LOI
GELLIA CORNELIA DONNANT À POMPÉE LE POUVOIR D'ACCORDER LE DROIT DE CITÉ ( 72 av. J.-C. ) |
Cicero, Balb. ( Cabaret-Dupaty, Paris, 1919 ). |
8. Ce
qui a donné naissance au procès qu'on intente à Balbus, c'est la loi
portée, avec l'autorisation du sénat, par L. Gellius et Cn. Cornelius;
loi qui ordonne clairement qu'on regardera comme citoyens romains ceux
que Cn. Pompée, de l'avis de son conseil, aura décorés nommément de
ce titre. Pompée, ici présent, déclare que Balbus en a été décoré. Les
registres publics en font foi, l'accusateur en convient; mais il prétend
qu'aucun membre d'un peuple fédéré ne peut obtenir le titre de citoyen
romain, si ce peuple n'a pas accepté la loi qui l'y autorise. L'excellent
jurisconsulte ! le savant antiquaire ! le merveilleux réformateur de
notre république ! Il ajoute aux traités une disposition pénale ; il
veut que les villes fédérées n'aient aucune part à nos faveurs, à nos
récompenses : car pouvait–on rien dire qui annonçât plus d'impéritie,
que d'avancer que les villes fédérées devaient accepter cette loi, lorsque
le privilége d'y donner son consentement n'est pas plus celui des villes
fédérées que de toutes les villes libres ? Tout ce qu'on a voulu en
accordant ce privilége, c'est que, si le peuple romain avait porté une
loi, et si les peuples alliés et latins l'avaient adoptée, s'ils y avaient
donné leur consentement, ils fussent alors assujettis à la même loi
que nous. On n'a pas prétendu porter la moindre atteinte à nos droits,
mais seulement permettre à ces peuples de se servir de la jurisprudence
que nous aurions établie, ou d'user de quelques-uns de nos avantages
et de nos priviléges. C. Furius, du temps de nos ancêtres, a porté une
loi sur les testaments ; Q. Voconius en a porté une sur le droit des
femmes à succéder; on en a fait une infinité d'autres sur le droit purement
civil : les Latins ont adopté celles qu'ils ont voulu. D'après
la loi Julia même, laquelle accorde aux alliés et aux Latins le droit
de cité romaine, les peuples qui n'y auront pas donné leur consentement
ne jouiront pas de ce droit. Et c'est ce qui occasionna de vives contestations
dans Naples et dans Héraclée, une grande partie des habitants de ces
villes préférant au titre de citoyens romains l'avantage de se gouverner
par leurs lois, qu'ils tenaient d'un traité. Telle est enfin la nature
de cette faculté de donner son consentement et des termes qui l'expriment,
que les peuples n'en jouissent pas comme d'un droit, mais l'obtiennent
de nous comme une grâce. Lorsque le peuple romain a sanctionné une loi,
si cette loi est telle qu'on puisse permettre à des villes fédérées
ou libres de décider elles-mêmes de quelle jurisprudence elles veulent
se servir pour ce qui les regarde, et non pour ce qui nous intéresse,
alors il faut examiner si ces villes ont donné ou non leur consentement.
Mais, lorsqu'il s'agit de notre république, de notre empire, de nos
guerres, de nos victoires, de notre sûreté, on n'a point voulu qu'elles
eussent le privilége de consentir ou de refuser. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
14. Mais
il existe certains traités, tels que ceux des Germains, des Insubriens,
des Helvétiens, des Iapides et de quelques barbares de la Gaule :
dans ces traités se trouve stipulé, par exception, qu'aucun d'eux ne
pourra être reçu par nous comme citoyen. Que si, d'après cette clause,
cela est défendu, il faut nécessairement que cela soit permis par les
traités où cette exception ne se trouve pas. Où donc est-il stipulé,
dans le traité de Gadès, que nous ne pourrons recevoir comme citoyen
aucun habitant de Gadès ? Nulle part ; et quand cette clause y
serait inscrite, elle aurait été annulée par la loi Gellia-Cornelia,
qui donnait clairement à Pompée le pouvoir d'accorder le droit de cité.
La clause, dit l'accusateur, existe, parce que le traité est consacré.
Je vous pardonne de n'être pas fort sur les lois carthaginoises, puisque
vous avez abandonné votre ville, et de n'avoir pu étudier les nôtres,
puisque elles-mêmes, par un jugement public, vous ont éloigné de tout
moyen de les connaître. Qu'y avait-il dans la loi portée en faveur de
Pompée par les consuls Gellius et Lentulus, qui pût être regardé comme
une clause consacrée ? D'abord il ne peut y avoir de consacré que ce
que le peuple, assemblé par curies et par centuries, a sanctionné :
ensuite, les sanctions doivent être consacrées ou par la nature même
de la loi, ou par une invocation aux dieux qui lui donne un caractère
sacré, ou par le genre de la peine qui livre à leur colère la tête de
l'infracteur. Or, trouvez-vous rien de tel dans le traité de Gadès ?
Soutenez-vous qu'il est consacré par l'anathème prononcé contre l'infracteur,
ou par l'invocation énoncée dans la loi ? Je dis, moi que rien, absolument
rien de tout ce traité n'a été déféré au peuple assemblé par curies
et par centuries : que si quelque proposition lui a été faite concernant
les habitants de Gadès, il n'y a jamais eu de loi formelle ni de peine
portée pour nous interdire de recevoir aucun d'eux connue citoyen. Dans
tous les cas, on devrait s'en tenir à ce que le peuple aurait depuis
ordouné, sans avoir égard à aucune clause précédente, quoique consacrée.
Mais lorsque le peuple n'a jamais rien ordonné au sujet des Gaditains,
vous osez prononcer le nom de consacré ! |
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