GAIUS : LES SOURCES DU DROIT
 
 
( 160 apr. J.-C. )
 

 
J. Reinach, Gaius, Institutes, Paris, 1965, pp. 1-2 ).
 

 
      1. Tout peuple régi par le droit écrit et par la coutume suit en partie un droit qui lui est propre, en partie un droit qui lui est commun avec l'ensemble du genre humain. En effet, le droit que chaque peuple s'est donné lui-même lui est propre et s'appelle droit civil, c'est-à-dire droit propre à la cité, tandis que le droit que la raison naturelle établit entre tous les hommes est observé de façon semblable chez tous les peuples et s'appelle droit des gens, c'est-à-dire droit dont toute la gent humaine fait usage. C'est ainsi que le peuple romain est régi en partie par un droit qui lui est propre, en partie par le droit commun à tous les hommes. La discrimination entre ces deux droits, nous la signalerons en lieu utile.
      
2. Les sources du droit, pour le peuple romain, sont les lois, les plébiscites, les sénatus-consultes, les constitutions impériales, les édits émanant de ceux qui ont le droit d'édicter, les réponses des prudents. 3. La loi est ce que le peuple prescrit et établît, le plébiscite, ce que la plèbe prescrit et établit. La plèbe diffère du peuple en ce que sous le nom de peuple on entend tous les citoyens, patriciens compris, tandis que sous le nom de plèbe on entend les citoyens autres que les patriciens. D'où, autrefois, cette conséquence, que les patriciens ne se tenaient pas pour liés par les plébiscites qui étaient intervenus sans leur autorisation ; mais ultérieurement fut édictée la loi Hortensia, qui prescrivit que les plébiscites vaudraient pour le peuple entier : c'est ainsi qu'ils furent assimilés aux lois. 4. Un sénatus-consulte est ce que le Sénat prescrit et établit ; il a force de loi, bien que la question ait été débattue. 5. La constitution impériale est ce que l'Empereur a décidé par décret, par édit ou par lettre. On n'a jamais douté que ces décisions aient force de loi, puisque l'Empereur se voit conférer le pouvoir impérial par la loi. 6. Quant au droit d'édicter, il appartient aux magistrats du peuple romain. Le droit ayant le champ d'application le plus vaste se trouve dans les édits des deux préteurs, l'urbain et l'étranger, dont les attributions dans les provinces, relèvent de ceux qui les gouvernent. Mentionnons aussi l'édit des édiles curules, dont le pouvoir juridictionnel ressortit en province aux questeurs, du moins dans les provinces du peuple romain, car dans les provinces impériales on n'envoie pas de questeurs, si bien que cet édit n'y est pas en vigueur. 7. Les réponses des prudents sont les sentences et consultations de ceux auxquels il a été accordé de créer du droit. Si leurs opinions concordent, leur sentence a force de loi ; dans le cas contraire, le juge est libre de suivre telle sentence qu'il veut : c'est ce que décide un rescrit du divin Hadrien.
 


 
►  Source : Gaius, Institutes, I, 1-7.