LOI CASSIA
SUR
LE PARTAGE DES TERRES ( 486 av. J.-C. ) |
Livius, II, 41 ( Nisard, Paris, 1864 ). |
1. Les
consuls suivants furent Spurius Cassius et Proculus Verginius. On conclut
avec les Herniques un traité qui leur enleva les deux tiers de
leur territoire. Cassius se proposait d'en donner la moitié aux
Latins, et l'autre moitié au peuple. 2. Il
voulait ajouter à ce présent quelques portions de territoire,
qu'il accusait des particuliers d'avoir usurpées sur l'état.
Un grand nombre de patriciens étaient alarmés du danger
qui menaçait leurs intérêts et leurs propres possessions ;
mais le sénat tout entier tremblait pour la république,
en voyant un consul se ménager, par ses largesses, un crédit
dangereux pour la liberté. 3. Ce
fut alors, pour la première fois, que fut promulguée la
loi agraire, qui, depuis cette époque jusqu'à la nôtre,
n'a jamais été mise en question sans exciter de violentes
commotions. 4. L'autre consul s'opposait
au partage, soutenu par les sénateurs, et n'ayant pas même
à lutter contre tout le peuple, dont une partie commençait
à se dégoûter d'un présent qu'on enlevait
aux citoyens pour le leur faire partager avec les alliés ;
5. d'ailleurs, il entendait souvent le
consul Verginius répéter dans les assemblées, comme
s'il obéissait à une inspiration prophétique, "que
les faveurs de son collègue étaient empoisonnées ;
que ces terres deviendraient, pour leurs nouveaux possesseurs, un instrument
de servitude ; qu'on se frayait le chemin de la royauté.
6. Pourquoi donc accueillir ainsi les
alliés et les Latins ? Pourquoi rendre aux Herniques, naguère
les ennemis de Rome, le tiers du territoire conquis sur eux, si ce n'est
pour que ces peuples mettent à leur tête Cassius, au lieu
de Coriolan ?" 7. L'adversaire
de la loi agraire commençait, malgré son opposition, à
gagner de la popularité. Bientôt, l'un et l'autre consul
flattèrent le peuple à l'envi. Verginius déclarait
qu'il consentirait au partage des terres, pourvu qu'on n'en disposât
qu'en faveur des citoyens romains. 8. Cassius,
que sa condescendance intéressée pour les alliés,
dans la distribution des terres, avait rendu méprisable aux yeux
des citoyens, voulait, pour se réconcilier les esprits par un
nouveau bienfait, qu'on fît remise au peuple de l'argent reçu
pour le blé de Sicile. 9. Mais
le peuple rejeta dédaigneusement ce don, comme s'il y voyait
le prix de la royauté. Ainsi ce soupçon, une fois enraciné
dans les esprits, faisait mépriser, comme au sein de l'abondance,
les présents que leur faisait le consul. 10. À
peine sorti de charge, il fut condamné et mis à mort ;
voilà ce qui est certain. Quelques auteurs prétendent
que son père ordonna lui-même son supplice ; qu'ayant
instruit dans sa maison le procès de son fils, il le fit battre
de verges et mettre à mort, et consacra son pécule à
Cérès. On en fit une statue avec cette inscription :
"Donné par la famille Cassia". 11. Je
trouve dans quelques historiens, et ce récit me paraît
plus vraisemblable, qu'il fut accusé de haute trahison par les
questeurs Gaius Fabius et Lucius Valérius, et condamné
par un jugement du peuple, qui ordonna aussi que sa maison fût
rasée ; c'est la place qu'on voit devant le temple de la
Terre. 12. Au reste, que son arrêt
ait été prononcé par son père ou par le
peuple, il fut condamné sous le consulat de Servius Cornélius
et de Quintus Fabius. |
Valerius Maximus, V, 8 ( Constant, Paris, 1935 ). |
2. Cassius
imita son exemple. Son fils avait le premier, pendant son tribunat,
porté une loi concernant le partage des terres, et par plusieurs
autres actes de popularité avait captivé l'affection de
la multitude. Quand il eut quitté cette magistrature, Cassius,
assemblant ses proches et ses amis, le condamna, dans un conseil de
famille, comme coupable d'avoir aspiré à la royauté,
le fit battre de verges, mettre à mort, et consacra à
Cérès les biens qui lui appartenaient personnellement. |
Florus, I, 26 ( Nisard, Paris, 1865 ). |
7. ... Spurius
Cassius et Mélius, soupçonnés d'aspirer à
la royauté, l'un par la proposition de la loi Agraire,
l'autre par ses libéralités, furent punis par une mort
prompte. Ce fut son père même qui fit subir à Spurius
son supplice ; Mélius fut tué au milieu du Forum
par le maître de la cavalerie, Servilius Ahala, d'après
l'ordre du dictateur Quinctius. ... |
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