TRAITÉ
ENTRE ROME ET CARTHAGE ( 509 av. J.-C. ) |
Polybius, Histoires, III, 22-23 ( Waltz, Paris, 1921 ). |
22. Le
premier traité entre Rome et Carthage date du temps de L. Junius Brutus
et de M. Horatius, les premiers consuls nommés après
l'expulsion des rois, par qui fut consacré le temple de Jupiter
Capitolin ; il fut conclu vingt-huit ans avant l'invasion de Xerxès
en Grèce. Je vais en donner le texte, interprété
aussi exactement qu'il m'a été possible ; car la
langue de cette époque archaïque diffère tellement
du latin actuel que les plus habiles ont parfois de la peine à
la comprendre, quelque attention qu'ils y apportent. En voici la teneur :
« Entre les Romains et leurs alliés d'une part, les
Carthaginois et leurs alliés de l'autre, il y aura paix et amitié
aux conditions suivantes : Les Romains et leurs alliés ne
navigueront pas au-delà du cap Beau, à moins d'y être
poussés par la tempête ou chassés par leurs ennemis ;
s'ils le dépassent en cas de force majeure, il ne leur sera permis
d'acheter ou de prendre que ce qui leur sera nécessaire pour
radouber leur vaisseau ou pour faire un sacrifice. Les marchands pourront
trafiquer à Carthage, mais aucun marché ne sera valable
s'il n'a été conclu par l'intermédiaire du crieur
public et du greffier. Pour tout article vendu en leur présence,
la foi publique sera garante à l'égard du vendeur ;
il en sera ainsi pour les marchés conclus en Afrique et en Sardaigne.
Si un Romain aborde dans la partie de la Sicile soumise à Carthage,
tous ses droits seront respectés. Les Carthaginois ne feront
aucun tort aux habitants d'Ardée, d'Antium, de Laurentium, de
Circée et de Terracine, ni à aucun autre des Latins sujets
de Rome ; ils s'abstiendront d'attaquer les villes non sujettes
des Romains et, s'ils en prennent une, ils la remettront aux Romains
sans lui causer aucun dommage. Ils ne bâtiront aucun fort dans
le Latium ; s'ils débarquent en armes sur les terres des
Latins, ils n'y passeront pas la nuit. » 23. Le
cap Beau est le promontoire qui s'étend devant Carthage du côté
du Nord ; les Carthaginois interdisent absolument aux Romains de
le dépasser vers le sud sur des vaisseaux de course, pour ne
pas leur laisser voir, à ce que je crois, de quelle fertilité
sont la Byzacène et la région voisine de la petite Syrte
qu'ils appellent les Empories. Si quelqu'un y est contraint par la tempête
ou par la poursuite des ennemis, ils consentent à ce qu'il se
procure ce qui peut lui être nécessaire pour le radoub
de son vaisseau ou pour un sacrifice, mais rien d'autre ; et ils
exigent que ceux qui abordent dans ces conditions repartent dans les
cinq jours. Ils autorisent les Romains à venir trafiquer à
Carthage, sur toutes les côtes d'Afrique situées en deçà
du cap Beau, en Sardaigne et dans la partie de la Sicile qui leur est
soumise ; et ils promettent solennellement de respecter les droits
de chacun. Dans ce traité, les Carthaginois parlent de la Sardaigne
et de l'Afrique comme de pays leur appartenant ; pour la Sicile,
au contraire, ils spécifient que les conventions ne concernent
que la partie où s'exerce leur domination. De même, les
Romains ne traitent que pour le Latium ; ils ne font pas mention
du reste de l'Italie, parce qu'il ne leur était pas encore soumis. |