AULU-GELLE : ADOPTION ET ADROGATION
 
 
( 175 ? apr. J.-C. )
 

 
J. Imbert in Histoire des Institutions.., Paris, 1957, pp. 250-252, n. 148 ).
 

L'acte par lequel un étranger est introduit dans une famille pour y jouir des droits d'enfant et d'héritier, se passe devant le préteur ou devant le peuple. Dans le premier cas, il s'appelle adoption ; dans le second, il se nomme adrogation. L'adoption a lieu pour ceux qui, étant encore soumis au pouvoir de leur père, sont cédés juridiquement par lui, après trois mancipations, à une famille étrangère, et que l'auteur de l'adoption déclare prendre pour fils, en présence du juge chargé de présider à l'acte. L'adrogation concerne ceux qui, maîtres de leur sort, se soumettent d'eux-mêmes à l'autorité d'un nouveau père, et entrent par leur libre décision dans cette condition nouvelle. Les adrogations ne se font point à la légère, et sont entourées de mesures de précaution. Les comices par curie s'assemblent sur une décision des pontifes : on examine si celui qui demande à se donner un héritier par adrogation n'est plus en état d'avoir des enfants ; si sa demande n'est pas un piège pour s'approprier les biens de celui qu'il veut prendre pour fils ; enfin on lui fait prêter le serment usité en pareil cas, suivant la formule prescrite par le grand pontife Q. Mucius. Pour être adopté par adrogation, il faut avoir atteint l'âge de puberté. On a appelé cette espèce d'acte adrogation, à cause de la requête ( rogatio ) qu'il est nécessaire d'adresser d'abord au peuple. Voici dans quels termes cette requête est conçue : « Romains, qu'il vous plaise ordonner que Lucius Valérius devienne le fils de Lucius Titius, qu'il entre dans cette famille avec les mêmes droits que s'il y était né, et que son nouveau père ait sur lui le droit de vie et de mort que tout père a sur son fils. Je vous prie, Romains, qu'il soit fait comme j'ai dit. »
Un pupille, ou une femme qui n'est point soumise au pouvoir d'un père, ne peuvent être adoptés par adrogation. La cause en est que les comices ne peuvent avoir de rapport avec les femmes, et que la puissance dont un tuteur est investi à l'égard de son pupille n'est pas assez grande pour qu'il lui soit permis d'abandonner au pouvoir d'un autre l'enfant libre confié à ses soins. Masurius Sabinus affirme que la loi permet l'adoption d'un affranchi par un homme libre ; mais il ajoute qu'elle défend et devra toujours défendre aux affranchis d'usurper par la voie de l'adoption les droits réservés aux hommes libres. Du reste, pourvu que cette antique défense soit observée, un esclave même peut être adopté par son maître devant le préteur, ainsi qu'on le voit dans beaucoup de jurisconsultes anciens dont Masurius invoque le témoignage. J'ai remarqué dans le discours sur les mœurs publiques, que P. Scipion prononça devant le peuple pendant sa censure, un passage où, en signalant plusieurs infractions aux anciennes coutumes, il se plaint que les fils adoptifs procurent aux citoyens qui les adoptent les avantages réservés par la loi à la paternité. C'est lorsqu'il dit « que le père vote dans une tribu, et le fils dans une autre ; que des fils par adoption procurent à leurs pères les mêmes privilèges que s'ils étaient leurs propres enfants ; qu'il ordonnera désormais de faire inscrire les absents sur le rôle du cens, afin que le défaut de présence ne puisse exempter personne. »


 
►  Source : Aulu-Gelle, Nuits attiques, V, 19.