GAIUS / ULPIEN :
LA LOI AQUILIA ( 289-286 av. J.-C. ? ) |
( J. Gaudemet, Droit privé romain, 2e éd., Paris, 2000, pp. 395-397, n. 155-158 ). |
Deux chapitres de la loi |
Dans
son premier chapitre la loi Aquilia décide : « Celui
qui aura tué sans raison un esclave, homme ou femme, appartenant
à autrui, un animal à quatre pattes ou une bête
de troupeau, sera obligé de donner au maître une quantité
d'airain correspondant à la plus haute valeur qu'avait eu chose
au cours de l'année. » ( Gaius, Commentaire
sur l'Édit provincial, L. 7 = Digeste,
IX, 2, 2, pr. ) |
Interprétation et casuistique |
A. |
Il
ne faut pas prendre le terme d'iniuria ici comme désignant
un affront comme dans l'action d'injures, mais comme signifiant que
l'acte n'a pas été fait selon le droit, c'est-à-dire
en violation du droit, par exemple si quelqu'un a tué par sa
faute. Et c'est pourquoi dans certains cas l'action d'injures concourt
avec l'action de la loi Aquilia. Mais, il y aura lieu à deux
estimations, l'une du dommage, l'autre de l'outrage. Ainsi nous appelons
ici iniuria le dommage causé par faute, même par
celui qui ne voulait pas nuire... Si un maître blesse ou tue un esclave en le corrigeant, est-il tenu par la loi Aquilia comme ayant causé du tort en violation du droit ? Julien pense qu'est tenu de la loi Aquilia celui qui a rendu borgne son élève en le corrigeant ; à plus forte raison faut-il en dire autant s'il l'a tué. Il propose l'espèce suivante : un cordonnier, dit-il, apprenait son métier à un jeune homme libre et fils de famille ; comme celui-ci ne faisait pas bien ce qu'il lui avait montré, le cordonnier frappa l'enfant à la tête avec la forme d'un soulier et lui creva l'œil. Julien dit qu'il n'y a pas lieu à l'action d'injures, parce que le maître n'a pas frappé avec l'intention d'agir en violation du droit, mais de le corriger et de l'instruire. Il doute que l'on puisse agir par l'action de louage, parce que ce n'est qu'un droit de correction légère qui est accordé au maître sur son apprenti. Mais je ne doute pas que l'on puisse agir en vertu de la loi Aquilia. ( Ulpien, Commentaire sur l'Édit, L. 18 = Digeste, IX, 2, 5, 1. 3 ) |
B. |
Méla
rapporte l'affaire suivante : Au cours d'une partie de balle, l'un
des joueurs, lançant trop violemment la balle, frappe de celle-ci
la main d'un barbier et de ce fait, l'esclave que le barbier était
en train de raser eut la gorge tranchée d'un coup de rasoir.
Celui d'entre eux qui est en faute est tenu par la loi Aquilia. Proculus
impute la faute au barbier et en effet s'il rasait là où
l'on avait l'habitude de jouer et où il y avait beaucoup de circulation,
cela doit lui être imputé ; cependant il n'est pas
non plus faux de dire que si l'on se confie à un barbier qui
a mis son siège en un endroit dangereux, on ne doit s'en prendre
qu'à soi-même. Si l'un tient la victime et que l'autre
la tue, celui qui la tenait sera justiciable d'une action in factum,
pour avoir été la cause de la mort. Mais si plusieurs
ont frappé l'esclave, voyons si tous seront tenus comme si tous
l'avaient tué. Si l'on sait quel est l'auteur du coup qui a provoqué
la mort, c'est celui-là qui sera tenu pour l'avoir tué ;
si on l'ignore, Julien dit que tous sont tenus comme l'ayant tous tué,
et si l'on poursuit l'un d'eux, les autres ne seront pas libérés ;
car en vertu de la loi Aquilia, ce que l'un paye ne libère pas
les autres, parce qu'il s'agit d'une peine. Celse écrit que si
quelqu'un a porté un coup mortel à un tiers, et qu'un
autre ensuite l'ait tué raide, le premier ne serait pas tenu
comme l'ayant tué, mais comme l'ayant blessé, parce qu'il
est mort d'un autre coup : le second est tenu pour l'avoir tué.
Cela semble exact à Marcellus et c'est la solution la plus probable.
Si plusieurs personnes ont fait tomber une poutre qui a écrasé
un homme, les anciens ont admis que tous étaient tenus par la
loi Aquilia. ( Ulpien, Commentaire sur l'Édit,
L. 18 = Digeste, IX, 2, 11, pr. à 4 ) |
► Source : Digeste, IX. |