LOI FUFIA SUR LE SACRILÈGE
  
( 61 av. J.-C. )


     
Cicero, Att., I, 16 ( Nisard, Paris, 1841 ).
  

 
Vous me demandez l'histoire de ce jugement qui a si étrangement trompé l'attente générale, et vous voulez savoir pourquoi je n'ai pas pris au combat autant de part qu'à mon ordinaire. Je répondrai à vos questions, en commençant par la fin, à la façon d'Homère. Tant qu'il s'est agi de défendre l'autorité du sénat, j'ai combattu avec une ardeur et une énergie telles qu'on criait, qu'on accourait, qu'on applaudissait de toutes parts. Certes, si vous avez été frappé quelquefois de ma vigueur à soutenir les intérêts publics, vous n'auriez pu, dans cette circonstance, me refuser votre admiration. Clodius en était réduit à recourir au peuple, et ne s'épargnait pas à lui rendre mon nom odieux. oh ! alors, dieux immortels ! quels combats ! quel carnage ! comme je me suis rué sur Pison, sur Curion, sur toute la clique ! Quels traits j'ai lancés sur ces vieillards imbéciles et sur cette jeunesse effrénée ! Que j'aurais été heureux, les dieux m'en soient témoins ! que j'aurais été heureux de vous avoir près de moi, de profiter de vos bons conseils, et de vous voir spectateur de cette mémorable lutte. Mais quand Hortensius se fut avisé de faire proposer par Fufius, tribun du peuple, une loi sur le sacrilège, loi qui ne différait en rien de la proposition des consuls, si ce n'est pour le choix des juges, et tout était là ; quand je vis Hortensius s'entêter dans son opinion, et finir par amener à lui toutes les autres, croyant de bonne foi, et ayant fait croire à chacun que le coupable n'échapperait pas, quels que fussent les juges, alors je crus à propos de caler mes voiles, moi qui sais combien les véritables juges sont rares, et je me bornai à déposer des faits connus, des faits avérés, et sur lesquels je ne pouvais absolument me taire.