LOI AGRAIRE
   
RESTREIGNANT LE DROIT D'« OCCUPATIO » À 500 JUGÈRES PAR OCCUPANT
   
( 145 av. J.-C. )


     
Appianus, Bell. Civ., I, 8 ( Combes-Dounous,
Paris, 1808 ).
  

 
Cet état de chose (le développement de la grande propriété) excitait le mécontentement du peuple romain. Car il voyait que les auxiliaires pour le service militaire allaient lui manquer, et que le maintien de sa puissance serait compromis au milieu d'une si grande multitude d'esclaves. On n'imaginait pas néanmoins de remède à ce mal, parce qu'il n'était ni facile, ni absolument juste de dépouiller de leurs possessions, de leurs propriétés agrandies, améliorées, enrichies de bâtiments, tant de citoyens qui en jouissaient depuis si longues années. Les tribuns du peuple avaient en effet anciennement éprouvé de grandes difficultés pour faire passer une loi, qui portait que nul citoyen ne pourrait posséder de ces terres au-delà de cinq cents arpents, ni avoir en troupeaux au-dessus de cent têtes de gros et de cinquante têtes de menu bétail. La même loi avait enjoint aux propriétaires de prendre à leur service un nombre déterminé d'hommes libres, pour être les surveillants et les inspecteurs de leurs propriétés. Ces dispositions de la loi furent consacrées par la religion du serment. Une amende fut établie contre ceux qui refuseraient de s'y conformer ; et les portions de terres récupérées en conséquence, l'on devait en disposer sur-le-champ en faveur des citoyens pauvres et les leur aliéner à vil prix. Mais ni la loi ni les serments ne furent respectés. Quelques citoyens, afin de sauver les apparences, firent, par des transactions frauduleuses, passer leur excédent de propriété sur la tête de leurs parents ; le plus grand nombre bravèrent la loi complètement.
 

     
Plutarch, Gr., 8 ( Ricard, Paris, 1840 ).
  

 
Les Romains, quand ils avaient conquis à la guerre des terres appartenant à des peuples voisins, en vendaient une partie et nationalisaient le reste, qu'ils donnaient à exploiter aux citoyens sans propriété et sans ressources, moyennant une faible redevance au profit du Trésor. Comme les riches offraient des redevances plus fortes et évinçaient ainsi les pauvres, on porta une loi qui ne permettait pas d'avoir plus de cinq cents arpents. Cette mesure mit un frein, pour un peu de temps, à l'avidité des riches et vint en aide aux pauvres qui pouvaient rester sur place, dans les propriétés qui leur étaient affermées et qu'ils exploitaient depuis le début. Plus tard leurs voisins riches se firent transférer les locations à ferme grâce à des prête-noms, et comme à la fin, ils occupaient ouvertement, par eux-mêmes, la plupart de ces biens, les pauvres, ainsi refoulés, ne se prêtaient plus avec zèle aux expéditions militaires et négligeaient même d'élever des enfants. Ainsi toute l'Italie ressentit bientôt la pénurie d'hommes libres et se remplit de prisonniers barbares, dont les riches se servaient pour labourer la terre à défaut de citoyens qu'ils en avaient chassés.