ÉDITS D'AUGUSTE DÉCOUVERTS À CYRÈNE
   
( 7-6 et 4 av. J.-C. )
 

 
( F. de Visscher
in Girard & Senn, Les lois des Romains, Napoli, 1977, pp. 408-421, n. 2 ).
  

 
I.
    L'Empereur César Auguste, Grand Pontife, revêtu de la Puissance Tribunicienne pour la XVIIe fois, Imperator pour la XIVe fois, dit :
   
Comme je constate qu'il y a dans la province de Cyrène en tout deux cent quinze Romains de tout âge ayant un cens de deux mille cinq cents deniers et au-dessus, parmi lesquels se nomment les juges, et que des légats des villes de la Province se sont plaints qu'il y a entre eux des conjurations tendant à accabler des Hellènes dans les procès capitaux, ces Romains s'entendant pour agir à tour de rôle comme accusateurs et comme témoins, et comme moi-même j'ai pu établir que beaucoup d'innocents ont été de cette manière accablés et entraînés jusqu'à la peine suprême, en attendant que le Sénat prenne une décision à ce sujet ou que moi-même je trouve mieux, — je suis d'avis que ceux qui gouvernent la Province de Crète et de Cyrénaïque agiront bien et sagement en constituant dans la Cyrénaïque des juges hellènes de la classe supérieure du cens, en nombre égal à celui des juges romains, aucun n'étant âgé de moins de vingt-cinq ans, qu'il soit romain ou hellène, et n'ayant un cens ou une fortune de moins de 7.500 deniers, s'il se trouve un nombre suffisant de ces hommes ; ou si, de cette manière, il est impossible d'atteindre le chiffre des juges qui doivent être constitués, les gouverneurs constitueront comme juges des hommes possédant au moins la moitié de ce cens dans les procès capitaux dirigés contre des Hellènes.
    Un Hellène qui doit être jugé aura, le jour avant le commencement de l'accusation, le choix entre un jury tout entier composé de Romains ou composé pour moitié d'Hellènes ; s'il se prononce pour une moitié d'Hellènes, alors, après que les boules auront été pesées et les noms ( des juges ) inscrits sur celles-ci, on tirera d'une urne les noms des Romains, d'une autre, ceux des Hellènes, jusqu'à ce que le nombre de vingt-cinq ait été atteint dans chaque groupe. De ce nombre l'accusateur récusera, s'il le veut, un juge de chaque groupe, l'accusé, trois en tout, sans qu'il puisse récuser uniquement des Romains ou des Hellènes. Tous les autres seront ensuite autorisés à porter leurs suffrages, les Romains les déposant séparément dans une cassette, les Hellènes dans une autre. Ensuite, après avoir compté séparément les suffrages émis de part et d'autre, le gouverneur déclarera publiquement ce que la majorité de tous aura jugé.
    Et comme en règle générale les parents des victimes ne laisseront pas les meurtres sans vengeance et qu'il va de soi qu'il ne manquera pas aux coupables d'accusateurs hellènes qui exigeront qu'il soit fait justice pour le meurtre de leurs parents ou concitoyens, les gouverneurs de Crète et de Cyrène agiront à mon avis bien et sagement, en cas de meurtre d'un Hellène ou d'une Hellène, en ne permettant pas à un Romain de se porter accusateur d'un Hellène, à moins qu'un Hellène gratifié du droit de cité romaine ne veuille agir pour le meurtre d'un parent ou d'un concitoyen.
II.
    L'Empereur César Auguste, Grand Pontife, revêtu de la Puissance Tribunicienne pour la XVIIe fois, dit :
    Publius Sextius Scaeva ne mérite ni défaveur ni reproche parce qu'il a veillé à me faire envoyer de la province Cyrénaïque comme prisonniers Aulus Stlaccius Maximus, fils de Lucius, et Lucius Stlaccius Macedo, fils de Lucius, et Publius Lacutanius Phileros, affranchi de Publius ( Lacutanius ), pour le motif que ceux-ci avaient déclaré avoir connaissance de quelque chose intéressant mon salut et la chose publique et qu'ils voulaient le révéler. Car en ceci Sextius a agi selon son devoir et avec vigilance. Au surplus, comme ceux-ci ne savent rien qui puisse me concerner moi-même ou la chose publique et m'ont avoué que ce qu'ils avaient dit dans la province était imagination et mensonge, je les ai mis en liberté et délivrés de leur garde. En ce qui concerne Aulus Stlaccius Maximus, que les légats des Cyrénéens accusent d'avoir ôté des places publiques des statues, parmi lesquelles celle sur laquelle la cité avait inscrit mon nom, je défends qu'il s'éloigne ( de la ville ) sans mon ordre, avant que j'aie fait une enquête sur cette affaire.
III.
    L'Empereur César Auguste, Grand Pontife, revêtu de la Puissance Tribunicienne pour la XVIIe fois, dit :
    Si des habitants de la province de Cyrénaïque ont été gratifiés du droit de cité, j'ordonne qu'ils n'en seront pas moins tenus, suivant leur tour, des liturgies envers la communauté des Hellènes, à l'exception de ceux auxquels en vertu d'une loi ou d'un sénatus-consulte, par décret de mon père ou de moi-même, l'immunité a été conférée en même temps que la cité ; et en ce qui concerne ceux-là mêmes auxquels l'immunité a été conférée, il me paraît juste qu'ils n'en soient dispensés qu'en ce qui concerne les biens qu'ils possédaient alors : que pour tout ce qu'ils ont acquis depuis, ils aient à payer les impôts correspondants.
IV.
    L'Empereur César Auguste, Grand Pontife, revêtu de la Puissance Tribunicienne pour la XVIIe fois, dit :
    En ce qui concerne les procès entre Hellènes habitant la province de Cyrénaïque, à l'exception des accusés d'un crime capital à l'égard desquels le gouverneur de province est tenu soit de connaître et de statuer lui-même, soit de réunir un jury — dans toutes les affaires autres ( que des procès capitaux ), il convient de donner des juges hellènes, à moins qu'un défendeur ou un accusé ne veuille avoir pour juges des citoyens romains. Pour les parties à qui il sera donné des juges hellènes en vertu de mon présent Décret, il ne pourra être nommé aucun juge originaire de la cité à laquelle appartient soit le demandeur ou l'accusateur, soit le défendeur ou l'accusé.
V.
    L'Empereur César Auguste, Grand Pontife, revêtu de la Puissance Tribunicienne pour la XIXe fois, dit :
    Le sénatus-consulte rendu sous le consulat de C. Calvisius et L. Passienus, en ma présence et avec ma signature, concernant la sécurité des alliés du peuple romain, sera selon ma décision, afin qu'il soit connu de tous ceux que nous protégeons, envoyé dans les provinces et rattaché à mon édit. Par où il sera rendu manifeste à tous les habitants des provinces, avec quel soin moi-même et le Sénat nous veillons à ce qu'aucun de nos sujets ne souffre indûment quelque tort ou ne subisse quelque exaction.
( 1er janvier - er juillet de l'an 4 av. J. C. )
Sénatus-Consulte
    Au sujet des affaires que C. Calvisius Sabinus et L. Passienus Rufus, Consuls, ont exposées ( au Sénat ) et sur lesquelles l'Empereur César Auguste, notre Princeps, suivant avis du Conseil qu'il a réuni par tirage au sort au sein du Sénat, a voulu qu'il fût fait relation « par nous-mêmes » devant le Sénat, prenant en considération la sécurité des alliés du peuple romain, le Sénat a émis l'avis suivant :
    Nos ancêtres ont organisé par des lois des actions en répétition de sommes d'argent, afin que nos alliés puissent aisément agir en justice pour le tort qui leur aurait été fait et recouvrer les sommes dont ils auraient été dépouillés. Mais la forme de ces procès étant telle qu'elle entraîne les plus grands dépens et incommodités pour ceux-là mêmes en faveur desquels la loi a été faite, de pauvres gens parfois affaiblis par la maladie ou par l'âge étant contraints de venir de lointaines provinces pour témoigner en justice, le Sénat décide :
    Si après le présent sénatus-consulte, des alliés veulent, soit comme particuliers, soit au nom d'une communauté répéter des sommes dont ils ont été dépouillés — exception faite du cas où ils introduiraient une accusation capitale contre celui qui les leur aurait enlevées — s'ils comparaissent et dénoncent ces faits à un magistrat à qui il appartient de convoquer le Sénat, alors ce magistrat devra, dans le plus bref délai possible, les mener devant le Sénat et leur donner comme patron celui qu'ils auront eux-mêmes demandé et qui parlera pour eux devant le Sénat. Nul ne pourra contre son gré être assumé comme patron, s'il est dispensé de cette charge par la loi.
    Afin d'instruire les affaires sur lesquelles ils auront porté plainte devant le Sénat, le magistrat qui leur aura donné accès au Sénat devra le même jour et en présence d'une assemblée comprenant au moins deux cents membres, tirer au sort quatre membres parmi tous les consulaires se trouvant à Rome ou dans un rayon de vingt milles de la ville ; de même, trois membres parmi tous les prétoriens se trouvant à Rome même ou dans un rayon de vingt milles de la ville ; de même, deux, parmi tous les autres sénateurs ou ceux qui ont voix délibérative au Sénat, se trouvant à Rome ou résidant dans un rayon de vingt milles de la ville.
    Il ne tirera cependant au sort personne qui soit âgé de 70 ans ou plus, ou qui soit revêtu d'une magistrature ou d'une puissance, ou qui ait la présidence d'un jury ou qui soit curateur de l'annone, ou qui, empêché par la maladie de remplir cette charge, s'en sera délié sous serment en présence du Sénat et aura fourni en outre trois sénateurs prêtant le même serment, ou qui ait avec l'accusé des liens de parenté ou d'affinité tels qu'aux termes de la loi judiciaire Iulia il ne pourrait dans une action publique être contraint malgré lui de fournir un témoignage, ou que l'accusé aura affirmé sous serment devant le Sénat être son ennemi ; mais celui-ci n'en pourra récuser plus de trois.
    Des neuf membres désignés par le sort de cette manière, le magistrat qui procède au tirage veillera à ce que, dans les deux jours, ceux qui réclament les sommes d'argent et celui à qui elles sont réclamées en récusent à tour de rôle jusqu'à ce qu'il en reste cinq.
    Si un des juges vient à mourir avant d'avoir tranché l'affaire ou si pour une autre cause il est empêché de juger, son excuse étant confirmée par le serment de cinq membres du Sénat, alors le magistrat, en présence des juges, de ceux qui réclament les sommes d'argent comme de celui à qui elles sont réclamées, procédera à un tirage au sort supplémentaire parmi les sénateurs de même rang et ayant exercé les mêmes magistratures que celles qu'avait occupées celui au remplacement duquel il est pourvu par ce tirage, sans que par ce tirage supplémentaire, puisse être désigné un sénateur qui, aux termes du présent sénatus-consulte, n'eût pu l'être à l'égard de l'accusé ( par le premier tirage ).
    Les juges choisis auront uniquement à connaître et à juger les affaires où quelqu'un est accusé d'extorsion aux dépens de communes ou de particuliers ; et ils ordonneront de restituer toute la somme d'argent que les demandeurs auront prouvé leur avoir été extorquée, en tant que particuliers ou communes, les juges devant rendre leur sentence dans les trente jours.
    Ceux qui doivent instruire et rendre une sentence dans ces affaires, aussi longtemps qu'ils auront à instruire et à juger, seront libérés de toute charge publique à l'exception du culte public.
    Le Sénat est aussi d'avis que le magistrat qui a procédé au tirage au sort des juges, ou, en cas d'empêchement, le consul qui a les faisceaux, préside le jury et donne pouvoir de convoquer les témoins se trouvant en Italie, en sorte toutefois qu'il n'autorise pas le demandeur qui agit comme particulier à convoquer plus de cinq témoins, et ceux qui agissent au nom d'une commune, plus de dix.
    De même le Sénat est d'avis que les juges choisis en vertu du présent sénatus-consulte, déclarent ouvertement leur opinion individuelle, et que ce que la majorité aura déclaré, vaille décision.
 


 
►  Source : Stèle de marbre découverte en 1926 sur l'emplacement de l'agora de Cyrène ( Lybie ).