RESCRIT
DE JUSTINIEN CONCERNANT LES ACQUISITIONS FAITES PAR DES PERSONNES EN PUISSANCE ( 529 apr. J.-C. ) |
( A. Levet, E. Perrot & A. Fliniaux, Textes et documents.., Paris, 1931, pp. 35-38, n. 45 ). |
Considérant
qu'il convient de prendre les mêmes mesures de prévoyance
à l'égard des pères que des enfants, et nous étant
aperçu en étudiant le droit ancien qu'il y a beaucoup
de choses qui parviennent aux enfants pour des causes étrangères
à leurs parents, et qui ne sont pas acquises à ces derniers,
nous allons régler de manière certaine, à l'exemple
des successions maternelles et des gains nuptiaux, le sort des biens
qui parviennent aux enfants en vertu de causes autres. 1.
Si donc un fils de famille, placé sous la puissance de son père,
de son aïeul, ou de son bisaïeul, a acquis pour soi quelque
bien, non pas avec l'argent du titulaire de la puissance mais en vertu
de tout autre cause, que tout ce qui lui reviendra par l'effet d'une
heureuse fortune ou de son industrie, il le fasse acquérir à
ses ascendants non pas en pleine propriété comme on le
décidait autrefois, mais seulement en usufruit ; que le
père, grand-père ou arrière-grand-père qui
a le fils de famille sous son culte ( = puissance ) en retienne
l'usufruit, mais que la propriété en appartienne à
ce dernier, à l'exemple des successions maternelles et des gains
nuptiaux acquis par le fils. l a. Et
ainsi, le père ne subit aucune atteinte, puisqu'il a l'usufruit
de ces biens, et les enfants n'auront pas la douleur de voir le fruit
de leurs travaux passer à d'autres personnes, à des étrangers
ou à des frères, ce à quoi beaucoup sont encore
plus sensibles. l b. Nous exceptons
de ces dispositions le pécule castrense, sur lequel
les anciennes constitutions n'accordent même pas un usufruit au
père, aïeul, ou bisaïeul, c'est qu'en effet ici nous
n'innovons pas, conservant intact le droit ancien. La même règle
sera à observer aussi pour le pécule quasi castrense
établi sur le modèle du pécule castrense.
l c. A ce que nous venons de dire,
nous ajoutons cette règle, que l'on doit observer, à l'égard
de la succession de ces biens que les fils de famille acquièrent
par des causes étrangères à leurs ascendants, les
mêmes dispositions que celles qui ont été établies
pour les biens maternels et les gains nuptiaux. 2. Que
les fils de famille n'aient pas la témérité d'espérer
qu'ils auront une hypothèque sur les biens de leur père
encore en vie ou déjà mort, ou qu'ils pourront l'obliger
à rendre des comptes pour son administration. Nous lui interdisons
seulement l'aliénation ou l'hypothèque en son nom ;
mais qu'il ait, sur les biens qui sont acquis de la manière susdite
par les fils de famille, les plus larges pouvoirs d'user et de jouir.
2 a. Que leur administration soit
à l'abri de tout châtiment, et qu'en aucune manière
le fils de famille, la fille ou autre descendant, n'aient l'audace d'interdire
à celui sous la puissance de qui ils se trouvent, de retenir
ou d'administrer ces biens à sa guise ; ou bien s'ils le
font, qu'on exerce contre eux les prérogatives de la puissance
paternelle : qu'ainsi le père ou les autres personnes que
nous avons énumérées ci-dessus, aient sur les biens
acquis de la façon susdite les plus larges pouvoirs d'administration
d'usage et de jouissance. 2 b. Si
le père, l'aïeul ou le bisaïeul a acquis quelque chose
de l'usage de ces biens, qu'il lui soit loisible d'en disposer à
son gré et de le transmettre à d'autres héritiers,
ou bien, si, avec les fruits de ces biens, il a acheté des choses
mobilières, immobilières, ou se mouvant elles-mêmes,
qu'il les possède, les transmette et les transfère, comme
il le voudra, à d'autres personnes, soit à des étrangers,
soit à ses enfants ou à tout autre. 2 c. Si
l'ascendant n'a pas voulu retenir les choses qui lui ont été
acquises de la manière indiquée, mais les a laissées
en la possession du fils, de la fille, ou autre descendant, que les
autres héritiers du père, grand-père, arrière-grand-père
ne puissent en aucune manière après sa mort revendiquer
cet usufruit ou les avantages qui en sont résultés pour
les fils de famille, comme étant dus au père... 3. Considérant
qu'une constitution de Constantin portait que, lorsque les titulaires
de la puissance libèrent par émancipation les fils de
famille du lien paternel, le père doit recevoir du fils et retenir,
en guise en quelque sorte d'indemnité, le tiers des biens qui
ne lui sont pas acquis, et que par là les biens des enfants se
trouvaient de nouveau diminués d'une part non minime ; nous
ordonnons qu'en pareil cas... les ascendants qui accordent l'émancipation
ne recevront pas le tiers en pleine propriété des biens
qu'ils n'ont pas acquis, mais la moitié en usufruit ; nous
exceptons seulement les pécules castrense et quasi
castrense, qui même en cette hypothèse ne souffrent
aucune diminution. De la sorte, on ne retranchera rien à la propriété
des enfants de l'un et l'autre sexe, et l'usufruit du père portera
sur une plus grande portion de biens... |
► Source : Code de Justinien, VI, 61, 6. |