CONSTITUTION « DEO AUCTORE  »
  
SUR LA COMPOSITION DU DIGESTE
  
( 15 déc. 530 apr. J.-C. )
 

 
G. Sautel in Histoire des Institutions.., Paris, 1957, pp. 277-281, n. 160 ).
 

 
L'EMPEREUR CÉSAR, FLAVIUS, JUSTINIEN, PIEUX, HEUREUX, GLORIEUX, VAINQUEUR
ET TRIOMPHATEUR, TOUJOURS AUGUSTE À TRIBONIEN SON QUESTEUR,
SALUT.
 
      Gouvernant avec l'aide de Dieu notre empire, qui nous a été confié par la majesté céleste, nous avons mené à leur terme les guerres, nous ornons la paix et nous soutenons l'état ; nous avons en notre âme une telle confiance dans l'aide du Dieu tout-puissant, que nous ne nous fions ni à nos armes, ni à nos soldats, ni à nos chefs de guerre, ni à notre génie, mais nous mettons tout notre espoir en la seule providence de la suprême Trinité. C'est d'elle que procèdent les principes du monde entier et c'est elle qui a fixé leur organisation sur toute la terre. 1. Comme rien n'est plus digne d'étude que l'autorité des lois, qui disposent au mieux les choses divines et humaines et bannissent toute iniquité, nous avons remarqué que la suite des lois, depuis la fondation de Rome et les temps de Romulus, était dans une telle confusion qu'elle s'étendait à l'infini, et ne pouvait être embrassée par la compréhension d'aucun être humain. Notre premier soin fut de prendre comme point de départ les constitutions des très sacrés empereurs, nos prédécesseurs, de les amender et de les transmettre suivant une voie très claire, afin que, rassemblées en un seul Code, débarrassées de toute similitude superflue, de toute contradiction - source majeure d'injustice - elles offrent à tous les hommes le secours de leur sincérité. 2. Cette tâche réalisée, les constitutions ayant été recueillies en un seul ouvrage resplendissant de notre nom, libérés de ces tâches modestes, nous entreprîmes la révision complète du droit, rassemblant et amendant toute la jurisprudence romaine en un seul recueil présentant les oeuvres éparses de tant d'auteurs. Ce que personne n'avait osé espérer ni même souhaiter, nous apparaissait au plus haut point difficile, et même impossible ; mais ayant dressé nos mains vers le ciel et ayant invoqué le secours de l'éternel, nous nous sommes encore chargés de ce travail, confiants en Dieu, qui peut accorder encore les choses les plus désespérées, et les mener à bien par l'immensité de sa puissance. 3. Et nous nous sommes tournés vers les excellents offices de ta Sincérité : nous t'avons d'abord confié cette oeuvre, ayant déjà reçu des témoignages de ta capacité d'esprit, par la composition de notre Code : et nous t'avons prescrit d'associer à cette oeuvre ceux que tu choisirais, tant parmi les très éloquents professeurs de droit, que parmi les très diserts avocats auprès du tribunal de notre suprême juridiction. Ceux-ci, réunis de la sorte, introduits dans notre palais, et agréés par nous sur ton témoignage, nous avons permis d'accomplir l'ensemble de l'œuvre ; à condition que tout le travail fut exécuté sous la direction de ton vigilant esprit. 4. Nous vous ordonnons en conséquence de lire et de corriger les ouvrages de droit romain des anciens prudents auxquels les très anciens empereurs ont accordé le pouvoir de composer et d'interpréter les lois : afin que l'ensemble de la matière tirée de ces ouvrages soit réunie, sans que subsiste, dans la mesure du possible, ni similitude, ni contradiction, mais que, à partir de ces ouvrages, en soit composé un seul qui supplée à tous. Attendu que d'autres encore ont rédigé des ouvrages se rapportant au droit, mais que leurs écrits n'ont été reçus par personne, ni acceptés par l'usage, nous non plus ne jugeons par leurs oeuvres dignes de notre ratification. 5. Et lorsque tous ces matériaux auront été réunis grâce à l'immense générosité de notre puissance, il faudra édifier une oeuvre très belle, et consacrer comme un temple particulier et très saint, à la justice. Vous diviserez tout le droit en cinquante livres et en un certain nombre de titres déterminés, non seulement d'après l'ordre de notre Code, mais encore à l'imitation de l'édit perpétuel, comme cela vous apparaîtra le plus commode ; en sorte que rien ne puisse être laissé en dehors de cette collection, mais que dans ces cinquante livres l'ensemble du droit ancien, confondu au cours de presque mille quatre cents ans, mais par nous épuré, soit comme retranché derrière un mur, ne laissant rien en dehors. Tous les auteurs de droit auront une égale dignité, sans nulle prérogative réservée à aucun : parce qu'ils sont meilleurs ou inférieurs, non tous pour l'ensemble, mais certains pour certains passages de leurs écrits. 6. Et ne jugez pas ce qui est le meilleur et le plus conforme à l'équité d'après le nombre des auteurs, car il peut se faire que l'opinion d'un seul, même médiocre, surpasse en quelque point des ( auteurs ) nombreux et considérables. Aussi ne rejetez pas sans examen les notes ajoutées à Aemilius Papinien par Ulpien, Paul et Marcien, qui précédemment n'avaient aucune valeur à raison de la considération due au brillant Papinien. Si vous découvrez dans ces notes quelque chose qui vous semble nécessaire pour compléter ou interpréter les travaux du très savant Papinien, n'hésitez pas à le recueillir comme ayant force de loi ; en sorte que tous les grands prudents dont les décisions seront rapportées dans ce recueil jouissent de la même autorité que si leurs travaux étaient issus des constitutions impériales, et proférés par notre divine bouche. Car, avec raison, nous faisons nôtre ce travail, puisque toute autorité vient de nous : celui qui corrige une oeuvre médiocre est plus digne de louanges que celui qui l'a le premier imaginée. 7. Nous voulons aussi que ceci vous soit objet de zèle : si vous trouvez dans les ouvrages anciens quelque chose qui soit mal placé, inutile ou imparfait, supprimez les longueurs inutiles, complétez ce qui est insuffisant, et livrez une oeuvre équilibrée et aussi harmonieuse que possible. Il vous faudra également observer ceci : si vous trouvez dans les vieilles lois ou dans les constitutions insérées par les anciens dans leurs ouvrages, quelque transcription infidèle, corrigez-la elle aussi, et livrez la remise en ordre : en sorte que paraisse véritable, sincère et bon ce qui aura été par vous choisi et retenu. Et personne n'aura l'audace de prétendre que votre transcription est vicieuse sur la base d'une comparaison avec un ouvrage ancien. Étant donné, de fait, que par une loi du temps jadis, dite loi « royale », tout droit et toute puissance du peuple romain étaient transférés en la puissance impériale, nous ne fragmentons pas l'ensemble du droit, d'après tel ou tel groupe de ses créateurs, mais nous voulons qu'il soit tout entier nôtre : en quoi l'ancienneté pourrait-elle abroger nos lois ? Nous voulons que tout ce qui figure dans ce recueil soit observé sous la forme où il sera mis, au point que même si elles avaient été différemment transcrites chez les anciens, et qu'elles se présentent d'une manière opposée dans le recueil, il ne faudrait faire reproche d'aucun crime de faux en écritures, mais bien attribuer cette différence à notre choix délibéré. 8. Qu'il n'y ait donc dans aucune partie dudit recueil une antinomie ( comme l'on dit en usant d'un vieux mot grec ), mais que règne, sans nulle opposition, une harmonie unique, un enchaînement unitaire....
 


 
►  Source : Digeste ( Première Préface ).