ALFENUS
VARUS : RESPONSABILITÉ D'UN ACCIDENT DE VOITURE ( Ier s. av. J.-C. ) |
( J. Gaudemet, Droit privé romain, 2e éd., Paris, 2000, pp. 313-314, n. 15 ). |
Deux
voitures chargées, traînées par des mules, gravissaient
la pente du Capitole. Les conducteurs de la première soulevaient
l'arrière de la voiture, afin que les mules puissent tirer plus
aisément. Cette voiture se mit à reculer et les conducteurs,
qui se trouvaient entre les deux voitures, ayant fait un saut de côté,
la seconde, heurtée par la première, roula en arrière
et écrasa un esclave. Le maître de cet esclave demandait
contre qui il devait intenter une action. J'ai répondu que la
solution juridique dépendait de la cause du dommage ; car
si les conducteurs qui soutenaient la première voiture se sont
retirés de leur propre chef, et qu'ainsi les mules n'aient pu
retenir la voiture et se soient trouvées entraînées
en arrière par le poids, l'action n'est pas possible contre le
maître des mules, mais on peut intenter l'action de la loi Aquilia
contre les conducteurs qui soutenaient l'arrière de la voiture.
En effet, c'est causer du dommage que de lâcher volontairement
une chose que l'on retenait pour qu'elle tombe sur quelqu'un ;
comme si, après avoir effarouché un âne, on ne le
retenait pas. De même lorsqu'on laisse échapper un trait
ou autre chose qu'on tient à la main, on cause un dommage injuste.
Mais si les mules ont été effrayées par quelque
chose et que les conducteurs, de peur d'être écrasés,
aient lâché la voiture, il n'y a pas d'action contre eux,
mais contre le maître des mules. Si ni les mules ni les conducteurs
ne sont en cause, mais que les mules n'aient pu retenir la charge, ou
que, s'efforçant de la traîner, elles soient tombées,
si bien que la voiture a reculé, sans que les conducteurs aient
pu soutenir le poids qui était retombé sur eux, il n'y
a action ni contre le maître des mules ni contre les conducteurs.
Ce qu'il y a de certain, c'est que, de quelque manière qu'on
envisage la chose, on ne peut pas agir contre la maître des mules
de la seconde voiture ; parce que les animaux n'ont
pas reculé de leur propre chef, mais sous l'action du choc. |
► Source : Alfenus Varus, Digestes, L. 2 = Digeste, IX, 2, 52, 2. |