|
ÉDIT
DES TRIUMVIRS PROSCRIVANT LEURS ADVERSAIRES ( 43 av. J.-C. ) |
Appianus, Bell. Civ., IV, 2 ( http://remacle.org ). |
8. Voici
les termes de la proscription : « Marcus Lepidus, Marcus
Antonius et Octavius Caesar, choisis par le peuple pour gouverner et
mettre la république sur le droit chemin, déclarent que,
si de perfides traitres n'avaient pas demandé pitié et
quand ils l'ont obtenue n'étaient pas devenus les ennemis de
leurs bienfaiteurs et n'avaient pas conspiré contre eux, Gaius
Caesar n'aurait pas été massacré par ceux qu'il
a sauvé par sa clémence après les avoir capturé
lors de la guerre, ceux qu'il a considéré comme des amis
et à qui il a donné des charges, des honneurs et des cadeaux ;
et nous ne devrions pas être obligés d'employer cette sévérité
contre ceux qui nous ont insultés et nous ont déclarés
ennemis publics. Maintenant, voyant que la méchanceté
de ceux qui ont conspiré contre nous et de ceux qui ont fait
souffrir Gaius Caesar, ne peut pas être amadouée par la
bonté, nous préférons prévenir nos ennemis
plutôt que de souffrir de leurs mains. Que personne, en voyant
ce que César et nous-mêmes avons souffert ne considère
notre action injuste, cruelle, ou immodérée. Bien que
César ait été revêtu du pouvoir suprême,
bien qu'il ait été Pontifex Maximus, bien qu'il ait renversé
et ait ajouté à notre influence les nations les plus redoutables
pour les Romains, bien qu'il ait été le premier homme
à parcourir une mer inconnue au delà des colonnes d'Hercule
et qu'il ait découvert un pays inconnu jusqu'ici des Romains,
cet homme a été massacré au milieu du Sénat,
qui est considéré comme sacré, sous les yeux des
dieux, de vingt-trois blessures horribles, par les hommes qu'il avait
fait prisonniers lors de la guerre et qu'il avait épargnés,
et qu'il avait fait de certains d'entre eux des cohéritiers de
sa richesse. Après ce crime exécrable, au lieu d'arrêter
les misérables coupables, les autres les ont envoyés comme
commandants et gouverneurs, où ils pouvaient s'emparer de l'argent
public, avec lequel ils rassemblent une armée contre nous et
cherchent des renforts chez les barbares toujours hostiles au commandement
de Rome. Les villes sujettes de Rome qui ne voulaient pas leur obéir,
il les ont brûlées ou ravagées ou rasées ;
d'autres villes, ils les ont forcées par la terreur à
prendre les armes contre leur patrie et contre nous. 9. Nous
avons déjà puni certains d'entre eux ; et avec l'aide
de la providence vous verrez les autres punis. Bien que la partie principale
de ce travail ait été achevée par nous et soit
bien sous notre contrôle : à savoir le contrôle
de l'Espagne, de la Gaule aussi bien qu'ici en Italie, il nous reste
une tâche à accomplir : marcher contre les assassins
de César au delà des mers. Pour nous qui allons faire
la guerre pour vous à l'extérieur, il n'y a pas de sécurité
ni pour vous, ni pour nous, à laisser un autre ennemi derrière
nous pour tirer profit de notre absence et attendre une occasion pendant
la guerre ; et nous ne pensons pas qu'il faut encore tergiverser
sur leur compte, mais qu'il faut plutôt les balayer hors de notre
chemin une fois pour toutes, en voyant qu'ils ont commencé la
guerre contre nous quand ils ont voté que notre armée
et nous étions des ennemis publics. 10. Combien
de citoyens n'ont-ils pas, de leur côté, condamnés
à mort avec nous, sans tenir compte de la vengeance des dieux
et de la réprobation de l'humanité ! Nous ne traiterons
pas durement l'ensemble, et nous ne considérerons pas comme ennemis
tous ceux qui se sont opposés à nous ou ont comploté
contre nous, ou tous ceux qui se distinguent simplement par leurs richesses,
leurs biens ou leur position élevée ; nous ne massacrerons
pas autant qu'un autre homme qui avait le pouvoir suprême avant
nous, quand lui, aussi, commandait l'État lors de guerres civiles,
et que vous avez appelé Felix à cause de son succès ;
mais il est évident que trois personnes ont plus d'ennemis qu'une
seule. Nous nous vengerons seulement des plus mauvais et des plus coupables.
Nous le ferons autant pour votre intérêt que pour le nôtre,
parce que, aussi longtemps que nous restons en conflit, vous encourrez
les plus grands dangers, et il est nécessaire pour nous aussi
de faire quelque chose pour calmer l'armée, qui a été
insultée, offensée, et décrétée ennemi
public par nos ennemis communs. Bien que nous puissions arrêter
sur place ceux que que nous avons décidé de punir, nous
préférons les proscrire plutôt que de saisir des
gens qui ne s'y attendent pas ; et ceci aussi avec votre accord,
pour que des soldats enragés n'en arrivent à outrepasser
les ordres contre des personnes non responsables, mais que, limités
à un certain nombre de personnes désignées par
leur nom, ils épargnent les autres selon l'ordre reçu. 11. Qu'il
en soit ainsi ! Que personne ne reçoive aucun de ceux dont
les noms sont inscrits ici, ni ne les cache, ni ne les éloigne,
que personne ne se fasse corrompre par de l'argent. Celui qu'on trouvera
essayant de les sauver, ou de les aider, ou de connivence avec eux,
nous l'ajouterons à la liste des proscrits sans accepter aucune
excuse ni pardon. Que ceux qui tuent les proscrits nous apportent leurs
têtes et reçoivent les récompenses suivantes :
un homme libre percevra 25.000 drachmes attiques par personne ;
un esclave sa liberté et 10.000 drachmes attiques et le droit
de cité de son maître. Les délateurs recevront les
mêmes récompenses. Pour garder l'anonymat, les noms de
ceux qui reçoivent les récompenses ne seront pas inscrits
dans nos registres. » |
|