SÉNATUS-CONSULTE
NÉRONIEN SUR LA VALIDITÉ DES LEGS ( 54-68 apr. J.-C. ) |
Gaius, Institutes, II ( Reinach, Paris, 1965 ). |
197. ... à
l'instigation de l'Empereur Néron, un Sénatus-consulte
fut édicté portant que le legs d'une chose qui ne vous
a jamais appartenu vaudrait comme s'il avait été fait
du meilleur droit, le meilleur droit étant le legs par injonction,
grâce auquel on peut léguer même la chose d'autrui,
comme il apparaîtra ci-dessous. 198. Mais
si l'on a légué sa propre chose puis qu'on l'a aliénée
après confection du testament, on estime généralement
que non seulement le legs n'est pas valable en droit civil, mais qu'il
ne peut même pas être validé en vertu du sénatus-consulte.
Cette opinion a pour base la doctrine, généralement admise,
selon laquelle, en cas de legs par injonction suivi d'aliénation,
bien que le legs soit dû de plein droit, le légataire réclamant
peut cependant être évincé par l'exception de dol
malicieux, comme s'il réclamait contre la volonté du défunt. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
212. Si
la chose a commencé à appartenir à l'héritier
seulement après la mort du testateur, la question se pose de
savoir si le legs a été utile. la plupart pensent que
non. Qu'est-ce à dire ? Même si on a légué
une chose qui ne vous a jamais appartenu et qui n'a jamais commencé
d'appartenir à votre héritier, elle est, d'après
le sénatus-consulte néronien, traitée comme si
elle vous avait été léguée par injonction.
213. Nous savons qu'une
chose léguée par injonction ne devient pas dès
l'acceptation de la succession propriété du légataire,
mais reste celle de l'héritier jusqu'à ce que celui-ci
en rende le légataire propriétaire en la lui livrant,
mancipant ou cédant devant magistrat : la situation juridique
est la même pour le legs par autorisation ; et voilà
pourquoi dans ce cas également l'action est dirigée personnellement
contre l'héritier en vue d'obtenir « tout ce qu'il
faut que l'héritier donne et fasse en vertu du testament ».
214. Il y en a pourtant qui estiment
que par un legs de ce genre l'héritier ne se trouve pas tenu
de manciper ou de céder devant magistrat ou de livrer et qu'il
suffit qu'il souffre que le légataire prenne la chose ;
qu'en effet le testateur ne lui a pas enjoint autre chose que de permettre,
c'est-à-dire de souffrir, que le légataire s'approprie
la chose. 215. Un désaccord plus
grave existe quant au legs de cette nature, pour le cas de legs fait
séparément à deux personnes ou davantage. Selon
les uns, la totalité est due à chacun, comme dans le legs
par injonction. D'autres estiment que la position de l'occupant est
préférable, du fait que dans ce genre de legs l'héritier
est contraint à une prestation passive, savoir laisser le légataire
s'approprier la chose, et que par conséquent si la prestation
a eu lieu en faveur d'un premier légataire et que celui-ci a
pris la chose, l'héritier est à l'abri de toute réclamation
ultérieure d'un autre légataire, puisque d'une part il
n'a plus la chose et ne peut donc la laisser prendre et que d'autre
part c'est sans dol malicieux qu'il en a été ainsi privé. |
216. Nous
léguons par prélèvement de cette manière :
« Que Lucius Titius prélève le nommé
Stichus ». 217. Selon nos
maîtres, un tel legs ne peut s'effectuer qu'au profit d'un héritier
déjà inscrit pour une part. Prélever en effet,
c'est prendre par anticipation : ce qui ne se fait que pour celui
qui a été institué pour une part quelconque en
vue de lui procurer le legs par prélèvement en sus de
sa part héréditaire. 218. Conséquence :
si un legs a été fait à un externe, il est sans
valeur ; Sabinus va même jusqu'à estimer qu'il ne
peut être validé en vertu du sénatus-consulte néronien,
parce que, dit-il, le sénatus-consulte ne permet de valider
que des irrégularités verbales du droit civil et non des
nullités qui tiennent à la personne même du légataire.
Mais Julien et Sextus ont admis que même en ce cas le legs pouvait
être confirmé en vertu du sénatus-consulte, car
c'est en raison de la formule employée que dans l'espèce
le legs est nul en droit civil, d'où il ressort qu'il est régulier
avec une autre formule ( revendication, injonction, autorisation ).
Il n'y a véritablement vice tenant à la personne du légataire
et rendant le legs nul que si le legs a été fait à
une personne totalement incapable de recueillir un legs, par exemple
un étranger, en faveur duquel on ne pourrait tester, cas
auquel le sénatus-consulte ne s'applique naturellement pas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . |
220. D'où
nous déduisons que selon l'opinion de nos maîtres on ne
peut rien léguer par prélèvement qui ne soit propriété
du testateur : en effet, dans cette instance, seules les choses
héréditaires peuvent être produites. Aussi, si le
testateur lègue de cette fagon une chose qui ne soit pas à
lui, le legs n'est-il pas valable en droit civil, mais il peut être
validé en vertu du sénatus-consulte. Ils reconnaissent
toutefois que dans certains cas on peut léguer par prélèvement
même une chose qui ne vous appartient pas, par exemple si on a
légué une chose qu'on avait donné fiduciairement
en mainprise à un créancier, car ils estiment que le juge
est compétent pour contraindre les cohéritiers à
dégager, une fois la dette payée, la chose en question,
en vue de permettre au bénéficiaire d'un tel legs de la
prélever. 221. Mais les auteurs
de l'école opposée pensent qu'on peut léguer par
prélèvement même à un externe, comme si la
formule était : « Que Titius lève le nommé
Stichus », la syllabe « pré »
étant considérée comme une adjonction superfétatoire,
et que par suite la chose apparaisse léguée par revendication :
le divin Hadrien aurait approuvé cette sentence par une constitution.
222. Selon cette opinion, si la chose
a appartenu au défunt de droit quiritaire, le légataire
peut revendiquer, qu'il figure au nombre des héritiers ou qu'il
soit un externe. Si la chose était seulement dans les biens du
testateur, elle aura bien été léguée utilement
en vertu du sénatus-consulte à un externe, mais si elle
a été léguée à un héritier,
le juge de l'instance en partage sera compétent pour l'adjuger
à l'héritier. Si elle n'appartenait à aucun titre
au testateur, le legs sera, en vertu du sénatus-consulte, valable
tant pour un héritier que pour un externe. |
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