ÉDIT DU PRÉFET D'ÉGYPTE TIBERIUS JULIUS ALEXANDER
  
( 6 juillet 68 apr. J.-C. )

 


 
G. Chalon, L'Édit de Tiberius Julius Alexander, Olten-Lausanne, 1964, pp. 35-39 ).
 

 
Signes conventionnels
 

 
    Les parenthèses () indiquent les mots ajoutés dans la traduction pour en faciliter l'intelligence, les crochets carrés [], les passages restitués de l'inscription.
 

 
Texte
 

 
I.
LA LETTRE DE PUBLICATION DU STRATÈGE DE L'OASIS DE THÉBAÏDE
      Julius Demetrius, stratège de l'oasis de Thébaïde :
      Je vous ai communiqué ci-dessous la copie de l'édit que m'a envoyé le seigneur préfet Tiberius Julius Alexander, afin qu'en ayant pris connaissance, vous jouissiez de (ses) bienfaits.
      L'an II de Lucius Livius Auguste Sulpicius Galba Empereur, le 1er de Phaophi (jour) Julien Auguste (28 septembre 68).
II.
L'ÉDIT DU PRÉFET TIBERIUS JULIUS ALEXANDER
      Tiberius Julius Alexander dit :
      Mettant tout mon soin à ce que la ville demeure dans l'état qui convient, jouissant des bienfaits qu'elle tient des Augustes, et à ce que l'Égypte contribue avec zèle, au sein de la prospérité, à l'approvisionnement et à la très grande félicité des temps présents, sans être grevée de charges nouvelles et injustes ; imploré, presque du moment où j'ai pénétré dans la ville, par les pétitionnaires, en petits groupes et en foule, gens les plus distingués d'ici aussi bien que cultivateurs du « pays », qui se plaignaient des abus récemment commis, je n'ai cessé, selon mon pouvoir, de redresser les affaires urgentes.
      Mais, afin qu'avec plus de confiance, vous attendiez tout, le salut comme le bonheur matériel, du bienfaiteur Auguste, Empereur, Galba, qui a brillé sur nous pour le salut du genre humain, et que vous vous rendiez compte que j'ai cherché les moyens de vous porter secours, j'ai édicté formellement, sur chacune des requêtes, ce qu'il m'est permis de juger et de faire ; quant aux questions plus importantes, relevant de la puissance et de la majesté de l'empereur, je les lui ferai connaître en toute vérité, car les dieux ont réservé pour ce moment très sacré la sécurité du monde.
      Tout d'abord, j'ai estimé pleinement fondée votre requête (tendant à ce) qu'on ne soit pas contraint à la ferme des impôts ou à d'autres locations du patrimoine, contre l'usage général des provinces, et (j'ai reconnu) que n'a pas peu nui aux affaires le fait que beaucoup de personnes sans expérience d'une telle activité y ont été contraintes, (la perception) des impôts leur étant imposée de force.
      C'est pourquoi, je n'ai, pour ma part, contraint ni ne contraindrai personne à ferme ou à location, sachant qu'il convient aussi aux comptes de l'empereur que ceux qui en sont capables exercent ces activités de leur plein gré, avec zèle. Et je suis persuadé qu'à l'avenir non plus, nul ne recrutera de force fermiers ou locataires, mais qu'on affermera à ceux qui s'offriront volontairement et de leur plein gré, préférant observer l'habitude constante des précédents préfets plutôt que d'imiter l'injustice momentanée de quelqu'un (d'entre eux).
      Comme quelques-uns, sous prétexte des intérêts de l'État, se faisant céder aussi des créances d'autrui, ont fait incarcérer certaines personnes dans le praktoreion et dans d'autres prisons, que j'ai appris avoir été supprimées précisément pour que le recouvrement des créances se fasse sur les biens, non sur la personne, – me conformant à la volonté du dieu Auguste, j'ordonne que personne, sous le prétexte des intérêts de l'État, ne se fasse céder par autrui des créances qu'il n'a pas contractées lui-même dès l'origine et qu'en aucun cas, des hommes libres ne soient enfermés dans quelque prison que ce soit, à moins qu'il ne s'agisse de malfaiteurs, ni dans le praktoreion, à l'exception des débiteurs du compte impérial.
      Afin que le nom d'intérêts publics n'entrave en rien les relations contractuelles et que ceux qui usent de la protopraxia dans les cas où il ne le faut pas ne restreignent pas le crédit public, j'ai aussi pris des mesures formelles au sujet de celle-ci.
      On m'a, en effet, souvent représenté que certains ont déjà tenté d'annuler des hypothèques légalement constituées, de répéter de force à ceux qui se les étaient fait rendre des prêts remboursés et d'annuler des ventes en arrachant les choses (vendues) à ceux qui les avaient achetées, sous prétexte qu'ils avaient contracté soit avec des personnes qui avaient obtenu des délais (de paiement) du fisc, soit avec des stratèges, soit avec des fonctionnaires, soit avec d'autres débiteurs du compte public.
      J'ordonne donc que tout procurateur impérial ou économe (siégeant) ici qui tient pour suspect quelque individu ayant part aux affaires publiques en note le nom ou le publie pour que nul ne contracte avec lui, ou que, en raison de (la) dette (de cet individu), il frappe de saisie, dans les registres publics, des éléments de son patrimoine.
      Mais, si quelqu'un a fait un prêt, avec une hypothèque légalement acquise, (à une personne dont) le nom n'a pas été noté ni les biens saisis, ou qu'il se soit déjà fait rembourser ce qu'il avait prêté, ou encore s'il a acheté quelque chose alors que le nom (du vendeur) n'a pas été noté ni son patrimoine (saisi), il ne sera pas inquiété.
      Quant aux dots, qui sont bien d'autrui et non des maris qui les ont reçues, le dieu Auguste a ordonné, ainsi que les préfets, qu'elles soient rendues par le fisc aux femmes, dont il faut sauvegarder la protopraxia.
      On m'a aussi adressé des requêtes au sujet des exemptions et des diminutions d'impôts – dans lesquelles sont aussi (compris) les  –, (me) demandant qu'elles soient maintenues comme le dieu Claude, faisant remise (d'impôts), l'a écrit à Postumus, et (me) disant que les (terres) vendues par les particuliers dans la période intermédiaire, après que Flaccus leur eut imposé (paiement intégral des charges) et avant que le dieu Claude les eût libérées, ont été ensuite imposées (intégralement).
      Comme Balbillus et Vestinus les ont libérées, je maintiens les décisions de ces deux préfets, qui se sont eux-mêmes conformés à la grâce (accordée par) le dieu Claude : il est donc fait remise des charges qui n'ont pas encore été perçues sur ces (terres), étant bien entendu que l'exemption et la diminution d'impôts leur sont assurées pour l'avenir.
      Quant aux (terres) vendues par le compte de l'empereur dans la période intermédiaire, auxquelles a été imposé (le paiement) de fermages, de même que Vestinus a ordonné que soient payés les (impôts) légitimement dus, de même, ayant fait remise des montants non encore perçus, j'arrête moi aussi qu'à l'avenir, elles en resteront aux (impôts) légitimement dus.
      Il est, en effet, injuste que ceux qui ont acheté des fonds et en ont payé le prix se voient, comme des fermiers de l'État, réclamer des fermages pour leurs propres terres.
      Il est aussi conforme aux grâces (accordées par) les Augustes que les citoyens alexandrins, même s'ils habitent dans le « pays » par zèle pour le travail, ne soient contraints à aucune liturgie du « pays ».
      Vous l'avez souvent demandé et je le maintiens moi aussi : aucun citoyen alexandrin ne sera donc contraint aux liturgies du « pays ». J'aurai aussi soin de remettre, après conventus, les fonctions de stratège, pour trois ans, à ceux qui auront été nommés.
      De manière générale, j'ordonne que, toutes les fois qu'un préfet a déjà tranché par jugement absolutoire des affaires amenées devant lui, (ces cas) ne soient plus ramenés au conventus. Et, si deux préfets se sont prononcés dans ce même sens, l'eclogiste doit en outre être puni, qui ramène les mêmes causes devant le conventus et ne fait rien d'autre que de se ménager, à lui et aux autres fonctionnaires, un prétexte d'enrichissement : beaucoup de gens ont, en effet, préféré abandonner leurs propres biens, parce qu'ils en ont dépensé plus que la valeur du fait qu'à chaque conventus les mêmes affaires sont ramenées en jugement.
      J'en dispose de même au sujet des affaires amenées dans le ressort du compte particulier : si une cause a été tranchée ou doit l'être par jugement absolutoire du préposé au compte particulier, il ne lui (scil. à l'eclogiste) sera plus permis de (la) dénoncer à un accusateur et (la cause ne pourra plus) être ramenée en jugement, sinon celui qui aura fait cela sera puni sans rémission. Il n'y aura, en effet, aucun terme aux dénonciations calomnieuses si les causes tranchées par jugement absolutoire sont ramenées (en justice) jusqu'à ce que condamnation soit prononcée.
      La ville étant devenue déjà presque inhabitable en raison du nombre des délateurs et chaque maison étant en proie au trouble, j'ordonne formellement que, si un des accusateurs du compte particulier introduit une cause en prêtant sa parole à un autre, il produise en justice celui qui lui a fait dénonciation, afin que celui-ci non plus ne soit pas à l'abri de tout risque.
      Si, ayant introduit trois causes en son propre nom, il ne fournit pas la preuve (de ses accusations), il ne lui sera plus permis d'accuser et, en outre, la moitié de son patrimoine sera confisquée. Car il est très injuste que celui qui fait courir à beaucoup de gens des dangers sur leurs biens et (le risque d'une) peine n'ait lui-même absolument aucun compte à rendre.
      Et, de manière générale, j'ordonnerai que le gnomon de l'idiologue [soit en vigueur], en ayant redressé les innovations contraires aux grâces (accordées par) les Augustes.
      Je publierai [aux yeux de tous comment] j'ai infligé le châtiment qu'ils méritaient aux délateurs [déjà] convaincus.
      Je n'ignore pas que vous avez grand souci aussi que l'Égypte demeure dans la prospérité [. . . . . .] autant que c'était possible, j'ai redressé [les abus?].
      Car les cultivateurs de tout le « pays » m'ont souvent adressé des pétitions et représenté qu'ils se sont vu imposer, sans précédent, beaucoup [. . . . . .] d'impôts en blé et en argent, bien qu'il ne soit pas permis à qui bon semble d'introduire à son gré une innovation à caractère général. De telles impositions ont atteint, non seulement la Thébaïde, [les Sept nomes] et les nomes éloignés du Bas Pays, mais aussi les faubourgs de la ville, ce qu'on appelle la région alexandrine et le [nome de] Maréotis.
      [C'est pourquoi, j'ordonne] aux stratèges des nomes, si, dans les cinq ans qui précèdent, des (charges) qui n'étaient payées auparavant ni de manière générale ni dans la majorité des cas, ont été imposées, sans précédent, [aux paysans] des nomes et des toparchies, de les ramener à l'état antérieur, en renonçant à les percevoir ; et si (des affaires de cette espèce?) ont été amenées devant le conventus [. . . .].
      J'ai, auparavant déjà, aussi mis obstacle au pouvoir démesuré des eclogistes, car tous les accusaient à grands cris de faire la plupart des impositions [par analogie], d'où il résultait qu'ils s'enrichissaient, tandis que l'Égypte se ruinait de fond en comble. Et maintenant, je leur enjoins de ne faire aucune imposition par analogie, ni quoi que ce soit en général, sans que le préfet en ait jugé.
      J'ordonne aussi aux stratèges de ne rien recevoir d'eclogistes sans souscription du préfet.
      Quant aux autres fonctionnaires, s'ils sont convaincus d'imposition fausse ou incorrecte, ils rendront aux particuliers le montant qui leur aura été réclamé et verseront un montant égal au fisc.
      Relève aussi de la même pratique pernicieuse ce qu'on appelle la perception par estimation, (établie,) non d'après la crue réelle [du Nil], mais par comparaison avec une ancienne crue (choisie) parmi quelques autres, [bien que] rien ne paraisse être plus juste que la vérité même.
      Je veux que la population ait confiance et cultive avec zèle, [sachant] que la perception se fera d'après (l'état) véritable de la crue réelle et de la [terre] inondée, et non d'après les déclarations mensongères de ceux qui calculent l'imposition par estimation.
      Si quelqu'un est convaincu d'avoir faussé [la perception?], il restituera au triple [le montant indûment saisi?].
      Quant à ceux qui ont pris l'alarme, ayant entendu parler du mesurage de l'ancienne terre de la [région] alexandrine et du Ménélaïte, sur laquelle le cordeau n'a jamais été porté, qu'ils ne conçoivent pas de vaines craintes : nul n'a [jamais] osé (en) faire le mesurage ni ne le fera, car il faut que demeure son antique droit.
      J'en dispose [aussi] de même au sujet des accroissements qui [leur] ont fait accession : rien ne sera donc innové à leur propos.
      Quant aux arriérés, d'impôts plus anciens, (au sujet desquels) vous insistez vivement [. . . . . .] – on n'a souvent rien obtenu de plus que l'enrichissement des fonctionnaires et la [ruine] de [la population]? – j'écrirai (à leur propos) à [César] Auguste, Empereur, avec les autres questions que je lui fais connaître, à lui qui seul peut mettre définitivement un terme à de tels (maux) et dont la bienfaisance et la prévoyance constantes [sont causes] de notre salut à tous.
      L'an I de Lucius Livius Galba, César Auguste, Empereur, le 12 d'Epeiph.
 


 
►  Source : Inscription découverte en 1818 par Frédéric Cailliaud dans l'Oasis de Khargeh.