LOI
AQUILIA SUR LA RÉPRESSION DES DOMMAGES ( 289-286 av. J.-C. ? ) |
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Présentation du texte |
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La
loi Aquilia, déjà connue de Junius Brutus ( D.,
9, 2, fr., 27, 22 ), est, en réalité, un plébiscite : aussi
ne peut-elle être antérieure à la loi Hortensia
qui, en 289 av. J.-C., donna définitivement force de loi
aux plébiscites, mais, en raison de son caractère archaïque,
on est porté à croire qu'elle a été votée
en l'an 287, lors de la dernière sécession de la plèbe,
en vue d'assurer la répression efficace des dommages qui souvent
étaient causés par les patriciens aux paysans plébéiens.
La loi Aquilia, d'une part, substitua aux amendes fixes, une peine proportionnelle
au dommage causé, et, d'autre part, punit sévèrement
la contestation mensongère de faits d'autant plus difficiles
à prouver qu'ils se passaient fréquemment à la
campagne, en dehors de la présence du propriétaire. La loi Aquilia, malgré son domaine d'application relativement large, ne pouvait servir à réprimer tous les dommages causés à autrui, car elle faisait l'objet d'une interprétation stricte, mais le préteur et les jurisconsultes, à l'aide d'actions utiles, ont sanctionné un grand nombre d'autres faits dommageables : toutefois, le droit romain n'a jamais connu un principe aussi général que celui posé par l'art. 1382 de notre Code civil ( Cf. Raymond Monier, Manuel élémentaire de droit romain, t. 2, Les Obligations, 3e éd., Domat-Montchrestien, Paris, 1944, n° 41, pp. 67-68 ). |
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Gaius, Institutes, III ( Reinach, Paris, 1965 ). |
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210.
L'action pour dommages causés injustement est réglée
par la loi Aquilia qui dispose dans son chapitre premier, que celui
qui aura tué injustement l'esclave d'autrui ou le quadrupède
faisant partie de son bétail soit condamné à donner
au maître la valeur maximum qu'a eue la chose dans l'année.
211. Tuer injustement signifie tuer par dol
ou par faute ; aucune autre loi ne punit le dommage causé
sans injustice ; reste donc impuni qui, sans faute ni dol malicieux,
cause un dommage par suite d'un accident. 212.
Dans l'action relevant de cette loi, on ne se borne pas à apprécier
la valeur du corps de la victime, mais, – et ce à bon droit
– si le maître éprouve du fait de la mort de l'esclave
un préjudice supérieur au prix même de l'esclave,
on évalue aussi ce surplus de préjudice. Exemple :
mon esclave institué héritier est tué avant de
prendre parti sur mon injonction pour la succession : on évalue
non seulement la valeur de l'esclave, mais aussi le montant de la succession
qui m'échappe. De même, si, dans un groupe de jumeaux,
de comédiens, de musiciens, un individu vient à être
tué, on fera l'estimation non seulement de la victime, mais aussi
de l'importance de la dépréciation du groupe. Même
solution quant au meurtre d'une des mules d'une paire ou d'un des chevaux
d'un quadrige. 213. Celui dont l'esclave a
été tué peut choisir entre une poursuite criminelle
contre le meurtrier ou une action pour dommages de la loi en question.
214. La loi porte que l'indemnité
a pour mesure « la valeur maximum qu'aura eue la chose pendant
l'année. » Conséquence : on tue un esclave
boiteux ou borgne qui dans le courant de l'année était
intact ; l'estimation se fera d'après la valeur qu'il a
eue, quoique l'indemnité dépasse ainsi parfois le préjudice
causé. |
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215.
Chapitre II. Un adstipulant a reçu de l'argent en fraude du stipulant.
L'action est donnée contre lui pour un montant équivalent.
216. Il est manifeste que cette action a été
introduite dans cette partie de la loi au titre du préjudice.
Mais ce n'était pas nécessaire : l'action du mandat
suffisait, si ce n'est que par la loi en question celui qui nie est
actionné au double. |
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217.
Chapitre III. Ce chapitre traite de toute autre cause de dommage :
blessures causées à un esclave ou à un quadrupède
considéré comme bétail, meurtre ou blessure d'un
autre quadrupède, tel que chien ou bête sauvage ( ours,
lion ) ; la réparation du dommage causé sans
droit pour tout autre animal ou objets inanimés ressortit aussi
à cette partie de la loi. Une action relevant de ce chapitre
est en effet ouverte en cas de brûlure, de rupture, de fracture :
le terme de rupture couvrirait d'ailleurs tout, car il s'applique à
toute espèce de dégât. Il comprend donc non seulement
les brûlures ou les fractures, mais aussi les coupures, les brisures,
les fuites et toute espèce de détérioration, usure
ou moins-value. 218. Les dommages visés
par ce chapitre ne donnent pas lieu toutefois à une indemnité
calculée sur la valeur de la chose dans l'année, mais
sur celle des trente derniers jours. La loi ne spécifie pas :
valeur maximum : aussi, selon certains, le juge serait-il libre
de choisir dans ce laps de temps soit la valeur maximum soit la valeur
minimum. Mais Sabinus a décidé qu'il fallait sous-entendre
ici le mot maximum, le législateur ayant jugé suffisant
de l'exprimer dans le premier chapitre. 219.
Il a été décidé que l'action relevant de
cette loi ne s'appliquait qu'aux dommages causés par une action
physique, car pour les autres dommages, on donne des actions utiles.
Exemples : on enferme l'esclave ou une tête de bétail
d'autrui et on les laisse mourir de faim ; on traite si brutalement
sa bête de somme qu'elle se brise un membre ; on persuade
l'esclave d'autrui de grimper sur un arbre ou de descendre dans un puits
et en grimpant ou en descendant il tombe, il se tue ou se blesse ;
de même si l'on a précipité l'esclave d'autrui d'un
pont ou de la berge dans une rivière et qu'il se soit noyé,
quoique il ne soit pas difficile d'admettre que celui-là a causé
un dommage par une action physique du fait qu'il l'a précipité. |
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