LOI AELIA SENTIA
  
RÉGLEMENTANT L'AFFRANCHISSEMENT ENTRE VIFS
  
( 4 apr. J.-C. 
)
 

 
Gaius, Institutes, I
Reinach, Paris, 1965 ).

 

 
13. La loi Aelia Sentia dispose que les esclaves qui ont été enchaînés par leurs maîtres, à titre de peine, ceux qui ont subi la marque, ceux qui, soupçonnés d'une infraction, ont été soumis à la question par des tortures et ont été reconnus coupables, ceux qui ont été livrés pour combattre à l'arme blanche ou contre les bêtes et ont été ramassés pour l'école de gladiateurs ou la prison, et ont été affranchis ensuite par leur propre maître ou par un autre, deviennent des hommes libres ayant le même statut que les déditices étrangers.
18. La condition relative à l'âge a été instituée par la loi Aelia Sentia. En effet cette loi a voulu que les esclaves de moins de trente ans ne puissent, une fois affranchis, devenir citoyens romains, que s'ils ont été libérés par la vindicte, après qu'il aura été justifié en conseil d'une juste cause d'affranchissement. l9. Comme juste cause d'affranchissement, citons l'affranchissement en conseil d'un fils ou d'une fille de sang, d'un frère ou d'une sœur de sang ou d'un enfant recueilli, d'un précepteur, d'un esclave dont on veut faire son procureur ou d'une esclave qu'on veut épouser.
36. Il n'est pas loisible à quiconque d'affranchir. 37. En effet celui qui affranchit en lésant les créanciers ou le patron fait un acte sans valeur, car la loi Aelia Sentia empêche la libération. 38. De plus, par cette même loi, il n'est permis au maître mineur de vingt ans d'affranchir que si la vindicte a été reconnue en conseil fondée sur une juste cause d'affranchissement. 39. Citons parmi les justes motifs d'affranchissement le désir d'affranchir son père, sa mère, son précepteur, son frère de lait. D'ailleurs les motifs que nous avons exposés plus haut et relatifs à l'esclave mineur de trente ans trouvent également leur application dans ce cas. Réciproquement, les motifs que nous avons rapportés au maître mineur de vingt ans peuvent être étendus à l'esclave mineur de trente ans. 40. Ainsi comme la loi Aelia Sentia a fixé un mode déterminé d'affranchissement pour les maîtres mineurs de vingt ans, il arrive que celui qui a accompli sa quatorzième année, bien qu'il puisse faire un testament, s'y instituer des héritiers et faire des legs, ne peut, s'il a moins de vingt ans, donner la liberté à un esclave. 41. Et même si le maître mineur de vingt ans veut le faire Latin, il doit néanmoins prouver le motif en conseil et ainsi ultérieurement l'affranchir entre amis.
80. Pour la même raison, et à l'inverse, l'enfant d'un Latin et d'une citoyenne romaine, que le mariage ait été conclu en vertu de la loi Aelia Sentia ou autrement, naît citoyen romain. Il est des gens pourtant qui pensèrent que d'un mariage contracté en vertu de la loi Aelia Sentia on naît latin, parce que dans ce cas le droit d'intermariage paraît relever des lois Aelia Sentia et Junia et que ce droit a toujours pour effet que l'enfant suive la condition de son père, tandis que l'enfant né d'un mariage contracté autrement aurait la nationalité de sa mère en vertu du droit des gens et par suite naîtrait citoyen romain. Mais voici la règle de droit que nous suivons et qui fut établie par le sénatus-consulte intervenu à l'instigation du divin Hadrien : tout enfant né, sous quelque régime que ce soit, d'un Latin et d'une citoyenne romaine, naît citoyen romain.
 

 
Gaius, Institutes, III
Reinach, Paris, 1965 ).

 

 
72. Il arrive cependant qu'à sa mort un affranchi citoyen romain soit assimilé à un Latin. C'est le cas du Latin qui a suivi le droit quiritaire en vertu d'une concession impériale sans que les droits du patron en soient affectés. Car, ainsi que l'a édicté le divin Trajan, si un Latin, contre le gré ou à l'insu de son patron, a acquis le droit quiritaire par concession impériale, cet affranchi, tant qu'il vit est semblable aux autres affranchis citoyens romains et procrée des descendants libres légitimes ; mais il meurt selon le droit du Latin et ses descendants libres ne peuvent en hériter : il n'a pouvoir de tester que pour instituer son patron héritier, ou, en cas de refus de celui-ci, pour lui substituer un tiers. 73. Et comme cette constitution était censée avoir pour effet que ces individus ne mourraient jamais citoyens romains, bien qu'ils eussent joui du droit de devenir citoyens romains après leur naissance en vertu de la loi Aelia Sentia ou du sénatus-consulte, 1e divin Hadrien, ému par l'iniquité de la chose, fut l'instigateur d'un sénatus-consulte aux termes duquel ceux qui avaient acquis le droit quiritaire par concession impériale à l'insu du patron ou malgré lui, seraient, dans le cas où ils auraient par la suite usé du droit qu'ils eussent tenu de la loi Aelia Sentia ou du sénatus-consulte de devenir citoyens romains s'ils étaient demeurés Latins, considérés comme ayant acquis la nationalité romaine en vertu de la loi Aelia Sentia ou du sénatus-consulte.
74. Quant à ceux que la loi Aelia Sentia range au nombre des déditices, leurs biens échoient à leurs patrons, tantôt comme s'ils étaient des affranchis citoyens romains, tantôt comme s'ils étaient Latins. 75. En effet, les biens de ceux qui, s'ils n'étaient pas infectés d'un vice quelconque, auraient été affranchis comme citoyens romains, sont attribués aux patrons par cette même loi comme s'ils étaient citoyens romains ; et pourtant ils n'ont pas le droit de faire un testament selon la jurisprudence la plus suivie, et non sans raison, car il paraissait incroyable que le législateur eût voulu accorder aux hommes de la pire condition le droit de tester. 76. Quant aux biens de ceux qui auraient été affranchis comme Latins, s'ils n'étaient pas infectés de quelque vice, ils sont attribués aux patrons de la même façon que s'ils étaient morts Latins ; je reconnais d'ailleurs que le législateur n'a pas exprimé sur ce point sa volonté en termes suffisamment clairs.