LETTRE
DE MARC ANTOINE, TRIUMVIR, CONDAMNANT LES VIOLENCES FAITES AUX JUIFS ( 41 av. J.-C. ) |
Josephus, Ant. Iud., XIV, 12, 3, 306-313 ( Trad. Weill in Reinach, Paris, 1900 ). |
« Marc
Antoine, général en chef, à Hyrcan, grand-prêtre
et ethnarque, et au peuple juif, salut. Si vous allez bien, c'est à
merveille : l'armée et moi sommes en bonne santé.
Vos envoyés Lysimaque, fils de Pausanias, Joseph, fils de Mennaios,
et Alexandre, fils de Théodore, sont venus me trouver à
Ephèse ; ils ont renouvelé auprès de moi la
mission précédemment remplie par eux à Rome et
se sont acquittés avec zèle de leur mission actuelle en
ton nom et au nom du peuple, manifestant tes bonnes dispositions à
notre égard. Persuadé donc, tant par les faits que par
vos protestations, que vous avez pour nous les sentiments de la plus
réelle amitié, et connaissant d'autre part la fermeté
de vos mœurs et votre piété, je regarde votre cause
comme la mienne. Des bandes hostiles à nous-même et au
peuple romain se sont répandues dans toute l'Asie, n'épargnant
ni les villes, ni les temples, parjures à tous les serments qu'ils
avaient faits ; considérant que nous ne combattions pas
pour nous-mêmes, mais dans l'intérêt de tous, nous
avons repoussé ceux qui se rendaient ainsi coupables envers les
hommes de déloyauté, envers les dieux de sacrilèges,
capables, croyons-nous, de faire reculer le soleil, qui a vu avec horreur
le crime commis sur la personne de César. Ces complots hostiles
aux dieux, qui avaient cherché en Macédoine le seul air
respirable à leur audacieuse impiété, ce ramassis
de méchanceté forcenée qu'ils avaient formé
à Philippes, en Macédoine, occupant des positions favorables,
défendues par les montagnes jusqu'à la mer, de façon
à ne ménager d'accès que par un seul passage, nous
les avons écrasés avec l'aide des dieux, qui les avaient
condamnés pour leur criminelle entreprise. Brutus, qui s'était
enfui à Philippes, fut cerné par nous et enveloppé
dans la ruine de Cassius. Ceux-là châtiés, nous
espérons pouvoir désormais jouir de la paix et délivrer
l'Asie du fléau de la guerre. Nous faisons donc partager à
nos alliés la paix que Dieu nous a donnée. L'Asie se relève
d'une maladie grave, grâce à notre victoire. Me souvenant
donc de toi et de ton peuple, je m'occuperai de vos intérêts.
J'ai affiché des instructions dans les villes pour que ceux qui,
libres ou esclaves, ont été vendus à l'encan par
Caïus Cassius ou ceux qui étaient sous ses ordres, soient
remis en liberté ; et je veux que vous jouissiez des bienfaits
accordés par moi et Dolabella. J'interdis aux Tyriens d'user
de violence à votre égard, et je leur ordonne de restituer
tout ce qu'ils ont pris aux Juifs. J'accepte la couronne que tu m'as
envoyée. » |