GAIUS :
OUVRAGE RÉALISÉ AVEC LES MATÉRIAUX D'AUTRUI ( IIe s. apr. J.-C. ) |
( J. Gaudemet, Droit privé romain, 2e éd., Paris, 2000, p. 362, n. 90 ). |
Dans
le cas où quelqu'un a fait en son nom un ouvrage avec une matière
appartenant à autrui, Nerva et Proculus sont d'avis qu'est propriétaire
celui qui a fait l'ouvrage, parce que ce qui a été fait
n'appartenait avant à personne. Sabinus et Cassius pensent que
la raison naturelle conduit plutôt à décider que
celui qui était propriétaire de la matière devient
propriétaire de ce qui a été fait avec cette matière,
parce que sans cette matière aucun objet n'aurait pu être
fait : par exemple si je fais un vase avec de l'or, de l'argent,
du cuivre, si je fais un vaisseau, une armoire, des bancs avec tes planches,
ou un vêtement avec ta laine, ou avec ton vin et ton miel une
boisson, ou avec tes drogues un emplâtre ou un collyre, ou avec
tes raisins, tes olives, tes épis, du vin, de l'huile ou de la
farine. Il y a cependant une opinion intermédiaire, celle des
juristes qui estiment à bon droit que si l'ouvrage peut retourner
à sa première matière, l'avis de Sabinus et de
Cassius est plus exact ; s'il ne peut pas retourner à sa
première matière, l'avis de Nerva et de Proculus est préférable :
par exemple un vase forgé peut être réduit à
la matière brute d'or, d'argent ou de cuivre ; au contraire
le vin, l'huile ou la farine ne peuvent redevenir raisins, olives, épis.
Il en est de même de la boisson qui ne peut retourner en vin et
en miel, ou des emplâtres ou collyres qui ne peuvent être
réduits en drogues simples. Il me semble cependant que quelques-uns
ont raison de dire qu'on ne devait pas mettre en doute que la farine
tirée des épis d'autrui appartenait à celui à
qui était la moisson ; en effet étant donné
que le grain qui est contenu dans les épis a déjà
atteint sa forme parfaite, celui qui bat le blé ne crée
pas une forme nouvelle, mais fait apparaître celle qui existait
déjà. |
► Source : Gaius, Choses quotidiennes ou Livre d'or, L. 2 = Digeste, XLI, 1, 7, 7. |