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LOIS
CLODIAE ( 3 janvier 58 av. J.-C. ) |
Dion Cassius, XXXVIII ( Gros, Paris, 1845-70 ). |
13. Clodius,
espérant venir bientôt à bout de Cicéron,
s'il gagnait d'abord le sénat, les chevaliers et le peuple, demanda
de nouveau qu'on fît des distributions de blé gratuites
( il avait proposé, Gabinius et Pison étant déjà
consuls, de donner du blé aux pauvres ). Il rétablit
les associations, appelées collèges dans la langue latine,
et dont l'institution était ancienne, mais qui avaient été
dissoutes pendant quelque temps. Il défendit aux censeurs de
faire disparaître un citoyen de la liste des magistrats, ou de
le noter d'infamie ; à moins qu'il n'eût été
jugé et condamné par les deux censeurs. Après avoir
séduit le peuple par ces propositions, il en fit une autre dont
je dois parler en détail, afin qu'elle soit mieux comprise par
tous les lecteurs. A Rome, les présages publics se tiraient du
ciel et de plusieurs autres choses, comme je l'ai dit ; mais les
plus puissants étaient ceux qui se tiraient du ciel : ainsi,
tandis que les autres pouvaient être pris plusieurs fois et pour
chaque entreprise, ceux qu'on tirait du ciel n'étaient pris qu'une
seule fois par jour. Ce qui les distinguait principalement, c'est que,
pour tout le reste, s'ils autorisaient certaines choses, elles se faisaient
sans qu'il fût nécessaire de prendre les auspices pour
chacune en particulier, et s'ils les interdisaient, on ne les faisait
pas. Mais ils empêchaient d'une manière absolue le peuple
d'aller aux voix ; car, par rapport au vote dans les comices, ces
présages étaient toujours regardés comme une prohibition
céleste, qu'ils fussent favorables ou non. Je ne saurais faire
connaître l'origine de cette institution : je me borne à
raconter ce que j'entends dire. Comme, dans maintes circonstances, ceux
qui voulaient s'opposer à l'adoption de certaines propositions,
ou à l'établissement de certaines magistratures, annonçaient
d'avance qu'ils observeraient le ciel tel jour, de sorte que le peuple
ne pouvait rien décréter ce jour-là ; Clodius,
craignant qu'on n'eût recours à ce moyen pour obtenir un
délai et pour faire ajourner le jugement, lorsqu'il aurait mis
Cicéron en accusation, proposa une loi portant qu'aucun magistrat
n'observerait le ciel, le jour où le peuple aurait une question
à décider par ses suffrages. |
14. Telles
furent les trames ourdies alors par Clodius contre Cicéron :
celui-ci les découvrit et tâcha de les déjouer toutes,
en lui opposant le tribun du peuple Lucius Ninnius Quadratus.
Clodius craignit que tout cela n'amenât des troubles et l'ajournement
de ses projets. Il circonvint Cicéron et le trompa, en lui promettant
de ne porter aucune accusation contre lui, s'il ne s'opposait pas à
ses propositions ; mais aussitôt que Cicéron et Ninnius
ne se tinrent plus sur leurs gardes, il fit passer ses lois et attaqua
ensuite Cicéron, qui, tout prudent qu'il croyait être,
se laissa attirer dans le piège ; si toutefois c'est Clodius
qu'il faut signaler ici, et non pas César et ceux qui s'étaient
associés à Clodius et à César. |
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