LOI APULEIA
   
ÉDICTANT LE LOTISSEMENT INDIVIDUEL DES PLAINES DU PÔ
   
( 100 av. J.-C. )


     
Appianus, Bell. Civ., I ( Combes-Dounous,
Paris, 1808 ).
  

 
29. Métellus aussi fut banni par ses ennemis avec l'aide de Caius Marius, qui était alors consul pour la sixième fois et qui était en secret son ennemi. C’est pourquoi ils travaillèrent main dans la main. Apuleius proposa une loi pour diviser la terre que les Cimbres (une tribu celtique récemment battue par Marius) avaient prises dans le pays que les Romains appellent maintenant la Gaule et qui était devenu à ce moment non plus un territoire gaulois mais romain. Cette loi prévoyait que, si le peuple la votait, les sénateurs devaient prêter serment dans les cinq jours de lui obéir et que ceux qui refusaient de le faire seraient expulsés du Sénat et devraient payer une amende de 20 talents au profit du peuple. Ainsi ils avaient l’intention de punir ceux qui s’opposaient et particulièrement Métellus, qui était trop orgueilleux pour se soumettre au serment. Telle était la proposition de loi. Apuleius choisit le jour pour tenir les comices et envoya des messagers pour rameuter des tribus rustiques ceux en qui il avait le plus confiance parce qu'ils avaient servi dans l'armée de Marius. Car la loi faisait la part belle aux alliés italiens alors qu’elle ne plaisait aux habitants de la ville.
30. Des troubles éclatèrent le jour des comices. Ceux qui tentèrent d'empêcher le vote des lois proposées par les tribuns furent insultés par Apuleius et écartés des rostres. La foule urbaine hurla qu’on avait lors de l'assemblée entendu le tonnerre et que la coutume romaine, dans ce cas-là, n’autorisait pas de terminer ce jour-là les affaires en cours. Malgré cela les partisans d'Apuleius persistèrent. Les habitants de la ville se regroupèrent, saisirent des morceaux de bois qui se trouvaient à portée de main et dispersèrent les gens de la campagne. Ces derniers furent rassemblés par Apuleius et attaquèrent à leur tour les gens de la ville avec des massues, les repoussèrent et firent voter la loi. Aussitôt après, Marius, comme consul, proposa au sénat d’examiner la question. Sachant que Métellus était un homme avec des opinions bien arrêtées et résolu à dire ce qu’il pensait, Marius donna lui-même en premier lieu publiquement son propre avis, mais hypocritement en disant qu’il ne prêterait jamais lui-même ce serment volontairement. Métellus fut d’accord avec lui et tous les autres les approuvèrent tous les deux. Marius renvoya le sénat. Le cinquième jour (le dernier jour prescrit par la loi pour prêter le serment) il les appela tous ensemble dans la précipitation à la dixième heure en disant qu'il avait peur du peuple parce que celui-ci voulait absolument la loi. Il dit qu’il connaît un subterfuge pour se tirer d'affaire : de jurer qu'ils obéiraient à la loi dans la mesure où c'était une loi et immédiatement après ils disperseraient par ce stratagème les gens de la campagne. Ensuite on pourrait facilement montrer que cette loi, qui avait été votée par violence, après que le tonnerre ait grondé et contrairement à la coutume de leurs ancêtres, n'était pas vraiment une loi.
31. Après avoir dit cela il ne perdit pas de temps. Tandis que tout le monde était muet de stupéfaction devant ce subterfuge, Marius ne leur donnant pas le temps de penser se leva et alla au temple de Saturne où les questeurs reçoivent d’habitude les serments. Il prêta d’abord serment avec ses amis. Le reste suivit son exemple parce que chacun craignait pour sa propre sécurité. Seul Métellus refusa de jurer et avec intrépidité maintint son premier avis. Apuleius, sans tarder, lui envoya le jour suivant son représentant et essaya de le chasser du Sénat. Mais comme les autres tribuns le défendaient, Glaucia et Apuleius se précipitèrent chez les gens de la campagne et leur dirent qu'ils n'obtiendraient jamais de terres, que la loi ne pourrait pas être votée à moins que Métellus ne soit banni. Alors ils proposèrent un décret d'exil contre celui-ci et ordonnèrent aux consuls de lui interdire le feu, l'eau et l'asile. Ils fixèrent un jour pour que les gens de la ville ratifient le projet. Ceux-ci escortaient constamment Métellus en portant des poignards. Il les remercia et les félicita pour leurs bonnes intentions mais a dit qu'il ne pouvait permettre que le pays soit en danger à cause de lui. Après avoir dit cela, il se retira de la ville. Apuleius obtint la ratification du décret et Marius fit la proclamation du contenu du décret.
 

     
Livius, Per., LXIX ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
L. Apuléius Saturninus, appuyé du crédit de C. Marius, fait tuer par des soldats A. Nunnius, son compétiteur, et se fait ainsi élire tribun du peuple. Il exerce le tribunat, comme il l'avait obtenu, par la violence. Après avoir fait passer, par les mêmes moyens, une loi agraire, il fait assigner Metellus Numidicus, qui refusait de jurer obéissance à cette loi.
 

     
Plutarch, Mar. ( Ricard, Paris, 1840 ).
  

 
30. ... Saturninus, devenu tribun, proposa pour le partage des terres une loi qui portait que le sénat viendrait jurer, dans l'assemblée du peuple, de ratifier ce que le peuple aurait ordonné, et de ne s'opposer à aucune de ses lois. Marius feignit, dans le sénat, de désapprouver cet article de la loi, et déclara que ni lui, ni aucun sénateur qui eût du sens, ne prêterait un pareil serment : « Car, ajouta-t-il, si la loi proposée n'était pas mauvaise, ce serait faire injure au sénat que de le forcer par le serment à ce qu'il devrait faire par persuasion et de bonne volonté. » Ce n'était pas qu'il pensât réellement ce qu'il disait : mais il tendait à Métellus un piège inévitable. Persuadé que le mensonge faisait partie de la vertu et de l'habileté, il ne se croyait pas lié par ce qu'il aurait dit dans le sénat ; mais sachant que Métellus était d'un caractère ferme, qu'il pensait, avec Pindare, que la vérité est le fondement de la vertu parfaite, il voulait le prendre dans ses propres paroles, afin que le refus qu'il aurait déjà fait dans le sénat, et qu'il répéterait devant l'assemblée, attirât sur lui la haine implacable du peuple. La chose arriva comme il l'avait espéré : Métellus ayant refusé le serment, le sénat leva la séance.
31. Peu de jours après, Saturninus avant appelé les sénateurs à la tribune pour exiger d'eux le serment, Marius se présenta. Il se fit aussitôt un grand silence, et tous les yeux se fixèrent sur lui. Alors s'embarrassant fort peu de ce qu'il avait si hardiment avancé dans le sénat, mais à la vérité, du bout des lèvres, il dit qu'il n'avait pas le cou assez gros pour s'en tenir, sur une si grande affaire, à ce qu'il avait dit une première fois ; qu'il jurerait donc et obéirait à la loi, si toutefois c'était une loi : restriction qu'il ajouta avec adresse, comme un voile pour cacher sa honte. Dès qu'il eut fait le serment, le peuple ravi de joie battit des mains et fit entendre les plus vives acclamations ; mais les nobles furent aussi affligés qu'indignés d'un pareil changement. Les sénateurs, qui craignaient la colère du peuple, jurèrent tous, jusqu'à Métellus. Pour lui, quelques instances que lui fissent ses amis pour l'engager à faire le serment, et à ne pas s'exposer aux peines rigoureuses dont Saturninus menaçait ceux qui refuseraient de le prêter, il ne perdit rien de sa fermeté, et ne jura point. Toujours invariable dans son caractère, prêt à tout souffrir plutôt que de rien faire de honteux, il sortit de l'assemblée, et dit à ceux qui l'accompagnaient : « Que faire le plus léger mal était une lâcheté ; que faire le bien quand il n'y avait pas de danger, c'était une disposition commune ; mais que le faire en s'exposant à de grands périls, c'était agir en homme véritablement vertueux. » Saturninus fit à l'instant même un décret par lequel il était ordonné aux consuls de faire publier qu'on interdisait à Métellus le feu et l'eau, et qu'il était défendu à tout citoyen de le recevoir chez lui. La plus vile populace s'offrait même pour aller le tuer ; mais tous les bons citoyens ; touchés de l'injustice qu'on lui faisait, coururent en foule chez lui pour le défendre. Métellus ne voulut pas être la cause d'une sédition, et prit le sage parti de sortir de Rome : « Ou les affaires, disait-il, prendront une meilleure tournure, et le peuple se repentira de ce qu'il fait aujourd'hui, alors il me rappellera lui-même ; ou elles resteront dans le même état, et dans ce cas il vaut mieux être éloigné. »
 

     
Plutarch, Crass., 2 ( Ricard, Paris, 1830 ).
  

 
... Car la guerre, suivant Archidamus, ne se fait pas sur une dépense fixe et réglée ; on ne saurait déterminer les fonds qu'elle exige. En cela il n'était pas de l'avis de Marius, qui, ayant distribué à chacun de ses soldats quatorze arpents de terre, et ayant su qu'ils en demandaient davantage : « A Dieu ne plaise, dit-il, qu'il y ait un seul Romain qui trouve trop petite une portion de terre qui suffit à sa nourriture ! »