GAIUS
: L'APPROPRIATION DES ANIMAUX ( IIe s. apr. J.-C. ) |
( J. Gaudemet, Droit privé romain, 2e éd., Paris, 2000, pp. 359-360, n. 85 ). |
On
considère que l'objet jouit de la liberté naturelle lorsqu'il
échappe à notre vue ou lorsque, tout en restant visible,
il ne peut que difficilement être poursuivi. On se pose la question
suivante : une bête sauvage, blessée au point de pouvoir
être prise, devient-elle immédiatement notre propriété ?
Trebatius considère qu'elle devient immédiatement nôtre
et qu'elle le reste jusqu'à ce que nous la prenions ; si
bien que, si nous cessons de la poursuivre, elle cesse d'être
nôtre et redevient la propriété du premier occupant.
Par conséquent si, pendant que nous la poursuivons, une autre
personne s'en empare avec l'intention d'en faire son profit, cette personne
sera considérée comme coupable d'un vol à notre
égard. La plupart des auteurs estiment que la bête ne devient
nôtre que si nous la prenons, car bien des choses peuvent se produire
qui nous empêcheront de la prendre. Et cela est plus exact. Les
abeilles sont aussi par nature sauvages. Aussi celles qui font leur
essaim dans un arbre qui nous appartient ne sont pas plus considérées
comme notre propriété ( avant qu'elles n'aient été
enfermées par nous dans une ruche ) que les oiseaux qui
font leur nid dans un arbre qui nous appartient. Aussi si un tiers les
enferme dans sa ruche il en devient propriétaire. Les rayons
de miel, qu'elles feraient, peuvent être pris par quiconque sans
qu'il y ait vol. Mais, comme nous l'avons dit plus haut, celui qui pénètre
sur les terrains d'autrui peut se voir interdire en droit l'entrée
par le propriétaire qui l'apercevrait. L'essaim qui s'envole
de notre ruche est considéré comme restant notre propriété
tant qu'il est en notre vue et que sa capture n'est pas difficile ;
sinon il appartient à l'occupant. Les paons et les colombes sont
par natures animaux sauvages et peu importe qu'ils aient l'habitude
de partir puis de revenir. En effet les abeilles en font autant, elles
dont la nature est certainement sauvage. Et certaines personnes ont
des cerfs tellement apprivoisés qu'il vont dans les forêts
et en reviennent ; or personne ne conteste leur nature d'animaux
sauvages. Pour ces animaux, qui ont l'habitude d'aller et de venir,
la règle suivante est admise : ils sont considérés
comme étant notre propriété tant qu'ils ont l'intention
de revenir. S'ils cessent d'avoir cette intention, ils cessent de nous
appartenir et sont acquis au premier occupant. On admet qu'ils ont cessé
d'avoir l'intention de revenir lorsqu'ils en ont perdu l'habitude. Poules
et oies ne sont pas des animaux sauvages. Car il est connu qu'il y a
d'autres poules et d'autres oies qui sont sauvages. Aussi lorsque, effrayées,
nos poules ou nos oies volent si loin que nous ne savons plus où
elles sont, elles n'en demeurent pas moins notre propriété.
Et celui qui les prendrait avec une intention de lucre serait tenu d'un
vol à notre égard. De même ce qui est pris à
l'ennemi devient immédiatement propriété de celui
qui s'en empare en vertu du droit des gens. |
► Source : Gaius, Choses quotidiennes ou Livre d'or, L. 2 = Digeste, XLI, 1, 5. |