CICÉRON :
JUSTICE ET DROIT ( 52 av. J.-C. ) |
( J. Imbert in Histoire des Institutions.., Paris, 1957, p. 222, n. 123 ). |
Si
la volonté des peuples, les décrets des princes, les sentences
des juges, faisaient seuls le droit, pour rendre légitimes le
brigandage, l'adultère, les substitutions de testaments, il suffirait
de gagner des suffrages et de s'assurer la majorité. Il y a plus :
si les opinions et les suffrages des fous sont assez forts pour changer
la nature des choses, pourquoi ne pas aussi arrêter entre eux
que ce qui est mauvais et pernicieux sera désormais tenu pour
bon et salutaire ? ou pourquoi la loi qui, de l'injuste peut faire
le juste, ne convertirait-elle pas le mal en bien ? C'est que,
pour distinguer une bonne loi d'une mauvaise, nous n'avons d'autre règle
que la nature ; et non seulement la nature nous fait distinguer
le droit, mais l'honnête et le honteux en général
car le sens commun nous donne et développe dans nos esprits les
premières notions, qui nous font placer l'honnêteté
dans la vertu, la honte dans le vice. Or, croire que ces distinctions
sont dans l'opinion et non dans la nature, c'est une folie : car
la bonté d'un arbre ou d'un cheval, comme nous disons en abusant
des mots, cette bonté n'est pas dans l'opinion, mais dans la
nature : à plus forte raison doit-on distinguer, par la
nature, l'honnête de ce qui ne l'est pas... |
► Source : Cicéron, Traité des lois, I, 16, 44-45. |