ULPIEN :
LA STIPULATION ( IIIe s. apr. J.-C. ) |
( J. Gaudemet, Droit privé romain, 2e éd., Paris, 2000, p. 386, n. 137 ). |
La
stipulation ne peut se faire que par les paroles des deux parties :
c'est pourquoi ni un muet, ni un sourd, ni un tout jeune enfant ne peuvent
faire une stipulation, ni même un absent, parce qu'ils doivent
s'entendre mutuellement. Si donc une telle personne veut stipuler, qu'elle
stipule par un esclave présent, qui lui acquerra l'action née
de la stipulation. De même, si quelqu'un veut être obligé,
qu'il ordonne et il sera obligé par son ordre. Si quelqu'un a
formulé son interrogation en présence de l'autre partie
puis s'est retiré avant qu'on ne lui ait répondu, il rend
la stipulation nulle. Mais si, en présence de l'autre partie,
il a interrogé, puis il s'est retiré et qu'étant
de retour on lui a répondu, il oblige : car l'intervalle
de temps n'a pas vicié l'obligation. Si quelqu'un interroge ainsi :
« donnes-tu ? » et qu'on lui réponde
« pourquoi pas ? », celui-ci est dans la
situation d'être obligé. Il en serait différemment,
si, sans parler, il avait fait un signe d'approbation. Ce n'est pas
seulement civilement, c'est même naturellement que n'est pas obligé
celui qui fait un tel signe : et c'est pour cela que l'on a dit
avec raison que même le fidéjusseur n'est pas obligé.
Si quelqu'un a été interrogé purement et simplement
et qu'il réponde « si telle chose est faite, je donnerai »,
il est certain qu'il n'est pas obligé. Ou si étant interrogé :
« donnerez-vous avant les cinquièmes kalendes ? »
il réponde : « je donnerai aux ides »,
il n'est point non plus obligé. Car il n'a pas répondu
sur ce qui lui avait été demandé. Inversement si,
interrogé sous condition, il répond purement et simplement,
il faut dire qu'il n'est point obligé. Lorsqu'on ajoute ou retranche
quelque chose à l'obligation, il faut regarder l'obligation comme
viciée ; à moins que le stipulant n'ait approuvé
sur-le-champ la différence de la réponse car alors il
semble qu'on a contracté une autre stipulation. Si, quand je stipule « dix », tu réponds « vingt », il est certain que la stipulation n'est contractée que pour dix. Dans le cas inverse également, j'interroge pour « vingt » et que tu répondes « dix », l'obligation ne sera contractée que pour dix. Car, quoiqu'il faille que les sommes se répondent, cependant il est très évident que vingt contient dix . Si, lorsque je stipule Pamphile, tu promets Pamphile et Stichus, je pense que l'addition de Stichus doit être considérée comme superflue. Car s'il y a autant de stipulations que d'objets, il y a ici en quelque sorte deux stipulations, l'une utile, l'autre inutile ; et l'utile n'est pas viciée par l'inutile. Que l'on réponde en la même ou en une autre langue, peu importe. C'est pourquoi si quelqu'un interroge en latin, et qu'on lui réponde en grec, pourvu qu'on lui réponde de façon concordante, l'obligation existe. Même chose dans le cas inverse. Mais cela s'applique-t-il seulement au grec, ou bien aussi à d'autres langues, par exemple au punique, à l'assyrien ou à toute autre ? On peut en douter. Sabinus a écrit sur cette question ; mais la vérité est que tout discours peut former l'obligation par paroles, si cependant chacun entend la langue de l'autre, soit par lui-même, soit par un fidèle interprète. |
► Source : Ulpien, Commentaire sur Sabinus, L. 48 = Digeste, XLV, 1, 1. |