POMPONIUS :
LE DÉVELOPPEMENT DES MAGISTRATURES ( 117-138 apr. J.-C. ) |
( J. Gaudemet, Les institutions de l'Antiquité, 7e éd., Paris, 2002, pp. 219-221 ). |
16. Après
l'expulsion des rois, on créa deux consuls : on décida
par une loi qu'ils auraient toute puissance. On les appela consuls,
parce qu'ils veillaient sur la cité ; cependant, pour
qu'ils ne s'arrogent pas les pleins pouvoirs du roi, on prit une loi
spécifiant que l'on pourrait appeler de leurs
décisions et qu'il leur serait interdit de condamner un citoyen
romain à la peine capitale, sans en avoir reçu l'ordre
du peuple : on leur laissa seulement le droit de contrainte à
l'égard des citoyens, et celui de les faire emprisonner. 17. Puis
comme le recensement des citoyens demandait plus de temps et que les
consuls ne pouvaient y suffire, on créa les censeurs.
18. La
population s'était encore accrue. Des guerres fréquentes
éclataient, certaines plus dures, étaient provoquées
par les peuples voisins. Aussi il devint nécessaire de créer
un magistrat plus puissant : ce fut le dictateur, dont on ne pouvait
appeler et à qui fut donné le droit de condamner à
mort. Comme ce magistrat avait les pleins pouvoirs, il ne lui fut pas
permis de les conserver plus de six mois. 19. On
joignit à ces dictateurs des maîtres de la cavalerie comparables
aux magistri celerum des rois ; ils avaient à peu
près les mêmes fonctions qu'ont aujourd'hui les préfets
du prétoire. On les tenait cependant pour des magistrats légitimes.
20. Vers la même époque
la plèbe, ayant fait sécession d'avec le patriciat, environ
dix-sept ans après l'expulsion des rois se donna sur le mont
Sacré des tribuns, pour qu'ils soient les magistrats de la plèbe.
On les appela tribuns parce qu'autrefois le peuple était divisé
en trois parties et qu'on prenait un tribun dans chacune ; ou encore
parce qu'ils étaient créés par le suffrage
des tribus. 21. On créa aussi
deux magistrats pris dans la plèbe et appelés édiles,
pour administrer les édifices où la plèbe déposait
toutes ses décisions. 22. Puis,
lorsque le trésor du peuple devint plus important, on établit
des questeurs pour en avoir l'administration et veiller à l'argent.
On les appela questeurs, parce que leurs fonctions consistaient
à rechercher et conserver l'argent. 23. Et
parce que, comme nous l'avons dit, la loi interdisait aux consuls de
condamner un citoyen à mort sans l'ordre du peuple, le peuple
créa des préteurs, chargés de juger les causes
capitales. On les appela questeurs des parricides ; la loi des
XII Tables en fait mention. 24. Lorsqu'on
décida de faire des lois, le peuple ordonna que tous les magistrats
abdiqueraient. Les décemvirs créés pour une année
prolongèrent leur magistrature, gouvernèrent sans respecter
le droit et ne voulurent pas céder la place aux magistrats, afin
de garder pour toujours, eux et leur faction, le gouvernement dont ils
s'étaient rendus maîtres. Ils menèrent l'affaire
avec une volonté de puissance si excessive et si brutale que
l'armée fit sécession. On dit que le commencement de cette
sécession fut provoquée par un certain Virginius. Appius
Claudius, en violation du droit qu'il avait lui-même fait consigner
dans les XII Tables, en le reprenant à d'antiques usages, attribua
la fille de Virginius, pendant la durée du procès, à
un homme qu'il avait trouvé pour la réclamer comme esclave.
Épris d'amour pour cette jeune fille, il ne tint aucun compte
du droit. Virginius indigné de voir qu'une très ancienne
règle de droit n'était pas observée à l'égard
de sa fille (Brutus, qui fut le premier consul à Rome, avait
attribué la possession intérimaire en faveur de la liberté
dans la cause de Vindex, esclave des Vitellii, qui avait découvert
une conjuration) et pensant qu'il devait préférer l'honneur
de sa famille à sa vie, saisit un couteau dans la boutique d'un
boucher et tua sa fille, pour la soustraire par la mort à l'infamie.
Tout couvert de son sang qui coulait encore, il courut vers ses compagnons
d'armes qui tous quittèrent leurs anciens chefs et se retirèrent
de l'Algide, où les légions se trouvaient alors à
cause de la guerre ; ils transportèrent les enseignes sur
l'Aventin. Toute la plèbe de la ville s'y rassembla bientôt.
Avec l'approbation du peuple, quelques décemvirs ayant été
tirés dans la prison, la république recouvra son premier
état. 25. Quelques années
après la loi des XII Tables, la plèbe entra en conflit
avec les sénateurs ; elle voulait que des consuls soient
pris dans son sein et ceux-ci le refusaient. On décida de créer
des tribuns militaires à pouvoir consulaire, pris parmi les patriciens
et les plébéiens. Leur nombre ne fut point fixé :
ils furent quelquefois vingt, quelquefois plus, quelquefois moins.
26. Puis,
après que l'on eut résolu de choisir des consuls également
parmi les plébéiens, on les prit dans les deux groupes
mais, pour que les praticiens soient toujours plus nombreux, on décida
de prendre deux magistrats parmi eux ; c'est ainsi que furent créés
les édiles curules. 27. Les consuls
étant souvent appelés aux frontières par les guerres
et personne ne restant pour rendre justice dans la cité, on créa
un préteur qui fut appelé préteur urbain parce qu'il
exerçait la juridiction dans la ville. 28. Au
bout de quelques années, ce préteur ne suffisant plus
en raison de la grande foule d'étrangers qui étaient venus
à Rome, on créa un autre préteur appelé
préteur pérégrin parce que le plus souvent,
il rendait la justice aux étrangers. |
► Source : Pomponius, Enchiridion = Digeste, I, 2, 2. |