LOI AEMILIA
  
ABAISSANT LA DURÉE DE LA CENSURE
  
( 434 av. J.-C. )


     
Livius, IV, 24 ( Nisard, Paris, 1864 ).
  

 
2. Des marchands annoncèrent que les Étrusques avaient refusé de porter secours aux Véiens, les engageant à terminer avec leurs propres ressources une guerre qu'ils avaient entreprise d'après leur propre détermination, et à ne pas envelopper dans leur malheur des peuples qu'ils n'avaient pas voulu appeler au partage de leurs espérances. 3. Alors le dictateur voyant perdue pour lui l'occasion d'acquérir de la gloire par les armes, et voulant que son élection fût utile à quelque chose, résolut, pour laisser un monument de sa dictature, d'abaisser le pouvoir des censeurs ; soit que ce pouvoir lui parut excessif, soit qu'il fût encore plus choqué de sa durée que de son étendue. 4. Il convoqua donc une assemblée du peuple où il dit : "Que les dieux immortels s'étaient chargés des affaires extérieures et de la sûreté de la république ; qu'il ne lui restait à lui qu'à veiller dans l'intérieur sur la liberté de Rome ; que le plus ferme appui de cette liberté était dans le peu de durée des grandes magistratures ; et qu'il fallait abréger celles dont on ne pouvait restreindre l'autorité. 5. Tandis que les autres magistratures étaient annuelles, la censure était quinquennale. Il était dur de passer tant d'années une si grande portion de la vie sous la dépendance des mêmes hommes. Il proposerait une loi pour réduire à un an et demi la durée de la censure." 6. Cette loi passa le lendemain avec l'approbation unanime du peuple. "Pour vous convaincre par ma propre conduite, Romains, ajouta Aemilius, que je n'aime pas que l'autorité soit de longue durée, j'abdique la dictature." 7. Après cette abdication d'une magistrature qu'il ne quittait qu'en mettant un terme à une autre, il fut reconduit à sa maison au milieu des acclamations et des louanges du peuple. Quant aux censeurs, piqués contre Mamercus, parce qu'il avait abaissé une magistrature du peuple romain, ils le changèrent de tribu, et le chargèrent d'un impôt huit fois plus considérable qu'il ne le devait. 8. Il paraît qu'il supporta cette vengeance avec beaucoup de magnanimité, songeant moins à cette humiliation qu'au motif qui la lui avait attirée. Les principaux sénateurs, qui n'approuvaient pas cet affaiblissement de la censure, s'irritèrent néanmoins du ressentiment que montraient les censeurs ; car ils ne se dissimulaient point que chacun d'eux serait plus longtemps et plus souvent soumis à ce pouvoir qu'il ne l'exercerait. 9. Quant au peuple, sa colère fut, dit-on, si vive, que l'autorité seule de Mamercus sut épargner les violences aux censeurs.
 

 
Livius, IX, 33 ( Corpet-Verger & Pessonneaux, Paris, 1904 ).
 

 
4. Le censeur Ap. Claudius, quand ses dix-huit mois furent révolus, espace de temps fixé pour la censure par la loi Aemilia, bien que son collègue C. Plautius eût abdiqué sa magistrature, ne put être contraint par aucun moyen à abdiquer. 5. P. Sempronius, qui était tribun du peuple, lui intenta une action pour qu'il eût à se démettre de la censure à l'époque déterminée, acte non moins juste que populaire, et qui fut aussi agréable à tout excellent citoyen qu'à la multitude. 6. Comme ce tribun relisait à différentes reprises le texte de la loi Aemilia, et qu'il comblait d'éloges son auteur, le dictateur Mam. Aemilius, pour avoir resserré dans l'espace de dix-huit mois la censure auparavant quinquennale, et restreint un pouvoir que cette longue durée rendait exorbitant, 7. "Dis-nous donc, ajouta-t-il, Ap. Claudius, ce que tu aurais fait si tu eusses été censeur à l'époque où le furent C. Furius et M. Geganius ?" 8. Appius de soutenir, que l'interpellation du tribun avait fort peu de rapport à son affaire ; 9. car, bien que la loi Aemilia eût obligé ces censeurs, puisqu'elle fut portée durant leur magistrature, que le peuple en avait ordonné l'exécution depuis qu'ils avaient été créés censeurs, et que ce qui avait été ordonné par le peuple en dernier lieu était ce qui faisait règle et autorité ; cependant ni lui, ni aucun de ceux qui avaient été créés censeurs postérieurement à la promulgation de cette loi, ne pouvaient être tenus de s'y soumettre.