QUINTILIEN :
QUELQUES MODES DE PREUVE ( Apr. 42 apr. J.-C. ) |
( J. Imbert in Histoire des Institutions.., Paris, 1957, pp. 227-228, n. 128 ). |
4. Il
en est de même de la torture, qui est un lieu commun
très souvent traité. Ceux-ci disent que la question est
un moyen infaillible pour faire avouer la vérité ;
ceux-là qu'elle produit souvent un effet tout contraire, en ce
qu'il y a des hommes à qui la force de résister aux tourments
permet de mentir, et d'autres que leur faiblesse y contraint. Je ne
m'étendrai pas davantage sur ce genre de preuves : les plaidoyers
anciens et modernes en offrent une foule d'exemples. Il y a cependant,
dans chaque cause, certaines circonstances particulières qu'il
sera bon de prendre en considération. S'il s'agit, par exemple,
de donner la question, il importera d'examiner quel est celui qui
la demande ou qui s'offre, quel est celui qu'il demande ou
qu'il offre, contre qui et pour quelle raison ; si la question
a été déjà donnée, on examinera quel
juge y a présidé, quel est celui qui a été
torturé, et comment il l'a été ; si ce qu'il
a dit est incroyable ou conséquent ; s'il a persisté
dans ses premières déclarations, ou si la douleur l'a
forcé à se contredire ; si c'est au commencement
de la question, ou lorsque les tortures devenaient plus violentes :
circonstances qui, de part et d'autre, varient à l'infini comme
les causes elles-mêmes. |
5. Les
pièces ont été et seront souvent une matière
féconde en contestations, puisque nous voyons tous les jours
que non seulement on les récuse, mais que même on les arguë
de faux. Comme elles peuvent être attaquées, soit à
cause de la mauvaise foi, soit à cause de l'ignorance de ceux
qui les ont signées, le plus sûr et le plus facile est
de ne supposer que l'ignorance, parce qu'il y a moins de personnes enveloppées
dans l'accusation. Au reste, cela n'est pas susceptible de préceptes
généraux, et dépend de la nature de la cause :
si, par exemple, les faits contenus dans ces pièces sont incroyables,
ou, ce qui arrive le plus souvent, qu'ils soient détruits par
d'autres preuves de même espèce ; si celui contre
lequel l'acte a été signé, ou l'un des signataires,
était absent, ou mort ; si les dates ne concordent pas ;
si ce qui est articulé dans ces pièces est démenti
par les événements antérieurs ou postérieurs.
Souvent même l'inspection seule suffit pour en faire découvrir
le faux. |
6. A
l'égard du serment, le plaideur offre le sien, ou ne
reçoit pas celui qui lui est offert ; il l'exige de son
adversaire, ou refuse de le prêter quand on l'exige de lui. Offrir
son serment sans la condition que la partie adverse sera admise à
prêter le sien, est d'ordinaire un signe de déloyauté... |
7. Rien
ne donne plus d'exercice aux avocats que les dépositions
des témoins. Elles se font ou par écrit
ou de vive voix. Les dépositions écrites donnent
lieu à des débats moins compliqués. Il semble,
en effet, qu'un témoin a dû avoir moins de peine à
trahir la vérité en présence d'un petit nombre
de signataires, et son absence laisse supposer qu'il se défie
de lui-même. Si sa personne est à l'abri de tout soupçon,
on peut décrier ceux qui ont appuyé son témoignage
de leur signature. |
Mais,
quand les témoins sont présents, le combat est plus rude,
et, pour ainsi dire, double, soit qu'on les attaque, soit qu'on les
défende, en ce qu'il se livre et par le plaidoyer et par l'interrogatoire.
D'abord, dans le plaidoyer, on parle en général ou pour
ou contre les témoins : ce qui est un lieu commun, où
l'une des parties prétend qu'il n'y a pas de preuve plus solide
que celle qui s'appuie sur la connaissance humaine, et l'autre, pour
discréditer cette connaissance, énumère tout ce
qui la rend sujette à faillir... |
► Source : Quintilien, De l'institution oratoire, V, 4-7. |