phédrus que ton ami Gellius, proconsul en Grèce après sa préture, fit un jour assembler tous les philosophes présents à Athènes, et leur conseilla fortement de mettre enfin terme à leurs discussions ; s'ils étaient disposés, leur dit-il, à ne pas consumer leur vie dans les querelles, l'affaire pouvait s'arranger ; et en même temps il leur promit son concours s'ils voulaient arriver à un accord. MARCUS. – La plaisanterie était bonne, et l'on en a ri bien souvent, Pomponius. Pour moi je voudrais seulement trancher le débat entre l'ancienne Académie et Zénon. ATTICUS. – Comment l'entends-tu ? MARCUS. – Sur un point unique en effet il y a désaccord. Sur tout le reste il y a entre eux un merveilleux accord. ATTICUS. – Eh quoi ? Ils ne diffèrent qu'en un point ? [54] MARCUS. – Sur un seul point vraiment essentiel : les anciens académiciens déclarent tous que ce qui selon la nature nous rend la vie douce est un bien, Zénon n'a voulu reconnaître d'autre bien que la seule rectitude de la vie. ATTICUS. – Petite en effet la discussion dont tu parles. et elle n'est pas de nature à supprimer toute difficulté. MARCUS. – Tu aurais raison, s'ils différaient sur le fond des choses, et non par le langage. ATTICUS. – Tu es donc de l'avis de mon ami Antiochus (je n'ose l'appeler mon maître), j'ai vécu avec lui et il m'a presque arraché à nos jardins, me rapprochant de quelques pas de l'Académie. MARCUS. – C'était un homme avisé, pénétrant, achevé en son genre ; un de mes amis, comme tu le sais. Serais-je en tout de son avis, nous verrons plus tard. Je dis pour le moment qu'on peut apaiser toute cette contestation. [55] ATTICUS. – Comment vois-tu cela ? MARCUS. – Si, comme l'affirme Ariston de Chio, Zénon avait dit qu'il n'y a de bien que le beau, de mauvais que la laideur, que tout le reste est entièrement indifférent, et qu'il n'importe en rien qu'on l'ait ou qu'on ne l'ait pas, il s'écarterait beaucoup de Xénocrate, d'Aristote et de toute l'école de Platon ; il y aurait entre eux désaccord sur un point capital, sur toute la conduite de la vie. En fait, tandis que les anciens ont dit : l'harmonie est le souverain bien, Zénon dit le seul bien ; et de même la discordance, que les premiers disent être le plus grand mal, Zénon l'appelle le seul mal ; les richesses, la santé, la beauté physique, il les appelle choses commodes et non choses bonnes ; la pauvreté, les infirmités, la douleur, choses incommodes et non choses mauvaises. Il pense comme Xénocrate et Aristote, il s'exprime autrement. C'est de cette différence qui porte, non sur le fond des choses, mais sur les mots, que vient la controverse sur les fins. Et de même que les Douze Tables ont réservé cinq pieds qui ne peuvent être prescrits, nous ne permettrons pas que ce subtil Zénon dépossède l'Académie de son ancien domaine. Et ce n'est pas, comme le permet la loi Mamilia, à un arbitre unique de décider, nous serons trois à fixer la limite. [56] QUINTUS. – Quelle sera notre décision ? MARCUS. – Il faudra rechercher les bornes que Socrate avait établies et s'y tenir. QUINTUS. – Très bien mon frère. Tu emploies le langage du droit civil et des lois, et c'est sur ce sujet que j'attends de toi une discussion. Quant à la question posée tout à l'heure, c'est une grosse affaire de la régler comme je te l'ai souvent entendu dire. Il y a toutefois lieu de poser que le souverain bien consiste à vivre selon la nature, c'est-à-dire à jouir de la vie avec mesure, et d'une vertu qui soit en rapport avec elle ; ou encore, de suivre la nature et de vivre en quelque sorte sous sa loi, c'est-à-dire de ne rien négliger, dans la mesure où on le peut, pour posséder tout ce que demande la nature, c'est-à-dire une vie dont la loi soit la vertu. Je rie sais si ce débat pourra jamais être clos, mais il ne peut l'être dans ces entretiens, si nous voulons achever ce que nous avons commencé. [57] ATTICUS. – Pour moi, je m'en éloignais volontiers. QUINTUS. – L'occasion se retrouvera ; pour le moment, traitons le sujet que nous avons entrepris, puisque cette controverse sur le souverain bien et le mal ne s'y rapporte pas. MARCUS. – Tu
as tout à fait raison, Quintus, c'est ce que j'ai dit jusqu'ici.... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . QUINTUS. – Ce ne sont ni les lois de Lycurgue, ni les lois de Solon, ni celles de Charondas ou de Zaleucus, ni nos Douze Tables, ni nos plébiscites que je réclame. Je pense que, dans notre entretien de ce jour, tu établiras les lois et une discipline, non seulement pour les peuples, mais pour les individus. [58] MARCUS. – L'objet
même de mon exposition, Quintus, est bien celui que tu attends ;
puisse-t-il être en mon pouvoir de le traiter ! Mais en vérité il
faut dire que, si la loi doit corriger les vices et enseigner les
vertus, c'est de la science de la vie qu'elle doit se tirer. C'est
pourquoi la mère de toutes les connaissances pratiques est la sagesse,
dont l'amour a pris en grec le nom de philosophie, don le plus fécond
que nous aient fait les dieux, le plus magnifique, celui qui l'emporte
sur tous en excellence. [60] Quand,
en effet, après avoir connu les vertus et en avoir perçu la beauté,
l'âme aura renoncé à ses molles complaisances pour le corps, qu'elle
aura étouffé le plaisir qui est pour sa beauté un danger, qu'elle
aura banni toute crainte de la mort et de la douleur, formé avec
ses proches une société où règnera l'amour, regardant comme des
proches tous ceux que la nature a faits ses semblables ; quand enfin
elle aura embrassé un culte des dieux et une religion purifiés,
et qu'elle aura aiguisé l'esprit de telle façon qu'il perçoive le
beau, s'y attache et s'écarte de ce qui s'y oppose, vertu que, du
mot "providere" (prévoir), on a nommée "prudentia" (connaissance
de ce qui sert à bien vivre), que pourra-t-on alors concevoir qui
mérite plus que l'homme d'être qualifié d'heureux ? [62] A
toutes ces vérités il donnera pour rempart et pour défense la dialectique,
la discipline de l'esprit, cette science qui permet de distinguer
le vrai du faux, une méthode conduisant des principes aux conséquences
et préservant de l'inconséquence. Ensuite se sentant naturellement
fait pour la vie en société, il comprendra qu'il ne doit pas s'en
tenir à de subtiles discussions théoriques, mais répandre au loin
des paroles qui demeurent, des paroles capables de régir les peuples,
de devenir des lois stables, châtiant les méchants, protégeant les
bons citoyens, célébrant les grands hommes. C'est par de tels discours
qu'il obtiendra de ses concitoyens qu'ils suivent des préceptes
utiles à leur salut et à leur gloire, qu'il les exhortera à la vie
belle, les détournera de ce qui dégrade, les consolera dans l'affliction,
immortalisera par des monuments impérissables les grandes actions
et les hautes pensées des forts et des sages, en même temps que
l'ignominie des méchants. [63] ATTICUS. – Tu la loues avec force et vérité mais où ce discours tend-il ? MARCUS. – Au sujet même que nous allons traiter, Pomponius, et que nous voulons qui soit un grand sujet. Il faut pour cela que nous puisions à une source très abondante. J'ajoute que je fais avec plaisir, à bon droit, je l'espère, l'éloge de la sagesse, à l'étude de laquelle je me suis appliqué avec zèle, et qui m'a fait ce que je suis, quoi que je puisse valoir. ATTICUS. – Tu dis vrai et tu as raison ; comme tu le dis, c'était ici le lieu d'en parler. |
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